« La jeune fille et la guerre » – Sara Nović

La jeune fille et la guerreIl faisait très chaud à Zagreb cette année là, et il était impossible d’aller se rafraîchir à la mer… des hommes armés de tronçonneuses, des Serbes avaient barré les routes en abattant les arbres qui les bordaient… Il faut pourtant se déplacer, pas pour des loisirs, non, simplement par se rendre chez un médecin spécialiste qui doit examiner Rehala la petite sœur âgée de quelques mois d’Ana Jurić, la narratrice. Rehala qui souffre d’une insuffisance rénale ne peut être soignée qu’aux Etats-Unis, par l’ONG MediMission. Là bas une famille d’accueil la prendra en charge, le temps des soins.Ses parents prennent la route du retour…une route barrée par l’un de ces sinistres barrages. 

Ana Jurić, la gamine croate, narratrice, vient de faire connaissance avec cette violence, avec cette terrible guerre, ressemblant trait pour trait aux guerres tribales africaines décrites par Ahmadou Kourouma….une guerre tribale en pleine Europe, à notre porte. Les Serbes tentant d’éliminer au couteau ,ou au fusil les croates, désignés par leurs noms, par leur alphabet latin…Bref des gens différents d’eux, par des détails. D’autres sinistres détails de l’Histoire
les Balkans venaient de s’enflammer.  
La gamine qui vit cette aberration, doit se battre, frôler la mort, la donner peut-être, fusil en main, dans des décombres de maisons bombardées. Elle en sortira diablement éprouvée et meurtrie par ce sang, par la peur. Heureusement, elle sera aidée, mais je ne vous en dis pas plus… 
Le titre du roman associé au nom de l’auteur m’attiraient, m’avaient fait un gros clin d’œil sur ce présentoir de médiathèque…j’espérais en savoir plus, avoir en main les moyens me permettant de mieux comprendre les causes de ce conflit, de comprendre cette haine, et j’avoue que je n’ai pas trouvé tout ce que j’attendais. Certains points historiques sont abordés, sans plus. 
L’auteur reste dans le roman, sans aborder en profondeur la genèse de cette haine. Elle la constate, la met en scène avec une violence extrême parfois et vérité, sans rien nous cacher parfois notamment en ce qui concerne l’inefficacité de l’ONU, mais ce « pourquoi » n’arrive pas !
C’est un roman, avec tous les ingrédients du roman, les surprises, les rencontres de hasard, le romanesque amoureux…bref, un roman. Américain par certains aspects.  
Plaisant certes mais n’ayant pas la profondeur historique que j’attendais. 

J’ai lu les effets, terribles parfois, de cette violence, de cette haine. J’en attendais trop peut-être quant aux causes !

Éditeur Fayard – 2016 – Parution initiale en 2015 – Traduction : Samuel Todd – 315 pages

Présentation de Sara Nović


Quelques lignes
  • « À Vukovar, des gens disparaissaient, forcés de marcher vers l’est sous la menace d’une arme ; ou ils se transformaient en poussière d’hémoglobine lors d’explosions nocturnes. Les garçons avaient parcouru à pied tout le trajet jusqu’à Zagreb et ils n’aimaient pas en parler. Même une fois installés, ils sont restés un peu plus sales que nous, leurs cernes plus marqués que les nôtres, et on les considérait avec une curiosité distante. » (P. 34)
  • « Bien qu’au fil des ans j’aie perdu foi en l’ONU – leurs interventions en Croatie ou ailleurs à la surface du globe étant, dans le meilleur des cas, tiédasses –, je m’étais imaginé le quartier général grandiose, au décor suintant de vanité. C’était en partie vrai : je me sentais toute petite sous ce plafond haut de quatre étages.  » (P. 101)
  • « « Sachez que l’aide alimentaire que vous acheminez n’arrive pas jusqu’aux gens qu’elle est censée secourir, ai-je dit. Là où j’étais, il n’y avait pas de casques bleus et les Tchetniks volaient les vivres destinés aux civils. Si vous vous contentez de larguer de la nourriture et de repartir, vous ne faites que ravitailler l’ennemi. Nous avions des armes, mais ils en avaient plus. Et c’est uniquement la puissance de feu qui détermine qui mangera. » » (P. 110)
  • « ….je savais qu’au final la culpabilité d’un camp ne prouvait pas l’innocence de l’autre. » (P. 292) 
  • « Ici-bas l’histoire n’était jamais ensevelie, au contraire, elle était sans cesse exhumée. » (P. 301)
  • « Certains affirment que les Balkans sont intrinsèquement violents. Que tous les cinquante ans, on se sent obligés de faire la guerre. » (P. 301) 

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