« Silbermann » – Jacques de Lacretelle

silbermannPresque 100 ans et toujours d’actualité…
Toujours malheureusement !
Rentrée scolaire dans un lycée…que les gamins découvrent…ils entrent en troisième. Beaucoup, dont le narrateur, viennent de Saint-Xavier, collège religieux sans doute que j’ai perçu comme tenu par des jésuites…Un élève est remarqué, personne ne le connaît, il est décrit comme un gamin « petit et d’extérieur chétif » dont la figure est « assez laide » …Dès les premiers cours le gamin attire les réactions hostiles des professeurs et de ses camarades, par sa prétention et son langage. Bref il est assez peu sympathique.
Le narrateur sympathise toutefois avec lui, Silbermann, dont on ne connaîtra pas le prénom. Silbermann qui lui avoue qu’il est juif. ce qui ne manque pas d’attirer les remarques racistes des autres élèves, remarques racistes qui deviendront des coups, parce que le gamin ne fait rien, bien au contraire pour attirer l’amitié.
Il dispose chez lui d’une bibliothèque de livres rares, qui lui permettent de briller en classe et d’écraser (un peu trop) ses camarades et professeurs.

Le narrateur sera également rejeté, parce qu’il a un camarade juif, rejeté par ses camarades et réprimandé par ses parents aux conditions modeste…Là-dessus se greffent des soupçons de malversations financière sur le père de Silbermann. Normal on en n’attend pas moins d’un Juif, diront certains.
Livre aussi sur l’amitié de ces deux gamins, amitié suspecte aux yeux des parents du narrateur.
Cette histoire d’amitié sur fond de racisme reste toujours d’actualité, il suffit de se référer à l’actualité, qui nous confirme que ce mal franchit allègrement les siècles, à tel point qu’on court, aujourd’hui encore, le risque de se faire tabasser sur certaines lignes du métro quand on lit ouvertement un livre écrit par un auteur juif.
Petit livre vite lu, car court, mais bigrement dérangeant. Dérangeant parce que le thème du racisme l’est toujours.
Dérangeant parce que bien qu’écrit il y a une centaine d’années il conserve toute son actualité.
Dérangeant enfin, parce que l’auteur en décrivant ce gamin ou sa famille riche, nous permet de voir ces sinistres affiches nazies ou pétainistes alertant contre « le complot juif »… Tous les poncifs caricaturaux repris en 1942, figurent dans la description physique de Silbermann et morale, dans celle des « affaires » de son père…
Le livre fut toutefois récompensé par le Prix Fémina en 1922 
Les boites à livres vous font souvent découvrir des livres dont personne ne voudrait, mais quelques fois vous y dénichez des petites pépites oubliées, des vieux livres aux pages jaunies, d’un autre siècle…
Ce fut le cas avec « Silberman » réédité dans cette éditions de 1980…
Livre d’un auteur oublié (en tout cas méconnu de moi), mais académicien 
Il va retrouver sa vie d’errance dans une autre boite à livre…et faire le bonheur, comme il fit le mien d’un autre lecteur. Je l’espère.
Editions Folio – Gallimard – 1980 -Première parution 1922 – 124 pages

Quelques lignes 

  •  » Je suis content, bien content, que nous nous soyons rencontrés… je ne pensais pas que nous pourrions être camarades.
    – Et pourquoi ?  » demandai-je avec une sincère surprise […]
    – Parce que je suis juif « , interrompit-il nettement et avec un accent si particulier que je ne pus distinguer si l’aveu lui coûtait ou s’il en était fier. » (P. 28-9)
  • « J’avais la vision de ces Juifs à travers les âges, errant par le monde, parqués dans la campagne sur des terres de rebut ou tolérés dans les villes entre certaines limites et sous un habit infamant. Opprimés partout, n’échappant au supplice qu’en essuyant l’outrage, il se consolaient du terrible traitement infligés par les hommes en adorant un dieu plus terrible encore. » (P. 45)
  • « Cette singerie me déplut. La parole évangélique me revint en mémoire : «Race incrédule et perverse» » (P. 64)
  • « Ne savent-ils pas que c’est pour avoir été rejetée toujours et par tous que notre race s’est fortifiée au cours des siècles. » (P. 100)
  • « Être Juif et Français, que cette alliance pourrait être féconde ! » (P. 105)

5 réflexions sur “« Silbermann » – Jacques de Lacretelle

  1. Comme la plupart des lecteurs d’aujourd’hui, vous négligez le dernier chapitre, qui est pourtant le plus important, i.e. le plus dérangeant, car on y voit le narrateur faire un pas vers la maturité au prix de …

    • Comme la grande majorité des lecteurs, je n’aime pas découvrir dans un commentaire de livre, dans un blog ou sur Babelio, des informations relatives à la fin du livre, ni un résumé de l’histoire…je préfère le découvrir par moi-même, en me fondant sur le ressenti de celui ou de celle qui commente, le livre. Aussi, si vous lisez bien mon blog, vous ne trouverez jamais un résumé du livre mais juste quelques éléments d’information, quelques points sur mon bonheur de lecture. Aussi JAMAIS au grand jamais je ne parle ni ne parlerai des derniers chapitres.

  2. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais dans le cas présent, en n’informant pas votre lecteur que le plus important restait à venir dans un dernier chapitre vertigineux (« in cauda venenum », en quelque sorte), vous ne rendiez pas vraiment compte du livre. Ceci dit en toute courtoisie.

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