
Cela faisait un mois (10 mai 1940) que la Wehrmacht avait pénétré en Hollande, en Belgique et au Luxembourg…
Un mois pendant lequel elle avait démontré sa puissance..Un mois qui avait permis à l’Europe de découvrir sa violence. L’armée française s’était portée au secours de ces pays..et tentait de se regrouper pour s’opposer à la puissance allemande. Les premières troupes allemandes avaient pénétré en France et finalement l’armée française avançait vers le Sud, en désordre organisé…
Un recul pour mieux contre-attaquer…
Mais l’Histoire nous apprend que le 10 juin 1940, le président de la République, Albert Lebrun, et le Gouvernement français quittent Paris en direction de Tours, afin de gagner Bordeaux. Ce même jour l’Italie déclare la guerre à la France et au Royaume-Uni et la Norvège capitule.Une peur hystérique avait gagné une grande partie de la population parisienne et française ce 10 juin 1940. Riches et pauvres, en voiture, à vélo, en train, nombreux étaient ceux qui tentaient de fuir vers le Sud, de passer la Loire. Civils et militaires se mêlaient sur les routes..Les uns pour fuir, les autres pour se regroupe en vue d’une contre-attaque…
Les routes, les gares étaient encombrées et le surplace était souvent la règle. La désorganisation aussi. Chacun cherchait de l’essence, de l’eau, de quoi manger.
Romain Slocombe met en scène quelques personnes de milieux divers pour illustrer les 7 jours qui précédèrent le 17 juin, jour où Pétain prit la parole « Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur »…
La Collaboration allait succéder à la panique.
7 jours pendant lesquels les routes étaient encombrées, les voitures de luxe, étaient doublées par les vélos, les bruits couraient sur les départs hypothétiques de trains vers Bordeaux, vers le Sud, les militaires partaient vers le sud afin de se regrouper.Romain Slocombe nous fera suivre un jeune militaire, une femme seule, une famille de bourgeois, un avocat fasciste, tous jouent le chacun pour soi.
L’occasion de nous montrer tour à tour le courage, la collaboration à venir, la violence des mots et des actes d’autres…une belle palette de caractères…Bien sûr il n’oublie pas, ceux qui restent, qui ne fuient pas, ces quelques français qui profitent de cette débandade pour vendre une bouteille d’eau, une chambre ou la possibilité de dormir dans un fauteuil, ou quelques litres d’essence…vendre au prix cher bien entendu…le plus cher possible. Il n’omet pas ces soldats désorganisés, ces morts sur les routes, ces blessés graves qu’on ne sait pas évacuer, ceux qu’on enterre sommairement.
« Radio bobard » commençait à émettre… »On dit que les Allemands »… »Un train part vers … » et j’en passe.
Tout alimente la peur et encombre les routes…Une peur exacerbée également par des actes de l’armée allemande, par des mitraillages aériens de trains ou de convois de réfugiés, de véhicules sanitaires et surtout par la désorganisation de l’armée française, par le manque de chefs et d’ordres.Romain Slocombe met en scène tous les véhicules de l’armée, du Percheron et autres chevaux de trait jusqu’aux chars modernes, les avions nouveaux et anciens…les généraux, les soldats isolés cherchant des chefs….et également les soldats de la Wehrmacht drogués à la pervitine et massacrant les tirailleurs sénégalais ou ceux originaires d’Afrique du Nord.
Il mêle faits historiques avérés et roman, « l’individualisme répugnant », « l’égoïsme et du chacun pour soi » pour reprendre ses mots, le courage de certains. La honte côtoie la mort et le crime, l’amour né de rencontres de hasard flirte avec les mitraillages de convois, les vélos prennent la même route que les motos militaires, les voitures de luxe sont aplaties par des chars modernes…l’armée fuit pour se regrouper…elle est en manque d’ordres cohérents.
L’auteur rappelle que les soldats portaient des bandes molletières, que l’armée française disposait certes de matériels anciens datant de la Guerre de 14, de chars ou d’avions moins performants parfois que leurs homologues allemands mais aussi de matériels plus performants qui n’ont jamais pu combatte par manque d’ordre et que, France et Allemagne avaient des relations commerciales importantes…
Il met l’accent sur l’état d’esprit des civils et des hommes de troupe, laissés sans ordre, sans organisation…le grand vide…la rumeur est reine.
Et surtout il rappelle, citations à l’appui, les erreurs stratégiques ….toute notre défense face à l’ennemi historique s’appuyait sur la Ligne Maginot.
La collaboration s’installait.
Éditions Robert Laffont – 2019 – 503 pages
Présentation de Romain Slocombe
Quelques lignes
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« Tout individu ayant eu l’imprudence de dire tout haut que les généraux français ont été incapables de contenir l’avance ennemie écope de six mois à un an de prison. » (P. 53)
- « Merde, on retraite sans cesse, et avant même d’avoir été au contact avec les Allemands ! Le troufion a besoin d’avancer, de temps en temps au moins, pour garder le moral. On a déjà des tronches de vaincus, avec des centaines de kilomètres dans les pattes, accomplis dans la mauvaise direction. » (P. 65)
- « Si on bat en retraite, c’est seulement sur ordre ! Quand on reçoit l’ordre….! » (P. 192)
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« Les ordres sont stricts, un militaire est autorisé à se procurer par le système D de quoi boire et de quoi manger, à la rigueur des chemises, des chaussettes ou des chaussures, mais rien de plus. » (P. 203)
- « Des soldats las, sans armes, barbus, sont assis au bord des trottoirs, avec leur musette, leur couverture, quelquefois une valise. L’expression de leur visage est éloquente. On ne lutte plus, on n’espère plus, le pays est livré à l’ennemi. On peut s’estimer verni d’en être sorti vivant. » (P. 255)
- « Tristesse, dégoût. La défaite est là, ignoble, grouillant dans les rues élégantes, les avenues, les restaurants, les casinos… Ces gens ne pensent qu’à eux. On cherche un gîte, un passeport, on précise qu’on a de quoi payer. Les combines s’étalent en plein jour, pour une signature, un visa, un coup de tampon. » (P. 425)
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« — Français !À l’appel de Monsieur le Président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée qui lutte, avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires, contre un ennemi supérieur en nombre et en armes ; sûr que, par sa magnifique résistance, elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos alliés ; sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui dans un dénuement extrême sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude.C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces heur… pendant ces dures épreuves, et fassent taire leur angoisse pour n’obéir qu’à leur foi dans le destin de la patrie. » (P. 483)