« Même les monstres » – Thierry Illouz

même les monstres« Un crime monstrueux…. », « Le monstre a tué… »que de fois ces poncifs nous ont été asséné par les médias. Que de fois avons-nous eu de telles pensées à la lecture de comptes-rendus de procès? 
Quand à l’avocat, c’est souvent aussi qu’on lui pose cette question « Vous défendez même les monstres? ». L’avocat Thierry Illouz, s’en défend, il défend uniquement des hommes, des criminels. Il réfute le mot de monstre, et dans ce court livre d’une centaine de pages, presque une plaidoirie, l’avocat, l’homme Thierry Illouz, nous parle de lui, né en Algérie puis de la France, où il arriva, à un an, en 1962 dans le flot des pieds noirs. 
Et aussi, et surtout, de cette vocation, de ce métier difficile qu’est celui d’avocat : « Il ne faut pas être d’accord avec le monde pour choisir le métier fou et désespéré de défendre. »

Oui, seul contre tous, seul contre la foule qui hurle, seul contre les médias, il doit défendre, ce que tous appellent l’indéfendable, et « croire en l’humanité des hommes » que sont les jurés et les juges. Position inconfortable, mais nécessaire pour repousser toute tentation totalitaire. 
Qui sont les accusés : des pervers construits à l’envers des gens normaux, des êtres vivant et agissant au gré de leurs pulsions, ou bien des êtres fragilisés mentalement, et moralement par des événements de la vie, par la précarité, par une enfance difficile, par des parents violents? Pourquoi d’un instant à l’autre sont-ils devenus des déviants, des criminels.
Cela fait plus de vingt ans, qu’il défend ces pédophiles, ces criminels que tous rejettent. Pourquoi a-t-il choisi ce sacerdoce ? Peut-être pour tenter de comprendre la nature humaine ou s’opposer à son père, dont il était le fils unique? Un père flic aux idées beaucoup plus manichéennes, résumant le monde au bien et au mal.
Ce plaidoyer pour la justice, contre les injustices, est dense et parfois déstabilisant; il permet à chacun, je pense, de s’interroger sur sa propre vision de la justice, de remettre en cause certaines positions que chacun de nous a pu soutenir lors  de procès. 
Impossible de rester indifférent face à cette remise en cause de nos certitudes.
Éditions L’Iconoclaste – 2018 – 105 pages 

Présentation de Thierry Illouz


Quelques lignes
  • « Pourtant, depuis trente ans, je défends des criminels. Même les monstres? me demande-t-on alors. Cette question, je l’entends sans cesse. Il paraît que j’ai croisé des monstres et que je pourrais moi aussi venir de là, du pays des monstres, dire à quoi ça ressemble, comment c’est fait peut-être » (P. 10)
  • « On m’a chassé de ma vie et il m’a fallu devenir un serviteur zélé de la vie des autres. » (P. 17)
  • « Dans aucun code ne figure le mot de monstre. » (P. 43)
  • « Défendre n’est pas épouser le mal, ni la faute, ni le crime, jamais. Défendre, c’est ôter au mal toute chance toute chance d’être le mal, c’est-à-dire une idée réfractaire à toute compréhension, à toute histoire. Défendre, c’est épuiser l’idée du mal. Et la défense, c’est ce sur quoi il ne faut jamais revenir, d’aucune façon; la défense c’est la seule chance de conjurer l’injustice, l’aveuglement, la vengeance, dans tous les cas. Et le totalitarisme, évidemment. » (P. 101).

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