« Le Poids de la neige » – Christian Guay-Poliquin

Le poids de la neigeHiver canadien, hiver québécois….atmosphère étrange et surréaliste pour ce roman dans lequel l’ennui côtoie le plaisir…
Un vieil homme Matthias a été chargé par les autres habitants du village de prendre soin d’un jeune homme qui a été retrouvé les jambes écrasées sous sa voiture accidentée. Le vieil homme le loge dans une véranda, alors que lui vit dans la maison attenante. Le jeune homme, dont on ne connaîtra pas le prénom, n’a pour seules distractions, que celles de voir tomber la neige, et de surveiller avec sa longue vue l’échelle à neige que le vieil homme a planté dans le pré voisin…Il attend avec impatience la venue de la belle Maria, la vétérinaire qui l’a soigné, qui a recousu ses plaies, posé des attelles sur ses jambes… et refait régulièrement ses pansements
Huis clos entre ces deux hommes…Unité de lieu, de temps et unité d’action…ou plutôt d’inaction forcée. Les composantes du drame classique.

Atmosphère étrange et surréaliste : « la panne d’électricité, les stations services dévalisées, les milices au bord des routes, la panique dans les villes… » Que s’est-il passé ? 
En tout cas les deux hommes sont contraints de se supporter, de partager les vivres, le bois de chauffage, de vivre en vase clos et de jouer aux échecs….de surveiller les rares allers-venues d’autres habitants dans la neige, et d’attendre des jours meilleurs qui permettront au vieil homme de rejoindre son épouse. Chapitre après chapitre, les centimètres de neige s’accumulent, atteignant des chiffres insoupçonnables sous nos latitudes. Alors on en vient à brûler les meubles, à se rationner. À se soupçonner, à se surveiller, puis à s’espionner. Pourquoi tout ça…? 
Et toujours cette ambiance pesante, dont on ne connait pas la cause, « avec la panne, on ne se déplace plus comme on veut. Il y a des barrages routiers partout, des milices, des forbans. En ville, il paraît que c’est le chaos, il y a des accidents à chaque intersection, les magasins se font piller, les gens fuient. »
Huis clos pesant…on s’attend au drame. Chacun tente de trouver la solution pour fuir. Au sens propre et figuré. 
Les centimètres augmentent…puis le soleil revient, l’eau du dégel commence à s’infiltre du toit…
J’avoue que j’ai eu envie de laisser de côté ce roman. Seule me poussaient dans la lecture le désir de comprendre cette atmosphère et cette ambiance, l’issue de ce drame littéraire. 
L’ennui m’a parfois gagné. Le toit de la véranda a résisté, moi aussi.
Ce titre a été couronné de plusieurs prix littéraires au Québec…sans doute parce qu’il met en scène, par ses mots, une atmosphère dans laquelle les québécois se reconnaissent, un ennui du long hiver, de l’isolement, de la solitude, l’absence de bruit..l’absence de vie, et l’angoisse de cette blancheur à perte de vue. Et surtout la difficulté de vivre à deux (ou à plusieurs) en permanence l’un à coté de l’autre, sans lien avec l’extérieur, sans possibilité de s’en échapper, avec des bons moments et des moments de tension. Tu as envie de t’échapper, de fuir, de vivre autre chose….. tant pis pour toi. Tu dois faire avec cette solitude, cet ennui, cette promiscuité. Une solitude, un isolement, une neige, un phénomène de société ….plusieurs mois de vie sous ces latitudes
Sinon qu’est-ce qui pourrait totalement justifier ces prix littéraires ?   
Tombe la neige
Tout est blanc de désespoir
Triste certitude
Le froid et l’absence
Cet odieux silence
Blanche solitude (Adamo)
Éditions de l’Observatoire – 2018 – Parution initiale : 2016 – 251 pages

Présentation de Christian Guay-Poliquin


Quelques lignes

  • « Depuis mon accident, j’ai du mal à retracer le cours des événements. Avec la douleur, la fièvre et la fatigue, j’ai l’impression que la durée habituelle des jours et des semaines a été chamboulée par l’impatience de la neige. Tout s’est passé très vite, il me semble. L’accident, les vigiles, l’opération, et je me suis retrouvé ici, avec Matthias. Je sais bien qu’il n’a jamais voulu de moi. Que ma présence le gêne, le dérange. Que ses plans ont été bousculés. Depuis la panne d’électricité, rien ne se passe comme il l’avait anticipé. » (P. 25)
  • « ….avec la panne, on ne se déplace plus comme on veut. Il y a des barrages routiers partout, des milices, des forbans. En ville, il paraît que c’est le chaos, il y a des accidents à chaque intersection, les magasins se font piller, les gens fuient. Peut-être que votre voisine a eu un contretemps, a conclu le vigile en pesant ses mots. » (P. 34)
  • « Dans le poêle, les dernières braises s’éteignent. Déjà, je sens le froid se glisser sous ma fenêtre. Les courants d’air ont les mains longues et ils passent près de moi comme des ombres qui souhaitent me rejoindre sous les couvertures. » (P. 107)
  • « Il me saisit le menton et me force à le regarder en face. Je sens ses doigts serrer ma mâchoire, écraser mes joues. Je ne sais plus qui est ce vieil homme aux yeux globuleux, durs et noirs. Je ne sais pas ce qu’il veut ni ce qu’il va faire. » (P. 170)

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