« Le désarroi de l’enfant de chœur » – Élisabeth Motsch

« Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc, XXIII, 34 La Bible)……Dernières paroles du Christ sur la croix.

Quand Babelio, m’a proposé ce titre dans le cadre d’une opération Masse Critique, sans lire la présentation de l’ouvrage, le titre me laissait pressentir le pire…

Paul est un enfant de chœur, né dans une famille catholique très pratiquante, qui passerait presque de nos jours pour intégriste …Toute la famille ne manque jamais la messe dominicale et s’habille en conséquence, en prenant les beaux habits du dimanche, comme on disait alors et rencontre les amis à la sortie de la messe. Paul fréquente également le mouvement des louveteaux…Il faut se replacer dans le contexte des les années soixante…alors que la pratique religieuse était encore essentielle dans de nombreuses familles comportant notamment confession une fois par mois, et communions…Pour ma part j’ai retrouvé bien des situations vécues vers mes 10 -12 ans..Oui, j’ai été, un temps, enfant de chœur, et j’assistais aux messes du dimanche…je ne pense pas être le seul…Tout cela relevait d’une règle de vie familiale.

Mai je n’ai jamais vécu les pires situations décrites dans le livre, rassurez-vous!

Cette ambiance familiale – bien que mes parents n’appartenaient pas au milieu familial de Paul- est parfaitement décrite, comme le sont les relations des autres familles pratiquantes avec l’Église… relations et comportements qui, alors, paraissaient normaux lorsqu’on vivait dans un milieu catholique…je ne parle pas des relations entre Paul et le père Antoine, je parle de l’attitude des parents de Paul, aveugles, puis dubitatifs, puis eux aussi troublés au fil des jours… On n’imaginait pas que ce pire décrit par Élisabeth Motsch puisse exister. On ne parlait pas encore des turpitudes de certains.

Paul est donc un enfant de chœur qui vit sa foi avec passion, il sert la messe, et rapporte dans la sacristie tous les burettes et livres religieux utilisées par le Père Antoine…..un prêtre qui l’aime bien, qui lui dit également qu’il l’aime bien, et même qu’il a besoin de lui. Il va le mettre sur ses genoux, le caresser, se caresser…une fois, deux fois….ce rite reviendra régulièrement ! Père Antoine tentera même d’autres gestes bien pires avec cet enfant devenu son enfant de cœur !

Paul est malheureux et conserve ce secret…mais, un jour, un jeune séminariste entre à l’improviste dans la sacristie…Traumatismes d’un enfant qui ne sera plus jamais le même, les sourires se transforment en crainte, le plaisir de servir la religion s’éloigne. Le gamin prend ses distances avec le père Antoine….qui est de plus en plus pesant et pernicieux.Tout se sait, tout se dit. Alors l’Église réagit face à cet « enfant affabulateur », qu’on n’écoute pas …pas encore.! « Il est incroyable qu’on écoute davantage la parole d’un enfant que celle d’un religieux unanimement respecté. «  C’est une affaire « montée comme une grosse chantilly »……une atmosphère pesante et malsaine.

Ce secret qu’on veut taire!

Toutes les situations sont dépeintes avec pudeur et retenue, sans aucun voyeurisme. Elles ne constituent nullement l’essentiel du livre…juste quelques lignes. Non l’essentiel se trouve dans les réactions – qui évoluent avec le temps – de Paul, de ses parents, de ses copains, des amis bon chic bon genre de la famille, ces amis presque intégristes, mais aussi, les réactions de la hiérarchie du clergé, et de jeunes séminaristes qui risqueront toute leur vie religieuse pour dénoncer les actes du prêtre. Quant aux autres gamins, ils trouvent que le père Antoine aime un peu trop Paul.Oui, on connaît l’histoire…mais la narration est toute en retenue et sans aucun voyeurisme.

« Il y a un temps pour déchirer, dit l’Ecclésiaste, et un temps pour coudre. Un temps pour se taire et un temps pour parler . »

Oui, il faut en parler, parler…. vider ces abcès, cette honte.Oui, il faut que la Justice des hommes passe par là…car le père Antoine est impardonnable, il savait pertinemment ce qu’il faisait sans aucun état d’âme! Il ne faut certes pas mettre tous les prêtres et curés dans ce même sac…tous ne sont pas des « Pères Antoine ». Heureusement ! Dieu règlera ces problèmes plus tard., mais j’avoue que toutes ces ignominies m’ont fait douter, du fait de cette hypocrisie. Et maintenant, au soir de ma vie, je reprends à mon compte, sans aucun état d’âme, les mots d’André Gide « Famille je vous hais ! ». Oui, je hais ce passé imposé ! Je ne l’ai pas imposé à mes enfants. À eux de faire leur choix de vie.

Oui à une morale de partage, de don de soi, d’ouverture aux autres…on n’a pas besoin de croire pour être un être merveilleux, ni, pour cela d’aller à l’église chaque dimanche.

Merci à Babelio et à l’opération Masse Critique pour la découverte de ce titre, mais aussi et surtout sans doute, pour m’avoir permis de découvrir Élisabeth Motsch que je ne connaissais pas. J’espère la retrouver bientôt avec d’autres lectures.

Elle est toutefois présente, au sein du rayon jeunesse, dans la Médiathèque qui fait mon bonheur. Je vais la faire connaître au personnel du rayon adulte et donner le livre qu’elle m’a offert, afin qu’il soit partagé. Merci à elle, merci pour cette lecture, merci pour son petit mot amical !A bientôt !


Suivre le lien vers la présentation d’Élisabeth Motsch


Quelques lignes

  • « Ce n’est pas un cauchemar, malheureusement, juste un souvenir, un vrai. Informe, plein de lacunes, comme un vieux tissu dégoûtant et  troué, un tissu que je ramasse parce qu’il traîne par terre et dont je ne sais que faire, et personne pour faire le ménage en ma compagnie, personne à part moi devant ce souvenir qui ne s’efface pas. » (P. 12)
  • « Presque tous les samedis, après la rencontre des louveteaux, ce sera la même séance. La sueur du Père Antoine, son odeur, son souffle bruyant comme un animal, tout soulève le cœur de Paul. Mais il se dit que ce qu’ils font, c’est normal. Peut-être. C’est le Père Antoine, respecté et aimé de tous qui le demande. Un homme qui dit la messe, qui est en contact avec Jésus, pas n’importe qui. » (P. 56-7)
  • « Ça alors! Je n’aurais jamais imaginé qu’une chose pareille soit possible ! Il faut que ce soit toi qui me le racontes pour que j’y croie! Mais personne ne voudra te croire, mon pauvre Paulo! » (P. 79)
  • « …il ne s’agit pas de nier le péché mais de savoir pardonner, même si c’est difficile…. »

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