« L’herbe des nuits » – Patrick Modiano

L'herbe des nuitsAh! Monsieur Modiano, l’idée d’abandonner cette lecture m’a un temps effleuré !…J’ai eu un peu de mal à entrer dans le roman, un peu de mal à situer l’action, les périodes, puis votre petite musique a fait le reste. Tout s’est progressivement ordonné, ce petit carnet noir, objet essentiel du roman a trouvé sa place…Et au final vous m’avez enchanté..
« Sur les pages du carnet se succèdent des noms, des numéros de téléphone, des dates de rendez-vous, et aussi des textes courts qui ont peut-être quelque chose à voir avec la littérature. » : un carnet qui a accompagné la vie du narrateur, un auteur. 
Ce carnet lui servait à noter les événements, les rencontres qui émaillaient sa vie, des éléments qui pouvaient être réutilisés dans ses romans. 

Il se promène dans les rues de Paris, là se trouvait un hôtel. Là il a rencontré Aghamouri….Là, il y avait…Là….
C’est Aghamouri qui lui avait présenté Dannie, une étudiante, mais était-elle vraiment étudiante?  Dannie et lui s’étaient rendus en Sologne, dans une maison dont Dannie disposait. Ils en étaient repartis, il avait oublié une ébauche de roman dans cette vieille maison. 
Dannie..dont on lui a dit qu’elle ne s’appelait pas Dannie… 
Aghamouri, mais était-ce son vrai nom était un marocain qui habitait le pavillon du Maroc à la cité Universitaire ….Un pavillon dont il avait été expulsé. Alors il habitait comme d’autres personnages assez troubles l’Unic-Hôtel. Le narrateur dit de lui « C’est lui qui m’avait dit : « Faites attention. Ils peuvent vous entraîner dans de très mauvais chemins. Je vous conseille de couper court pendant qu’il est encore temps. » » 
Mais qui sont ceux dont il parle ?
Langlais, un flic lui en apprendra beaucoup.
Patrick Modiano trouble le lecteur, joue avec lui, s’amuse à le perdre un peu par moment, surtout si celui-ci est pressé de comprendre. Mais non, il faut prendre le temps, se laisser porter à la fois par les mots, par l’écriture et par la construction du livre. Progressivement, les événements s’ordonnent, les relations entre les personnes se construisent. 
Les plus anciens retrouveront cette atmosphère étudiante et des événements, notamment politiques, des années 60. 
Nombreux sont ceux qui parmi nous ont leur petit carnet de notes, un petit cahier, un agenda qu’on tenait et qu’on retrouve par hasard en rangeant. Alors on s’assied, on l’ouvre, et alors des souvenirs, des émotions, des visages, des situations arrivent en tête…..tiens j’avais oublié ! Et que dire des émotions que l’on revit quand, des années après, on parcourt des rues de son adolescence.
Mais quand c’est Modiano qui le raconte, ça devient un livre intimiste, un polar, un moment de grâce. 

Prendre le temps ! On oublie trop souvent de le faire!

Édition Gallimard Folio – 2017 – Parution initiale en 2012 – 169 pages

Quelques mots sur Patrick Modiano

Quelques lignes
  • « Mais, après tout, les vraies rencontres sont celles de deux personnes qui ne savent rien l’une de l’autre, même la nuit, dans une chambre d’hôtel. » (P. 33)
  • « J’ai oublié à La Barberie une centaine de pages d’un manuscrit que j’écrivais d’après les notes prises dans mon carnet noir. Ou plutôt, j’avais laissé le manuscrit dans le salon où je travaillais, pensant que nous reviendrions la semaine suivante. Mais nous n’avons jamais pu revenir, si bien que nous avons abandonné là-bas pour toujours le chien et le manuscrit. » (P. 51)
  • « ……c’est plus fort que soi, on se sent toujours coupable lorsque de nobles et honnêtes parents ne nous ont pas persuadés dans notre enfance de notre bon droit et même de notre nette supériorité, en n’importe quelle circonstance de la vie. » (P. 63)
  • « Vous avez vécu une courte période de votre vie – au jour le jour sans vous poser de questions – dans d’étranges circonstances, parmi des personnes étranges elles aussi. Et c’est beaucoup plus tard que vous pouvez enfin comprendre ce que vous avez vécu et qui étaient au juste ces personnes de votre entourage, à condition que l’on vous donne enfin le moyen de démêler un langage chiffré. La plupart des gens ne sont pas dans ce cas-là : leurs souvenirs sont simples, de plain-pied, et se suffisent à eux-mêmes, et ils n’ont pas besoin de dizaines et de dizaines d’années pour les élucider. » (P. 137)

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