« Les Vilaines » – Camila Sosa Villada

« L’horreur d’avoir un enfant pédé. Et pire que ça : un pédé devenu trans. Cette horreur, la pire qui soit. » (P. 54)

Encarna est une fille, dans sa tête, née dans un corps de garçon, une fille condamnée à souffrir toute sa vie de cette différence, de ce sexe appendice, que la nature lui a donné mais qui n’est pas naturel pour elle. 

Alors il, elle devra supporter les coups, et ne pourra que recourir à la prostitution pour vivre….prostitution qui sous-entend coups et violence de la part des flics et des clients.

Mais avant les flics et les clients, il y eu la famille, le père violent… ses poings pour tenter de faire du fils un vrai garçon.

Elle et ses copines, dans le même cas qu’elle,  découvrent un bébé abandonné dans les fourrés ! Elles décident de l’adopter….il sera Éclat des yeux. Un lien fort va unir ces femmes parias  rejetées par la société…mais avant bien souvent, presque toujours elles ont subi le père ne supportant pas que son fils soit « pédé »…

….toujours la violence pour tenter de guérir ce vice

Alors Incarna, se souvenant de son passé donnera le sein en pleurant à ce bébé…un sein gonflé par des injections d’huile d’avion.

Roman…sans doute mais auto-biographique également…Camila Sosa Villada est née dans un corps d’homme, un corps dans lequel elle ne se reconnait pas…elle dut subir et fuir l’hostilité d’un père, fuir sa violence, un père violent également avec son épouse.

Un monde qui m’est totalement étranger, non par rejet personnel, mais parce que je n’ai jamais rencontré ces situations au sein de ma famille.

J’ai reçu une belle claque avec cette lecture. On perçoit toute cette émotion, toute ce rejet de la société et des familles face à ces situations, à ces quotidiens, famille, flics et clients…tous dans le même sac !

Déviantes ces filles? Peut-être pour certains….mais ce roman pointe du doigt également d’autres comportements, d’autres déviances sexuelles de certains clients… et l’hypocrisie du monde, de ceux profitent de ces transsexuels, celle de la police, mais aussi des chirurgiens qui en font des femmes en leur créant des vagins…

Je suis passé du sourire à l’indignation….et au plaisir.

Oui, plaisir, car la lecture permet d’ouvrir les yeux sur des mondes qui nous sont étrangers, mondes géographiques ou mondes de vies que nous ne vivrons sans doute jamais.


Lien vers la présentation de Camila Sosa Villada


Quelques lignes

  • « La peur, c’était le père. Aucun policier, aucun client, aucune circonstance cruelle ne m’ont inspiré une peur semblable à celle que m’inspirait mon père. » (P. 53)
  • « L’horreur d’avoir un enfant pédé. Et pire que ça : un pédé devenu trans. Cette horreur, la pire qui soit. »   (P. 54)
  • « La prostitution est la conséquence de tout ça » (P. 57)
  • « Je partais de chez moi avec l’apparence d’un garçon timide, sous les reproches de mon père qui fixait l’heure limite de mon retour ainsi que le protocole que je devais suivre en termes de comportement, mais lorsque personne ne me voyait, je me glissais dans mon palais de briques nues et procédais à ma transformation en Camila. » (P. 59)
  • « Les trans se pendent, les trans s’ouvrent les veines. Les trans souffrent, au-delà même de la mort, elles souffrent des regards curieux, des interrogatoires de la police, des ragots des voisins, couchées sur le sang tiède et crémeux qui tapisse leur lit. » (P. 103)
  • « Tante Mara était un bout d’histoire de notre pays. L’histoire heureuse et pornographique d’un pays où les hommes honnêtes ont travaillé la terre, où les petits-enfants d’immigrés ont peuplé la patrie, mais où tous ensemble, les gringos, les Noirs, les Indiens et les métis, tous ces hommes au grand complet auraient fini par brûler sur un bûcher public rien que pour coucher avec une trans. Tante Mara tenait le registre de tous ces hommes qui, une fois, deux fois ou plus encore, par désespoir, par curiosité ou pour répondre à un désir secret, peu importe pourquoi, au fond, s’étaient livrés à son corps de trans. » (P. 197)

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