« Les amnésiques » – Géraldine Schwarz

les amnésiquesEt si le national-socialisme qui fit tant de victimes avait encore de « beaux » restes? Ne fait-il pas encore vibrer des personnages politiques qui servent une partie de ces restes dans leurs discours aux électeurs? 
Géraldine Schwarz est une jeune journaliste née d’un papa allemand et d’une maman française. Ils se rencontrèrent en 1968. 
L’histoire de la famille de son père n’est pas tout à fait exemplaire, et sert de fil conducteur au livre. Le livre n’est pas un roman, mais un travail journalistique d’enquêteur et d’historien portant à la fois sur la période de guerre mais aussi sur l’après-guerre, pays par pays.

Un travail passionnant édité en 2017, il y a quelques mois, et qui ne peut nullement laisser indifférent. Dommage qu’il ne soit pas mieux mis en lumière. 
En 1948, son grand-père reçut une lettre de demande de dommages et intérêts d’un avocat représentant Julius Löbmann, homme d’origine juive émigré aux États Unis lui demandant 11000 Marks de dommages et intérêts. Son grand-père, Karl Schwarz, avait acheté l’entreprise de la famille Löbmann à un prix trop bas. Un prix basé sur les estimations faites faite le régime nazi, un prix accepté par les familles juives pour tenter de fuir vers la liberté. Toute la famille du plaignant a disparu dans les camps. Il est le seul survivant. 
Tous ceux qui avaient profité de la détresse des familles juives pressées de quitter Allemagne ne furent pas inquiétés à l’issue de la guerre…si les familles des vendeurs avaient été exterminées. Des fortunes actuelles trouvent leurs origines dans ces acquisitions à prix bas de biens juifs, de même que des intérieurs de logements meublés à bas prix…
Son travail d’enquêtrice et d’historienne commence avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir et se poursuit avec celle des alliés en Allemagne. Ceux-ci durent faire le tri de la population, arrêter ceux qui avaient du sang sur les mains. Des millions d’allemands  furent considérés comme des « Mitlaüfer » : « celui qui n’a pas participé plus que nominalement au national-socialisme en particulier  les membres du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) […] qui se contentaient de payer les cotisations et de participer aux réunions obligatoires […]. 
Nous dirions des « Compagnons de route ».
L’attitude des alliés était très différentes selon les zones..Strictes et sévères en zone américaines, beaucoup plus souples voire laxistes en zone française.
Cette analyse par zone d’occupation est riche d’enseignement et … d’indignations.
En servant de l’histoire de la famille, y compris en étant critique, elle rappelle toute l’histoire de l’arrivée au pouvoir des nazis, les conditions d’adhésion de la masse de la population, les procès des criminels, et surtout, ce qui donne des frissons, démontre que toute l’Allemagne de l’après guerre ne fonctionnait que parce que d’anciens nazis la faisaient fonctionner…de l’instituteur aux juges. L’allemagne ne comptait pas assez de personnes, voire presque aucune personne compétente sans tache nazie. Impossible de punir tout le monde. Certains devinrent même chanceliers, avant que l’histoire ne les rattrape. Un travail de mémoire passionnant et utile.
L’auteure s’interroge aussi sur la notion de justice : « comment condamner quelqu’un pour des actes légaux au moment de leur exécution au regard du droit du régime d’alors, et qui aurait pris le risque d’être sanctionné en désobéissant ? »
Ces thèses nazies ne sont toujours pas toutes totalement abandonnées et sans être aussi extrémistes, de nombreux hommes politiques européens les ont toujours peu ou prou en tête, que ce soit en France, en Hongrie, ou ailleurs en Europe. L’extrême droite gagne du terrain partout en Europe. Ses thèses n’utilisent plus les juifs, mais les réfugiés.
L’Europe et les européens deviennent amnésiques. 
Sans aucun doute, c’est pour cela, qu’il faudrait que ce livre d’histoire, que cette enquête journalistique qui fourmille d’information et de réflexions, réveille des consciences, serve de base de réflexion et d’échange entre lecteurs.
Editeur : Flammarion – 2017- 347 pages

Qui est Géraldine Schwarz


Quelques lignes

  • « Car, comme cela a déjà été démontré, si la France n’avait pas collaboré, l’Allemagne n’aurait jamais été en mesure de déporter 76 000 juifs. Et si le peuple avait été moins attentiste, peut-être le nombre de déportations aurait-il été moindre, d’environ 8 000 comme en Italie, ou même de zéro comme en Bulgarie, où malgré les fortes pressions du Reich l’administration résista et la population fit barrage. » (P. 207)
  • « « S’il y a une chose que les Italiens dénoncent dans le fascisme, ce sont les lois raciales de Mussolini, souligne Giovanni Donfrancesco. C’est la limite qu’il a dépassée et qui n’est pas acceptée par la société italienne. Malheureusement, c’est la seule chose qui soit condamnée de manière unanime, et depuis vingt ans, l’idée a gagné du terrain que, sans les lois raciales, le fascisme aurait été acceptable. » » (P. 276)
  • Stolperstein.jpg« C’est un Stolperstein, une « pierre d’achoppement » enfoncée devant l’ancien domicile des déportés. Il y en a 37 000 gravés dans le sol allemand. » (P. 345)

 

 

 

 

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