
Certains sont des paumés embrigadés, d’autres sont des fous tueurs sans états d’âme
David Thomson a rencontré une centaine de ces combattants du djihad, afin de connaître l’histoire personnelle de chacun d’eux, ses motivations, son parcours scolaire, les conditions de sa décision de départ de France et de retour. Il a réussi à les mettre en confiance. Leur anonymat a été conservé.
Connaître afin de nous informer, sans porter de jugement, parce qu’il est journaliste.
Cette enquête sociologique, culturelle, etc. m’a passionné et m’a fortement remué et inquiété. Ces jeunes de toute condition sociale, de toute religion – il a même écouté un ancien enfant de cœur – ont tout plaqué, et sont partis pour combattre. Shit, religion, malaise social, milieu familial, niveau scolaire, etc. se mêlent et s’additionnent.
Des imams auto-proclamés savent utiliser une faiblesse temporaire, une détresse sociale, un accident familial, un parcours scolaire chaotique, ou un échec professionnel pour faire entrer la haine de la France dans la tête de chacun d’eux. Parfois ce fut un ami d’enfance, ou une rencontre fortuite. L’imam s’est appuyé sur des versets du Coran sortis de leur contexte historique et faisant référence à des événements vieux de plusieurs siècles, pour leur dire «tu vois le Coran le dit».
Effrayant!
Effrayant de constater, le rôle qu’ont tenu dans la décision de départ de chacun les réseaux sociaux, les mêmes que ceux que nous utilisons pour partager nos événements familiaux, nos informations culturelles…Ceux-ci ou d’autres plus confidentiels véhiculent une « propagande jihadiste francophone extrêmement sophistiquée et attractive ».
David Thomson a effectué un travail sociologique de profondeur, un travail de cinq ans qui interpelle chacun de nous, parents, responsables d’associations, responsables politiques locaux au plan nationaux…Qu’on en juge : « en chiffres absolus, avec plus de 100 départs, mais pas en proportion de sa population, Nice est ainsi la ville la plus touchée en France ». Chacun est concerné
David Thomson a effectué un travail sociologique de profondeur, un travail de cinq ans qui interpelle chacun de nous, parents, responsables d’associations, responsables politiques locaux au plan nationaux…Qu’on en juge : « en chiffres absolus, avec plus de 100 départs, mais pas en proportion de sa population, Nice est ainsi la ville la plus touchée en France ». Chacun est concerné
Il semble que la France est le pays occidental le plus touché par cette problématique…Pourquoi? Des hypothèse sont avancées, toutes dérangeantes, méritant un travail en profondeur. L’enfermement ne règle rien, les prisons forment de nouveaux adeptes…
A la suite des attentats de Trèbes (60 km de mon domicile) j’ai cherché des livres sur ce problème qu’est le djihadisme… J’ai découvert cet auteur, ce titre.
Le « prix Albert-Londres du livre » n’existait pas…il vient d’être créé et « Les revenants » est, signe des temps, le premier ouvrage à l’avoir obtenu. C’est le deuxième livre écrit par David Thomson sur le djihadisme…Il connait le sujet et a été correspondant de RFI en Tunisie…l’un des pays qui a donné au monde le plus fort taux de djihadistes. Menacé de mort il a décidé de quitter la France et de ne plus travailler sur le djihadisme. Il est depuis correspondant de RFI aux Etats-Unis. Mais il prévient : « L’Europe est condamnée çà subir le contre-choc des erreurs qui ont été faites »
Il les montre du doigt, il donne des noms, témoignages à l’appui.
« Revenant » veut parfois dire « repenti », parfois seulement …et « repenti » pour combien de temps? «Il est impossible de s’assurer de la sincérité du repentir d’un djihadiste» dira-t-il lors d’une interview
Cerise sur le gâteau : Lors de l’émission « Ce soir ou jamais » du 25 avril 2014 animée par Frédéric Taddeï, un des participants a asséné le coup de grâce à David Thomson en lui disant qu’il n’y connaissait rien…
Edition Seuil – 2016 – 295 pages
Qui est David Thomson
Quelques extraits
- « Quand on est en France et qu’on entend parler de ça là-bas, c’était vraiment le pays imaginaire qu’il fallait découvrir. Mais c’est deux réalités différentes que d’être tranquillement chez soi en train de manger des chips derrière l’ordinateur et être là-bas dans la boue, dans une tranchée, avec les bombes qui pètent de partout. » » (P. 79)
- » Par effet de groupe, en prison, la majorité des détenus qu’il a croisés ont solidement fixé leur radicalité religieuse violente. Dans certains cas, ils se sont même endurcis dans leurs convictions et dans leur intention de passer à une action terroriste à l’extérieur de la maison d’arrêt, voire dans ses murs. Zoubeir se souvient notamment de cette euphorie générale lors des attentats contre Charlie Hebdo, alors qu’il est incarcéré. « Ils ont crié, ils ont fait des takbir1, on entendait des “Allahou Akbar” partout. Y a un bâtiment complet, on entendait que ça. C’était incroyable. C’est pour ça que je pense qu’ils sont vraiment nombreux. J’avais l’impression qu’ils étaient partout. Ils étaient tous à l’unisson, contents, fiers, ils revendiquaient. Moi, je me disais : “Ces gens-là, c’est des fous.” » » (P. 130)
« Selon plusieurs témoignages de « revenants » et de jihadistes sur place, il existe ainsi, au sein de l’État islamique, des listes d’attente de plusieurs mois de candidats aux opérations kamikazes. Tous sont volontaires et sélectionnés par l’organisation. Réunis dans des maqqar, des casernes, qui leur sont réservés, ils suivent un entraînement spécifique. L’État islamique s’assure notamment de leur détermination, de façon à ne pas choisir un candidat susceptible de flancher au moment de se faire exploser. En plus de l’échec de l’opération, cela risquerait de décrédibiliser le groupe dans sa stratégie de terreur jusqu’au-boutiste. » (P. 179)
- « Les individus issus de familles monoparentales avec une figure paternelle défaillante sont surreprésentés dans les milieux jihadistes. Leurs proches estiment souvent qu’ils ont ainsi retrouvé, dans cette idéologie, la symbolique d’une autorité paternelle qui leur avait fait défaut. » (P. 218)
- « De fait, la mise en relation par la propagande des prophéties et des événements fournit aux yeux de nombreux jihadistes la preuve de la vérité coranique dont ils pensent détenir le monopole. Et ce n’est pas un hasard si l’EI inonde chacune de ses productions médiatiques de hadith ou de versets du Coran. Le titre de la vidéo de revendication des attentats du 13 Novembre s’intitule ainsi : « Et tuez-les où que vous les rencontriez. » C’est un extrait du verset 5 de la sourate 9 : « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs, où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade… » Les jeunes qui découvrent ces versets et ces hadith sur internet sont complètement sourds à tous ceux qui, à la mosquée ou ailleurs, peuvent essayer d’expliquer que le sens des prophéties s’inscrit dans un contexte symbolique, inapplicable aujourd’hui : pour eux, qui sont venus aux textes seuls, ou avec la propagande jihadiste, l’interprétation moderniste figurée est une « innovation », c’est-à-dire la pire des choses, puisqu’elle dénature et biaise le sens qu’ils pensent être original. » (P. 288)