
« Les humains n’ont pas inventé le bonheur mais ont créé les gélules »
Et Rebecca, malgré son parcours universitaire, hypokhâgne, khâgne, malgré son mari et ses trois gamines qui l’aiment, n’arrive pas à être heureuse, à être bien dans sa peau. Née dans un milieu médical, elle a très tôt été mal dans sa peau, et a plongé corps et âme dans les addictions. Encore enfant, Rebecca avait consulte le Vidal familial et ouvert l’armoire à pharmacie familiale.
Elle avait commencé ses mélanges.
Anton l’avait connue, et aimée alors qu’elle consommait de l’héroïne et des opiacés…. malgré tout, il en était tombé amoureux. Avec elle, il « s’était dit qu’il aurait la vitesse et l’ivresse » et « espérait secrètement qu’enfanter pourrait réparer Rebecca ».
Mais Rebecca a toujours l’esprit ailleurs, elle ne s’occupe pas ou peu de ses gamines, vit dans son monde, et les gamines peuvent arriver à l’école encore en pyjama.
Trois gamines, trois fillettes.
Justine l’aînée va avoir dix ans. Elle est suivie par Laurette, sa cadette âgée de cinq ans . Quant à Ninon,elle est encore au berceau. Trois gamines qui ont appris à se débrouiller seules, car Rebecca assommé par les mélanges est encore au lit quand elles se lèvent et ne sortira de sa torpeur que plus tard, quand les mouches de la nuit l’auront laissée tranquille.
Elle ne voit rien, rien ne l’a bouleverse. Seule cette mouche qui tourne autour d’elle la tracasse, la perturbe, l’empêche de s’occuper de l’éducation des gamines….une mouche qu’il faut chasser.
Avec la drogue et les mélanges !
Et pour les siens, ceux qui l’aiment malgré tout, ce n’est pas tous les jours facile. Ils aimeraient tant l’aider à laisser tomber cette addiction, trouver les mots ou les attitudes qui lui permettraient de laisser de côté cette saloperie.
Pas facile pour cet homme amoureux depuis toujours de cette femme…malgré tout ! Pas facile pour ces enfants qui n’ont que l’image de déchéance de cette maman…
On ne peut en sortir seul, simplement…Non, on ne peut que plonger, plonger jusqu’au drame.
Beau roman sur l’amour, celui d’un homme qui fait tout pour accompagner cette épouse, pour être présent auprès de ces trois fillettes…l’amour de ces trois gamines pour cette mère , malgré ses absences.
Ce n’est pas le premier roman sur la drogue que je lis, mais, c’est certainement l’un de ceux qui m’a le plus bouleversé, sans doute parce que l’enfant est au cœur du roman, l’enfant confronté à un adulte fragile et absent , confronté aux absence de l’adulte……
….« une enfance coupée nette »
Le manque……« Ma mère, qui luttait en permanence contre le manque, a fini par devenir ce manque. pour moi, mes sœurs et tous ceux qui l’aimaient. »
Éditions ÉQUATEURS – 2019 – 247 pages
Lien vers la présentation de Clarisse Gorokhoff
Quelques lignes
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« Rebecca aime cultiver une vision enfantine du « monde du travail » – elle n’a jamais eu la moindre envie d’y mettre les pieds. » (P. 28)
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« Est-ce cela qu’on appelle : le démon intérieur ? Un point fou, un point têtu que même à grand renfort de remèdes chimiques, de poisons toxiques, on ne parvient pas à anéantir. » (P. 65)
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« Les filles – Laurette le sait déjà – sont bien plus terribles que les garçons. On les appelle des chipies, des pestes, parfois des garces, mais ce sont des guêpes. Elles ont des antennes qu’elles utilisent pour repérer leur proie et vivent en colonie autour d’un reine. » (P. 96)
- « Ma mère, qui luttait en permanence contre le manque, a fini par devenir ce manque. pour moi, mes sœurs et tous ceux qui l’aimaient. » (P. 247)
- « Lorsqu’on un être crucial, si jeune, on aspire alors plus qu’à une chose : faire pour le restant de notre vie ce que l’on aime, le faire passionnément…Et qu’on nous fiche la paix. » (P. 248)