
« La mort est le problème de ceux qui restent. » (P. 90)

Etienne Draber, papa de Stéphanie Bataille, comédien souvent de second rôle, était connu pour ses interprétations dans « Les Sous-doués », « Profs », « Milou en mai », « Madame Bovary », « J’ai perdu Albert »….il aimait la vie, ses amis, les bonnes choses que la terre nous offre, les bons repas…
….il aimait la fête, les amis, mais à plus de 80 ans il avait quelques problèmes cardiaques qu’il fallait corriger avec une opération courante….ne présentant aucun risque.
Il était entré pour quelques jours à l’hôpital le 13 décembre 2020. Il y est mort presque un mois plus tard. Non pas des suites de l’opération, qui s’était très bien passée, mais de la Covid 19….
Un jour, il toussa, il fut diagnostiqué comme porteur de cette maladie. Il était pourtant entré sain à l’hôpital, pour quelques jours. C’est là, dans un service de cardiologie, qu’il n’avait jamais quitté, qu’il attrapa cette saloperie et fut diagnostiqué positif ….défaut d’asepsie des locaux, laisser aller du personnel….on n’en connait pas la cause.
Les hypothèses se bousculent dans la tête et les pages de sa fille.
À partir de ce jour, il ne put rencontrer les siens que par tablettes interposées…tablettes sur lesquelles il put lancer un ses derniers appels au secours : « Faites-moi sortir, je vais crever, sortez-moi de là, je vais crever »
Sa fille put cependant entrer, un jour dans sa chambre….Elle le trouva mains attachées, baignant dans son urine. Elle alerta les médecins, rien n’y fit..on lui apprit la mort de son père qu’elle ne put jamais revoir. La famille ne pouvait que se retrouver «face à un long couloir où au fond se trouve une porte sur laquelle figure cet écriteau: «INTERDIT DE RENTRER – COVID», avec un digicode. De l’autre côté de cette porte se trouvent les patients, mais il est impossible de les voir », écrit Stéphanie Bataille.
Lui, ce père qui les adorait les « réclamait à cor et à cri. »
Presque un mois d’hôpital sans possibilité de visite des siens ! Elle fut privée à jamais d’adieu, privée d’un dernier baiser, privée de voir son visage une dernière fois, cet adieu au visage si important pour faire le deuil d’un être aimé, elle sut seulement qu’il a été emballé nu dans un bodybag en plastique, peut-être aspergé de Javel…ses amis et la famille ne purent que laisser au personnel quelques mots qui furent déposés dans le cercueil….
On le les en a assurés…cercueil qu’ils ont pu voir…mais Etienne Draber était-il à l’intérieur?
Ce doute est toujours présent à son esprit.
D’autres malades furent incinérés en quelques heures. Manque de personnel, manque de budget.
« Les patients meurent de solitude, déprimés, anéantis par la souffrance de ne pas être en lien direct avec leur proche. Sans compter que cette séparation dictée, imposée est insurmontable pour les familles. »
Habitué aux facéties des élèves de ses films, il ne connaîtra pas les facéties du corps médical confronté à cette pandémie, ses hésitations, son manque d’empathie. Elle pointe du doigt ces dysfonctionnements du monde médical, ce manque de personnel, ces réductions budgétaires, cette course à la rentabilité qui ont cassé l’Hôpital public.
Elle a alerté le Président Macron, a rencontré son épouse, qui l’a reçue et écoutée…pour quel résultat?
Elle est devenue une porte-parole de ces souffrances familiales, témoigne et milite pour que des patients ne soient maintenus dans un isolement total, sans contact avec les leurs, pointe du doigt les carences du gouvernement et les mensonges de certains hauts fonctionnaires. Elle refuse que des mourants partent sans accompagnement des leurs, malades qui vivent de ce fait des souffrances et des traumatismes difficiles à supporter et qui parfois se laissent mourir de chagrin et de solitude.
Et enfin pourquoi les us et coutumes des rites funéraires du départ ne sont-ils pas respectés , accroissant ainsi les traumatismes vécus.
Bref…une belle réflexion sur notre société inhumaine confrontée à une crise majeure…Attention, d’autres peuvent survenir !
Merci à Babelio pour cette lecture
Éditions de l’Observatoire – 2021 – 153 pages
Lien vers la présentation de Stéphanie Bataille
Quelques lignes
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« La mort redevient un arbitrage des politiques publiques, une notion articulée à celle du grand nombre, et non plus une affaire strictement privée. (P. 12)
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« Tu dénonçais l’incommunicabilité ; les gens ne se regardent plus, ne savent plus écouter. Tu passais du temps, sans jamais le compter, avec tes frères et soeur, tes amis, mais aussi avec des inconnus à qui tu prodiguais tes conseils. » (P. 23)
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« Le coronavirus nous démontre l’absurdité dans laquelle nous visons, cette époque de suprématie de l’homme machine au détriment de l’homme du savoir, de l’homme de cœur. » (P. 51)
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« Mon ami est consterné par ces mesures inappropriées. Il a, en mars 2020, alerté Emmanuel Macron sur ces directives interdisant toute visite aux patients infesté par le virus. Il a tenté de le sensibiliser sur les bienfaits de ces visites pour le moral et la guérison du malade, ainsi que sur le risque de créer des milliers de deuil pathologiques, traumatiques, son on persistait dans cette folie. Le président de la République française a alors réponde «Oui, reçu, je m’en occupe. Je vous promets». Mais rien n’a changé. » (P. 56)
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« La suprématie de l’économie pousse les dirigeants à ne plus expliquer, enseigner, écouter, préférant obliger, contraindre, imposer.. C’est une maladie sociale. C’est un virus qui vient d’une économie malade. C’est le résultat d’une croissance économique injuste, qui fait abstraction des valeurs humaines fondamentales. » (P. 149)
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« Il ne faut pas croire que le vaccin va faire des miracles. Le vaccin ne soigne pas, nous ne cherchons pas à guérir la maladie, nous sommes dans une exigence de satisfaction immédiate. On veut tout, tout de suite, sans réflexion, sans discernement. Le corps parle au même titre que la nature parle. » (P. 153)
Pour l’ instant un témoignage impossible à lire tant la colère est encore présente ! Des personnes sont mortes d’ avoir été abandonnées dans la solitude. Le combat de cette femme est nécessaire . Merci de parler de son livre !