
Dans ce dernier Yuval Noah Harari nous présentait la longue évolution de l’Homo Sapiens qui est devenu celui que nous sommes aujourd’hui, en éliminant les autres espèces d’hominidés. Il nous rappelait les étapes essentielles qui ont permis à Homo Sapiens de dominer le monde, révolution cognitive, révolution agricole, inventions des écritures et des monnaies d’échanges, échanges d’informations entre les divers continents, etc…
C’est cette capacité d’échange et de collaboration qui a permis à Sapiens de dominer le monde, d’éradiquer les autres hominidés, et malheureusement certaines espèces animales….
Après avoir regardé dans le rétroviseur, Yuval Noah Harari, nous propose avec ce livre de regarder loin, très loin devant. Cette réflexion philosophique est passionnante et dérangeante, donc discutable, comme tout essai philosophique. C’est tout son intérêt. Passionnante et dérangeante parce que l’Homme conçoit dorénavant des machines qui font à sa place, qui pensent à sa place, ordinateurs, programmes d’intelligence artificielle, voitures autonomes…et j’en passe. Yuval Noah Harari repousse ainsi les limites des mondes imaginés par Jules Verne, Aldous HUXLEY, Georges ORWELL et d’autres. Le choix est à la fois simple et complexe : inventer un monde technologique dont les limites se repoussent sans cesse ou subir ce monde technologique.
La vie de Sapiens est maintenant fortement améliorée et interdépendante des évolutions technologiques toujours plus rapides qu’il imagine. Et parmi celles-ci on ne doit pas sous estimer l’importance des travaux humains sur la génétique. Ces manipulations génétiques qui après avoir permis de créer et d’améliorer des espèces animales à notre profit, s’attaquent dorénavant à l’amélioration de Sapiens lui-même, à l’éradication de maladies, et projettent la création d’un Sapiens amélioré, Sapiens souhaitant même accroître son espérance de vie. Mais la vie de tous ou de quelques uns seulement…?
Nous n’en sommes qu’aux prémices…les propos d’Harari nous interrogent et m’ont personnellement dérangé. En connectant son cerveau à l’intelligence artificielle de machines, d’ordinateurs, en maîtrisant la génétique, la robotique, en envisageant de greffer des puces électroniques aux cerveaux humains, en créant des organes artificiels, en tentant de connecter le cerveau à Internet, Homo Sapiens tente de devenir « Homo Deus ». Un homme Dieu.
Certains envisagent et travaillent même pour permettre une vie éternelle…pour tous, ou pour quelques uns seulement ? Ce qui ne manque pas de poser des questions éthiques sur le devenir de notre société, sur l’égalité d’accès à ces nouveaux pouvoirs, sur l’évolution de l’espèce humaine ! Qui pourra y accéder, se les payer? Qu’en sera-t-il de notre démocratie, si nous conférons, de plus, certains pouvoirs à nos ordinateurs, si nous laissons l’intelligence artificielle nous proposer des décisions, voire les prendre à notre place, si la science permet la création de surhommes?
Va-t-on vers la création « d’hommes utiles » et « d’hommes inutiles«
Des milliards d’Homo Deus ou quelques uns seulement ?
Nombreux sont les ouvrages d’anticipations dans lesquels les auteurs imaginent, uniquement sous l’angle de l’Innovation, avec un grand « I » le futur promis par ces nouvelles technologies, « Homo Deus. Une brève histoire de l’avenir » envisage quant à lui l’évolution de l’espèce humaine, du fait de ces innovations. En ce sens, bien que pas facile d’approche, il mérite d’être connu du plus grand nombre. Parce qu’il pose aussi le problème de la morale, de ces innovations voulues et proposées par quelques grandes firmes internationales, bien peu philanthropiques, qui ont quant à elles pour seul dieu, le dieu Argent, le dieu Dollar et qui nous imposent des produits, des services, devenus indispensables à notre vie, l’informatique, Internet, et j’en passe. Que penser notamment des pesticides (non évoqués me semble-t-il) développés…pour notre bien parait-il !
Qui détient réellement le pouvoir politique aujourd’hui et qui le détiendra demain ?
Certes, certains points de cet ouvrage peuvent être discutables. D’autres font froid dans le dos…Lire pour s’interroger et s’instruire, c’est tout l’intérêt de cette lecture!
Hasard de la vie ….Le jour où je lisais cette phrase, Hulot démissionnait :« Il est dangereux de confier notre avenir aux forces du marché, parce que ces forces font ce qui est bon pour le marché et non ce qui est bon pour l’humanité ou pour le monde. La main du marché est aveugle aussi bien qu’invisible ; livrée à elle-même, elle pourrait bien rester passive devant la menace du réchauffement climatique ou les dangers potentiels de l’intelligence artificielle. » (P. 405)
Editions Albin Michel – Traduction Pierre-Emmanuel Dauzat – 2017 – 426 pages
Quelques mots sur Yuval Noah Harari
Quelques lignes
« Qu’Homo sapiens soit l’espèce la plus puissante du monde ne fait pas de doute. Homo sapiens se plaît aussi à penser qu’il jouit d’un statut moral supérieur et que la vie humaine a bien plus de valeur que la vie des cochons, des éléphants ou des loups, ce qui est moins évident. Y aurait-il une raison du plus fort ? La vie humaine est-elle plus précieuse que la vie porcine pour la simple raison que la communauté des hommes est plus puissante que celle des cochons ? Les États-Unis sont bien plus puissants que l’Afghanistan ; cela signifie-t-il que les vies américaines aient intrinsèquement plus de valeur que les vies afghanes ?En pratique, les vies américaines sont plus précieuses. On investit bien plus d’argent dans l’éducation, la santé et la sécurité de l’Américain moyen que dans celles de l’Afghan moyen. La mort d’un citoyen américain suscite une indignation internationale bien plus grande que celle d’un citoyen afghan. Il est pourtant généralement admis que ce n’est là qu’un effet injuste du rapport de force géopolitique. L’Afghanistan a beaucoup moins de poids que les États-Unis, mais la vie d’un enfant des montagnes de Tora Bora est jugée tout aussi sacrée que la vie d’un enfant de Beverly Hills. » (P. 117)
- « Si vous comprenez pleinement la théorie de l’évolution, vous comprenez qu’il n’y a pas d’âme. C’est une pensée terrifiante pour les chrétiens et musulmans fervents, mais aussi pour bien des esprits séculiers qui n’adhèrent clairement à aucun dogme religieux, mais n’en veulent pas moins croire que chaque humain possède une essence individuelle éternelle qui reste inchangée tout le long de la vie et peut même survivre intacte à la mort. » (P. 120)
- « En vérité, aujourd’hui encore, quand ils prêtent serment, les présidents américains posent la main sur une Bible. De même, dans bien des pays à travers le monde, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, les témoins, à la cour, posent la main sur une Bible en jurant de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Il est paradoxal qu’ils jurent de dire la vérité sur un livre débordant de fictions, de mythes et d’erreurs. » (P. 193)
« La plus grande découverte scientifique a été la découverte de l’ignorance. Du jour où les hommes ont compris à quel point ils en savaient peu sur le monde, ils ont eu soudain une excellente raison de rechercher des connaissances nouvelles, ce qui a ouvert la voie scientifique du progrès. » (P. 233)
« Quand une catastrophe s’abat, les pauvres souffrent toujours bien plus que les riches, même si ce sont ces derniers qui sont responsables de la tragédie. Le réchauffement climatique affecte déjà la vie des plus pauvres dans les pays arides d’Afrique bien plus que la vie des Occidentaux plus aisés. Paradoxalement, le pouvoir même de la science peut accroître le danger, en rendant les plus riches complaisants. » (P. 235)
- « Ce livre a commencé par une prédiction : au XXIe siècle, les êtres humains se mettront en quête d’immortalité, de bonheur suprême et de la divinité. Ce n’est pas une prédiction très originale ni très perspicace. Elle reflète simplement les idéaux traditionnels de l’humanisme libéral. Comme l’humanisme a de longue date sanctifié la vie, les émotions et les désirs des êtres humains, il n’est guère surprenant qu’une civilisation humaniste veuille maximiser la durée de vie, le bonheur et le pouvoir des êtres humains. » (P. 300)
- « Tôt ou tard, prédisent certains économistes, les humains non augmentés deviendront totalement inutiles. D’ores et déjà, robots et imprimantes 3D remplacent les ouvriers dans diverses tâches manuelles comme la production de chemises, et des algorithmes très intelligents feront de même pour les activités des cols-blancs. Employés de banque et agents de voyages, qui, il y a peu, paraissaient totalement à l’abri de l’automation, sont devenus une espèce menacée. Quel besoin avons-nous d’agents de voyages quand nous pouvons nous servir de nos smartphones pour acheter des billets d’avion à partir d’un algorithme ? » (P. 336)
- « Les électeurs ordinaires commencent à pressentir que le mécanisme démocratique ne leur donne plus de pouvoir. Le monde change tout autour d’eux, et ils ne comprennent ni pourquoi ni comment. Le pouvoir leur échappe, mais ils ne savent pas trop où il est passé. En Grande-Bretagne, les électeurs imaginaient que le pouvoir avait sans doute échu à l’Union européenne : ils ont donc voté pour le Brexit. Aux États-Unis, ils imaginaient que l’establishment monopolisait tout le pouvoir : ils ont alors soutenu des candidats anti-establishment comme Bernie Sanders et Donald Trump. La triste vérité est que personne ne sait où tout le pouvoir est passé. Que la Grande-Bretagne quitte l’Union européenne ou que Trump s’installe à la Maison Blanche, il est clair que les électeurs ordinaires ne reprendront pas le pouvoir. » (P. 405)
Il m’intéresse bien celui-là… Cultivant, enrichissant, et j’en passe certainement. Merci pour l’info et ta belle chronique 🙂