
L’enquête est confiée au commissaire Nora, une femme énergique. Malgré les menaces et les pressions de sa hiérarchie, elle s’accrochera et fera tout pour aller jusqu’au terme de son enquête. Son orientation sexuelle la livre aux remarques et observations de ses collègues. Pas banal de retrouver une femme flic commissaire dans un pays dominé par les hommes.
Le sujet aurait pu être plaisant et explosif.
Malheureusement, on pressent dès le départ qui sont les bons et les méchants…..Surtout les méchants, car les bons sont rares. L’ambiance est pesante, voire malsaine…. L’intrigue et le scénario auraient pu être passionnants, mais ce n’est pas le dessein affiché de Khadra. Le scénario n’est que le prétexte à une dénonciation des malversations et manipulations du régime algérien, dont l’auteur fut, rappelons le, un militaire au temps où l’armée combattait le GIA. Un livre dans lequel l’auteur règle ses comptes avec l’Algérie – une fois de plus pourrait-on dire – par la multiplication de phrases assassines sur les hommes, les institutions de ce pays, la presse, les dirigeants, la police, la justice, la corruption, la déliquescence du régime…
« Dans un pays où l’on est fier de corrompre et d’être corrompu, le filou averti se doit de mettre les bouchées doubles » (P. 152)
A terme ça devient assez lassant. J’ai cherché dans cette description bien noire, un aspect positif sur ce pays, ses élites, ses hommes politiques.
En vain.
Sans doute pas le meilleur de l’auteur….l’un des plus percutant, sans doute.
Éditions Julliard – 2014 – 360 pages
Quelques mots sur Yasmina Khadra
Quelques lignes
- « C’est vrai qu’au pays on ne sait plus s’habiller, mais ces dernières années, les gens exagèrent. On traîne des sandales à longueur de journée, on porte le kamis du vendredi au vendredi et on se rend aux enterrements en jogging. » (P.15)
- « Il sait qu’à Alger comme sur n’importe quel stand de tir on n’est pas à l’abri d’une ballé perdue » (P. 59)
- « La morgue de l’hôpital ressemble à un abattoir et les prestations y sont discutables, mais l’obsolescence qui caractérise les moyens des centres hospitaliers de l’Etat est voulue par l’Etat lui-même afin que les décideurs s’en mettent plein les poches en traitant avec les promoteurs immobiliers véreux et les bouchers du secteur de la santé pour qui les pots de vin valent tous les diplômes et tous les serments d’Hippocrate » (P. 66)
- « Le problème du pays repose sur deux béquilles retorses: l’élite politique et l’élite pensante. La première est une caisse de résonance, la deuxième est un tambour funèbre » (P. 91)
« Tu leur tend la main, ils t’arrachent le bras. « Ils » ce sont les Autres, l’enfer, le menu fretin, c’est à dire ceux qui n’appartiennent pas à la « Loge » – ce comité restreint d’usurpateurs historiques qui tire les ficelles derrière les institutions et les gouvernements successifs faisant porter le chapeau aux décideurs visibles, aux militaires et quand les choses dérapent, à la main de l’étranger » (P. 156)
« En Algérie, les génies ne brillent pas, ils brûlent. Lorsqu’ils échappent à l’autodafé, ils finissent sur le bûcher. Si par mégarde on les met sous les feux de la rampe, c’est pour mieux éclairer les snippers » (P. 168)