« Féroce » – Danielle Thiéry

FéroceMal à l’aise, perdu et révolté, mais séduit, voilà en quelques mots comment traduire mes sentiments à la suite de cette lecture proposée par Babelio dans le cadre de Masse critique. Un grand merci.
Je ne suis pas un habitué des polars, loin de là. Sans doute parce que dans ce genre, j’ai trop souvent rencontré des super héros, des clichés de flics. Autant vous rassurer, ce n’est pas le cas ici. Au contraire, on sent le vécu de Danielle Thiéry, qui nous fait découvrir les dessous d’une enquête difficile, le quotidien des flics, y compris familial. 
Dans les déblais d’un trou creusé dans l’ancien parc des lions d’un parc animalier, on retrouve des os d’enfants, sans crâne.
Et une minuscule dent….
Un gamin a disparu plusieurs années auparavant dans ce parc…Faut-il y voir un début de piste ?

Toute la section de recherche de l’OCRVP, l’un des offices centraux de la police judiciaire spécialisé dans la recherche des enfants disparus enlevés ou tués se met au travail aux ordres de la commissaire Edwige Marion…Un travail de recherches, de piégeage sur Internet, d’analyse du comportement de ces criminels.
Début d’un enquête afin d’identifier l’un de ces salauds dont le vice me dérange, me met très mal à l’aise, ce milieu des pédophiles. 
J’ai été révolté par ces pages qui nous permettent de connaître leurs dépravations, leurs vices, leur psychologie, leurs modes de pensée, de préparation longue et minutieuse, de savoir comment ils peuvent appâter une gamine, pourquoi, de connaître leurs réseaux, le type de sites internet dans lesquels ils peuvent trouver de quoi faire alimenter et faire vivre leurs fantasmes…Je ne pense pas que l’on puisse rester indifférent face à cette turpitude, qu’a sans doute due affronter l’auteure dans sa vie antérieure de femme flic. 
Le père et le papi-gâteau que je suis, a été retourné par ces pages.
Toute l’équipe d’Edwige Marion se met sur l’affaire qui s’avère complexe, les restes humains retrouvés étant peu nombreux. Une équipe composée d’une dizaine de personnes, hommes et femmes parmi lesquelles deux sortent un peu du lot, Alix de Clavery, criminologue et psychologue, qui travaille beaucoup à partir de la psychologie de ces dépravés, en tentant d’approcher leur mode de raisonnement et d’action, et Louis Zénard, commissaire-adjoint d’Edwige. 
La première sera très active dans le déroulement de l’enquête, le second quand a lui, atteint par le démon de midi, posera beaucoup de problèmes à ses collègues quand on le retrouvera inconscient, en sang dans une voiture de service. Je n’en dis pas plus. Une affaire dans l’affaire. 
J’avoue que j’ai été un peu perdu parfois par le nombre d’intervenants.  
Je découvrais cette auteure et cette commissaire Marion, ses blessures anciennes, dues sans doute à une histoire racontée par Danièle Thiéry, dans un précédent ouvrage… Mais c’est un détail qui, même si on n’en connaît pas l’origine ne perturbe pas le lecteur. Par contre cette commissaire ne devient pas la personnage principal du roman, laissant le rôle à Alix, sans doute parce que l’approche psychologique de ces criminels est essentielle dans ce genre d’affaire.
Roman documenté également sur certains troubles neurologiques pouvant affecter le comportement de gamins ou d’adultes.
Roman très féminin, d’une part par son auteure, d’autre part, par le nombre de personnages féminins du roman. C’est assez inhabituel. Pas de super héros aux gros muscles et au QI surdimensionné ! Non des flics menant une vie normale, des vies banales de couple !
Quotidien du travail de ces flics, pour nous amener à une fin alambiquée, révoltante. Bigrement révoltante.
Bref, une lecture dans un monde malsain, celui des pédophiles recherchant leur plaisir, dans un environnement que les gamins adorent et qui font la joie de leurs parents et grand-parents, celui des parcs animaliers, dans lesquels on a plaisir à passer du temps avec eux, du plaisir à voir leur joie et leur bonheur.
En ce qui me concerne j’ai aussi eu le plaisir de cette lecture et de cette découverte d’auteure.
Éditions J’ai lu -2019 – Première parution : 2018 – 540 pages

Présentation de Danielle Thiéry


Quelques lignes

  • « Dans un silence tendu, les images défilèrent. Des fillettes, classées par tranches d’âge, posaient en tenue légère. Affublées de lingerie sexy, elles arboraient des postures suggestives. Les plus jeunes avaient moins de 2 ans, les plus âgées pas plus de 11 ou 12. Le défilé de mode prenait, par moments, des allures pathétiques soit parce que les enfants semblaient mal à l’aise soit, au contraire, motivées à l’excès par l’exercice ou, plus sûrement, stimulées par un adulte invisible. Mimiques outrageuses, provoc affligeante. Chaque ensemble de lingerie portait un nom et le prix de vente était indiqué en dessous, en tout petits caractères. Le moindre string, le plus minuscule soutien-gorge ou porte-jarretelles valait une fortune qui doublait ou triplait dès que l’article comportait un élément de luxe : fourrure, strass, cuir. Pour bien montrer l’intention du vendeur, plus le linge se voulait allusif, plus les attitudes des modèles étaient démonstratives. » (P. 16)
  • « Une équipe d’anthropologues judiciaires travaille dessus avec les règles propres à la taphonomie… Cette discipline permet de déterminer, en fonction de certains critères liés à l’environnement, aux usages locaux et à d’autres aspects de climat ou géologiques, la durée d’enfouissement d’un corps ou de ses morceaux. A priori, on serait sur quelques années, pas plus. Ça élimine des hypothèses…. » (P. 25)
  • « Un prédateur qui repère sa proie l’observe en prenant son temps, apprend tout d’elle et de son environnement pour agir au moment opportun avec la rapidité de l’éclair. Un prédateur qui a un lien avec les animaux. Qui fréquente des lieux où on les trouve parce qu’il sait que ses proies y abondent. Et les attrape loin de ces endroits qui constituent sa zone de confort, celle-ci pouvant être aussi bien résidentielle que professionnelle. Un criminel lié aux zoos, doublé d’un diesel de l’agression qui attend son heure. » (P. 240)
  • Chez un individu de sexe masculin, un chromosome sexuel X en trop dans la chaîne, une aneuploïdie à 47 chromosomes au lieu de 46, bouscule le schéma traditionnel de sa génétique personnelle. Ceux qui développent l’anomalie présentent souvent les mêmes caractéristiques attachées aux caractères sexuels secondaires : grande taille, voix fluette, peu de pilosité. Parfois, compléta Alix, le syndrome se double d’une déficience mentale, ainsi le célèbre tueur en série français Francis Heaulme. Le syndrome peut aussi être assorti d’une pathologie susceptible d’entraîner des déviances pour peu que s’y adjoignent une carence affective grave et une stigmatisation trop appuyée durant l’enfance sur l’infirmité. » (p. 387)

2 réflexions sur “« Féroce » – Danielle Thiéry

  1. Jolie chronique 😉 J’ai moi aussi découvert cette autrice et son héroïne avec un de ses romans précédents sans connaître le passé de Marion. C’est souvent très réaliste avec Danielle Thiéry, ancienne commissaire divisionnaire et c’est ce que j’apprécie.

  2. Un peu fan de cette auteure, je n’ai pas voulu lire celui-ci qui me dérangeait beaucoup rien qu’à la lecture de la 4eme de couverture ! Car, je sais le réalisme qu’elle apporte à son écriture ! En tout cas, merci d’avoir partagé ton ressenti !

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