« Un été anglais » – Marc Desaubliaux

« L’ouverture du courrier. L’espoir de découvrir une nouvelle qui changera ma vie…..une écriture bleue, ronde, élégante qui ne m’est pas inconnue. La lettre est écrite en anglais »

Fabrice reconnait cette écriture… qui le ramène quarante ans en arrière, vers cette année 1968…une année pas comme les autres pour tous les ados de cette époque….je parle en connaissance de cause !

Margaret Crown, chez qui il avait vécu quelques semaines dans le cadre d’un séjour linguistique lui écrit : « Vous aviez quinze ans et vous ne pouvez pas avoir oublié. Mon cher, j’ai besoin de vous voir d’urgence, venez vite, s’il vous plaît. »

Fabrice n’est plus un gamin, et pas encore un ado, il a 15 ans en cette année 1968. Il part pour Londres afin de perfectionner son anglais.

Il ne pensait même pas aux petites anglaises mises en scène par Michel Lang.

Non Fabrice est sérieux et travailleur. Il est heureux de partir, de découvrir une autre culture, et « l’art de vivre de ce pays si différent du nôtre »

À Londres il est hébergé dans une famille aisée. Le père toujours absent pour ses affaires travaille à la City. Alors Margaret, la mère de famille dirige la maison, aidée par des domestiques. Le quinqua d’aujourd’hui n’a pas oublié Margaret, qui très vite s’adressa à lui, en l’appelant « My love »…et succomba au charme et à l’intelligence du gamin, de « Faébriss », comme elle l’appelait, ni non plus Mary..

« Il avait quinze ans, elle en avait 40 »…le sous-titre du livre est explicite..le lecteur sait par avance ce qui l’attend…

N’espérez pas vivre des scènes grivoises et torrides…non ce roman tout en retenue et en finesse, ce qui le rend encore plus troublant, s’attache à nous décrire l’atmosphère pernicieuse, l’emprise grandissante de Margaret sur le gamin, et dans un premier temps le trouble de l’enfant-ado, trouble qui sera vite oublié, le gamin passant toutes ses nuits avec Margaret.

Le roman est écrit par un adulte, dont on ne sait pas grand-chose. Fabrice est un quinqua célibataire et solitaire qui, pour ma part, ne m’a pas semblé totalement épanoui, ni très heureux ou très bien dans sa peau. Un peu comme si cette expérience de quelques jours l’avait à jamais transformé.

Le trouble sera encore plus grand plus tard! Je n’en dirai pas plus!

Quand AMH communication me proposa la lecture de ce livre dans le cadre d’un Service Presse, j’ai un temps hésité…en effet je suis principalement attiré pas des lectures me permettant la découverte d’autres époques, d’autres lieux, d’autres cultures. Si le roman avait abordé la pédophilie masculine, j’aurais sans doute décliné cette proposition, évoquée et lue dans d’autres lectures…déviance qui personnellement me révolte.

Mais comment refuser une approche toute autre…celle du trouble et du mal-être d’un homme victime d’une femme…

Trouble, qui n’en est peut-être pas un, pour de nombreux hommes qui auraient peut-être, bien aimé découvrir le sexe à 15 ans avec une femme de 40 ans – alors que les hormones nous travaillaient ….

Y aurait-il eu alors trouble ou au contraire fierté, sentiment de puissance et de force chez de nombreux ados ?

Troublante question à la suite de cette lecture !

Merci pour cette proposition, et pour cette lecture. Merci pour ce trouble !

Éditeur : Des auteurs, des livres – 2020 – 335 pages


Lien vers la présentation de Marc Desaubliaux


Quelques lignes

  • « Je n’avais pas le goût du travail scolaire, je préférais regarder ce qui se passait autour de moi. mes résultats n’étaient pas fameux, sauf en dessin et en anglais. Là je brillais vraiment, j’écrasais tout le monde, je me tirais vers le haut, évitant chaque année un redoublement promis » (P. 49)
  • « Il me semble qu’en France vous voyez les choses autrement : chez vous, c’est le travail, les notes, les diplômes. Nous c’est l’éducation, les bonnes manières, les relations, le caractère. » (P. 69)
  • « Cet après-midi là, j’ai quitté l’enfance tout en ne la quittant pas. Je suis devenu un blessé, un souffrant. J’étais jeté dans la cage aux fauves sans armes, sans la force physique et morale de me battre avec la vie nouvelle qu’on venait de m’imposer.  » (P. 132)
  • « Mon  ultime espoir : revenir ici, car c’est ici que tout a basculé au cours de ce mois de juillet 1968. Avant, les murs de la forteresse tenaient encore bons, mais après, les maçonneries se sont effritées, de brèches sont apparues, des trous. Les fondations ont pourri et tout a basculé dans la maladie. Reprendre ici ce qui aurait dû être autre. » (P.242)

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