
« Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel ».
….un amour pas banal, pour une femme qui ne l’est pas non plus.
Ils sont trois, papa, maman et le narrateur, un gamin…mais leur vie ne serait rien sans ce coté déjanté qui donne tout le charme au roman, sans non plus Mademoiselle Superfétatoire une Demoiselle de Numidie oiseau échassier africain qui vit avec eux dans l’appartement.
D’ailleurs aux yeux de la maîtresse, ils passent tous pour « une famille de cinglés » Alors, ils retirent le gamin de l’école et lui font l’école…eux qui lui expliquent les problèmes de baignoires qui se vident…dans les baignoires, et les conjugaisons avec des textes de chansons.
Quoi de mieux qu’un confinement pour se mettre en condition et savourer l’humour grinçant, mais aussi la mélancolie et la nostalgie de ce titre?
Oui, maman est malade, depuis quatre ans déjà.
Elle n’a plus tous ses esprits et brûle des souvenirs dans le salon. Les pompiers doivent intervenir. Et papa doit décider que faire pour que les derniers jours de maman soient plus gais.
Il faut impérativement que la fête se poursuive, que le coté absurde de la vie prenne le dessus, une coté absurde annoncé dès la première ligne : « Mon père m’avait dit qu’avant ma naissance, son métier c’était de chasser les mouches avec un harpon. Il m’avait montré le harpon et une mouche écrasée. »
Vivre au delà de la maladie, retarder le plus possible l’inéluctable, surmonter ces accès de folie…: « Les médecins nous avaient expliqué qu’il fallait la protéger d’elle-même pour protéger les autres. Papa m’avait dit qu’il n’y avait que des médecins de la tête pour sortir des phrases pareilles. »
Quant tout va mal, il faut faire appel à Nina Simone et à son interprétation de « Mister Bojangles », le couple peut alors virevolter grâce à cette musique « belle, dansante, mélancolique » dans un monde de tendresse et de musique qui calme maman.
La fête pour tenter de vaincre l’inéluctable !
En lisant ce texte, j’ai toujours eu à l’esprit l’évocation d’un autre drame, écrite comme une autre farce « La vie est belle » de Roberto Benigni…l’humour et la dérision afin de surmonter un drame, afin d’accompagner l’être qu’on aime.
« N’oubliez pas votre bêtise, on en a toujours besoin. »
Coup de cœur!
Éditions Gallimard-Folio – 2017 – 169 pages – Parution initiale en 2014
Lien vers la présentation d’Olivier Bourdeaut
Quelques lignes
- « Sur la commode du salon, devant un immense cliché noir et blanc de Maman sautant dans une piscine en tenue de soirée, se trouvait un beau et vieux tourne-disque sur lequel passait toujours le même vinyle de Nina Simone, et la même chanson : « Mister Bojangles ». C’était le seul disque qui avait le droit de tourner sur l’appareil, les autres musiques devaient se réfugier dans une chaîne hifi plus moderne et un peu terne. . » (P. 24)
- « Le temps d’un cocktail, d’une danse, une femme folle et chapeautée d’ailes, m’avait rendu fou d’elle en m’invitant à partager sa démence. » (P. 44)
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…les cachetons avaient tout déménagé, ils n’avaient pas laissé un seul carton. » (P. 87)
- « Des sanglots dans la voix, Maman m’avait murmuré qu’elle avait trouvé une solution pour régler cette malédiction. Elle avait soufflé que c’était mieux ainsi, alors je l’avais crue, les yeux fermés, j’avais été soulagé d’entendre que nous allions retrouver notre vie d’avant la folie. » (P. 156)
Ce fut pour moi aussi un vrai coup de coeur ! Un texte puissant pour contrer la maladie mentale. Rare aussi de s’atteler à un tel sujet avec dérision et humour… Oui, c’est vrai il y a un peu de La vie est belle, car cela raconte l’amour qui protège . Merci pour ce partage !