« Sigmaringen » – Pierre Assouline

SigmaringenJ’ignorais que le gouvernement français de l’Occupation était parti se réfugier en Allemagne en septembre 1944, quelques mois après le débarquement allié…..À moins que le moustachu, n’ayant pas trop confiance en leur loyauté ait pris l’initiative de les écarter des affaires en les ayant sous la main.
Merci à Dominique, elle se reconnaîtra…Elle m’a dit en me prêtant ce livre (et d’autres) : « je crois que tu aimeras, j’ai vu que tu appréciais Pierre Assouline et l’Histoire ».
Et j’ai apprécié cette découverte littéraire et historique.
Le Maréchal Pétain, Laval, Doriot, de Brinon, Bonnard, Déat, Luchaire, Rebatet, Ménétrel, médecin personnel de Pétain, le docteur Destouches, plus connu sous le nom de Céline et j’en passe arrivèrent ensemble, en train au château de Sigmaringen, réquisitionné par les nazis. Le drapeau des princes de Hohenzollern, maîtres des lieux fut descendu et remplacé par le drapeau français…le château devint ainsi un petit bout de France, qu’aucun des pensionnaires, du plus petit au plus grand ne devait quitter.

Ministres « actifs » et ministres « passifs » , le président, le Maréchal, étaient arrivés avec leurs gardes et médecins personnels, leurs épouses…et leurs animosités. Pierre Assouline nous décrit des personnages imbus de leurs personnes et de leurs titres, s’imaginant qu’ils avaient encore un pouvoir important, promulgant des décrets, se jalousant, et se tirant joyeusement dans les pattes…allant jusqu’à voler les fourchettes. Bref des gens bien peu sympathiques. Impossible de s’attacher à ces bouffons ridicules.
Tout ce petit monde est observé par Julius Stein, majordome de la famille Hohenzollern, contrainte par Hitler de quitter les lieux. Julius est un homme de rigueur et de principes, attaché à des règles de bienséance et d’étiquette…Notions inconnues de certains nouveaux locataires. Il s’en indigne et doit de plus composer avec mademoiselle Wolfermann, intendante du Maréchal Pétain, en charge de la gestion du personnel de service français. Des relations pas toujours faciles, chacun souhaitant conserver les prérogatives dues à sa fonction.
Chaque jour le menu est imprimé, couteaux et couverts sont disposés à distance convenue. Tout ce beau monde ne se mélange pas. Chacun mange a son étage…et tous bénéficient de conditions d’approvisionnement inconnues des allemands qui se serrent la ceinture… Gestapo et SS veillent sur eux, les espionnent…et malgré tout la France Libre sait ce qui se passe au château. Qui donc les informe ?
Quand les bombes américaines toucheront les villes allemandes, et quand les chars de Leclerc entreront en Allemagne, ils se sauveront, de peur d’être prisonniers des troupes françaises. Mieux valait tomber aux mains des Américains…Lucides, beaucoup d’entre eux savaient que le poteau les attendait. Les vieillards et les gamins allemands étaient quant à eux mobilisés de force.
La folie sans limite.
Pierre Assouline s’appuie sur un nombre important d’archives, d’entretiens, de films, de livres pour la rédaction de ce livre sur fond historique mais aussi en partie romancé. Il nous en donne le liste dans les remerciements des dernières pages. Il a certes imaginé un certain nombre de conversations ou de situations. Mais il a su retracer cette ambiance pesante et malsaine, cette illusion de pouvoir que chacun des pensionnaires souhaitait conserver, ces animosités et ces luttes d’influence dans ce vase clos qu’était ce château.
Bref, j’ai passé quelques heures agréables, jusqu’à la fin…
N’en disons pas plus !
Il en fallait bien une.
Editions Gallimard – Folio – 2015 – Première parution : 2014 – 346 pages

Quelques mots sur Pierre Assouline

Quelques lignes
  • « Le fait est que dès le premier jour, le maréchal se renfrogna, sa manière bien à lui de contenir la colère qu’il éprouvait de se retrouver ainsi retenu contre son gré loin de son pays. » (P. 34)
  • « Je vous rappelle qu’il y a trois types de menus identifiables à l’importance du fromage, gras ou maigre, par ordre décroissant : le meilleur pour le maréchal Pétain, puis le menu numéro deux pour l’amiral Bléhaut et le général Debeney, enfin la troisième catégorie pour le docteur Ménétrel et le lieutenant de vaisseau Sacy. » (P. 53)
  • « Incroyable comme le goût des uniformes et le souci de la pompe peuvent rendre aveugle aux circonstances. Je n’osai le lui dire, mais cela me parut déraisonnable. Je l’annonçai en ouvrant la porte du bureau du président de Brinon. Son entrée fit grande impression. Il y en eut pour s’offusquer. Il est vrai que c’était plus visible, plus spectaculaire qu’une autre réalité autrement gênante : le fait que la Commission gouvernementale ait eu un compte à la Hohenzollerrische Landesbank que les autorités approvisionnaient en permanence. Toujours se demander qui paie qui. D’où vient l’argent. Il n’est pas de plus sain réflexe. Merci, Oncle Oelker. » (P. 152)
  • ‌ »Il avait fait savoir que, pour être copieux, les mets manquaient de raffinement et que les plats étaient trop lourds. » (P. 216)
  • « ….des cartes d’alimentation désormais fixées à 125 grammes de viande, 62 grammes de fromage et 300 grammes de pain de seigle par semaine. » (P. 275)

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