« Le vieil homme et la mer » – Ernest Hemingway

« La chemise du vieux avait tellement de pièces qu’elle ressemblait à la voile de sa barque ; ces pièces avaient pris en se fanant mille teintes variées. »

Quarante ans, et même plus se sont écoulés……et ce livre me tombe sous la main…sous la main du vieux lecteur que je suis.

Çà fait du bien de recevoir ses petits enfants, de constater qu’eux aussi éprouvent du plaisir à cette lecture et, en ce qui me concerne, de retrouver le même bonheur de jeunesse avec sans doute un autre regard.

D’autres regards en fait !

Le regard du passionné de pêche, qui retrouve toutes les sensations du pêcheur, l’attente, la joie du ferrage, du combat, la joie du poisson qu’on ramène, du beau poisson qui s’est bien battu…un bonheur assez primaire toutefois, sur lequel je ne m’attarderai pas. Et aussi la tristesse du pêcheur de voir sa pêche détruite, son combat pour rien, vaincu par des plus forts…un peu comme petits matins quand, ayant ferré un beau loup dans l’estuaire du fleuve où je pêche, ce loup est pris par un silure qui casse toute votre ligne, voire la canne…..et vous rentrez, dépité, les mains vides.

Et puis, il y a le bonheur du lecteur, qui repousse les aiguilles de l’horloge, pour finir le titre, un bonheur renouvelé comme le furent mes bonheurs d’enfant et d’ado qui pouvaient déjà lire des heures en faisant totalement abstraction du monde alentour… et des remarques parentales ..Le vieux lecteur fut encore une fois ferré par l’écriture, incapable de lâcher le livre..

Mais ce vieux lecteur eut une autre lecture, sans doute parce qu’il se pose trop de questions dues à l’âge…Et si Ernest Hemingway nous avait livré une parabole, celle du vieil homme qui a bossé dur toute sa vie, et qui dans son grand âge se bat afin de ne pas se vois dépouillé de tout ce qu’il a gagné, par des requins ? Et donc dans l’impossibilité de profiter de ce qu’il a durement acquis !

C’est sans doute une vision pessimiste, due à notre époque, due au contexte de notre actualité, à ses risques, qui nous interdisent de nous projeter, de rêver…un regard peut-être dû, aussi, à mes rides et cheveux gris.

Dans tous les cas j’ai passé un très bon moment, et je vais poursuivre, autant que possible, ce retour vers ma jeunesse, afin de retrouver mes 16 ans aux côtés du vieil Ernest….que j’ai dépassé en âge.

Éditeur : Gallimard-Folio – Traduction par Jean Dutourd – 2002 – Parution initiale en 1952 – 148 pages


Lien vers la présentation d’Ernest Hemingway


Quelques lignes

  • « Avant qu’il fit tout à fait jour, il avait posé ses appâts. Le courant le portait. Il avait laissé filer un de ses appâts à quarante toises de profondeur ; le second était à soixante-dix-sept toises ; le troisième et le quatrième se promenaient au fond de l’eau bleue à cent et  » (P. 34)
  • « Mais voilà, j’ai plus jamais de veine ! Et qui sait ? Aujourd’hui peut-être….Tout recommence tous les jours. C’est très bien d’avoir de la veine, mais j’aime encore mieux faire ce qu’il faut. Alors quand la veine arrive, on est fin prêt. » (P. 36)
  • « Me voilà remorqué à présent et c’est moi la bitte d’amarrage : Si j’amarre la ligne. trop près, il est foutu de la faire péter. Ce qu’il faut, c’est se cramponner tant que ça peut et donner du fil tant qu’il en demande. Dieu merci, il va droit devant lui, il descend pas. » (P. 50)
  • « Maintenant lui et moi on est uni. Depuis le milieu du jour on est accroché ensemble. Et personne peut nous aider, ni lui, ni moi. » (P. 57)
  • « Je voudrais que ce soit moi le poisson, pensa-t-il. C’est lui qu’a tous les avantages. Moi, j’ai que ma volonté et ma cervelle  » (P. 74)
  • « Le requin lâcha prise et se tordit. C’était le dernier de la meute. Il ne restait plus rien à manger pour personne.  » (P.140)

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