
« Très peu d’hommes en ce bas monde ont été assez chanceux pour connaître des années durant la solitude du cachot assortie de la camisole de force. Là fut ma bonne fortune. » (P. 267)
1913 : Darrell Standing est emprisonné et classé, par le directeur de la prison comme « irrécupérable » parce qu’il lui a expliqué qu’en travaillant autrement les résultats seraient meilleurs.
En cellule après avoir été battu et torturé, il est pendu, pendant des heures par les pouces, les orteils effleurant le sol.
Darrell Standing a été condamné à mort pour avoir tué le Pr Haskell, et dans l’attente de sa pendaison, il est enfermé à l’isolement. Là entre ces quatre murs il s’évade par la pensée et revit ses aventures, ses voyages sur les mers du globe…
Mais Darell est devenu la tête de turc du directeur de la prison, un vicieux, qui imagine toutes sortes de tortures morales et physiques pour le mâter et l’accuse d’avoir fait entrer de la dynamite….
Il va jusqu’à l’enfermer pendant des jours et des jours, dans une camisole de force qui interdit tout mouvement au prisonnier…camisole dont il resserre périodiquement les liens…il ne manque pas de vice! Loin de là.
Darell n’oppose aucune résistance physique à ces tortures…il les met à profit pour s’évader de plus en plus par la pensée, et ainsi, voyage parmi les étoiles, parvient à parler français sans s’en rendre compte, à réduire son rythme cardiaque…à devenir un autre en oubliant le temps, et ainsi à faire totalement abstraction de cette souffrance corporelle.
Il a tant de souvenirs à revivre!
Sa force intérieure lui permet de retrouver une forme de liberté, de se détacher des contraintes matérielles et de se transporter par la pensée à la fois dans le temps et les pays découvrant ainsi la Vie, avec un grand V, bien plus importante que la vie humaine.
Un roman très engagé contre la peine de mort, l’emprisonnement inhumain, la torture. Une dénonciation du système carcéral américain…qui, confirme une fois qu’on a visionné les images de Guantanamo, qu’il n’a pas pris beaucoup de rides…..
Un roman qui célèbre la résistance et la force de la volonté et des idées…une ode à la liberté.
« Non, je n’ai vraiment aucun respect pour la peine capitale. Et ce n’est pas seulement une mauvaise action pour les chiens pendeurs qui l’exécutent, moyennant salaire. C’est une honte pour la société qui la tolère, et paie pour elle des impôts. »
Du grand art !
Éditeur : Phébus Libretto – Traduction par Paul Gruyer et Louis Postif – 2000 – Parution initiale en 1915 – 389 pages
Lien vers la présentation de Jack London
Quelques lignes
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« Voilà le grand secret découvert. La colère noire ! C’est elle qui m’a perdu, en cette vie actuelle qui est la mienne. À cause d’elle, d’ici à quelques courtes semaines, je serai tiré de la cellule où j’écris pour être hissé sur un plancher en équilibre, le cou orné d’une bonne cravate de chanvre. Là on me pendra jusqu’à ce que mort s’ensuive. » (P. 31)
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« On est debout sur le plancher, jambes et bras liés, le cou dans le nœud coulant, un voile noir sur la figure. Au signal donné la trappe s’ouvre, le corps tombe et la corde, dont la longueur a été bien réglée, se tend. Cela fait, les médecins présents viendront autour de moi. Ils se succéderont sur un tabouret qui les hissera à ma hauteur et, les bras passés autour de mon corps pour l’empêcher d’osciller comme un pendule, l’oreille collée sur mon thorax, ils compteront les battements de plus en plus faibles de mon cœur. Une fois que le plancher a culbuté, vingt minutes s’écoulent parfois, avant que le cœur cesse de battre. Ils s’assurent scientifiquement, n’en doutez pas, que l’homme à qui on a passé un chanvre autour du cou est bien mort. » (P. 49-50)
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« Et ce cerveau, actif, entraîné à penser, bourré de culture intellectuelle et scientifique et toujours sous pression, bouillonnait sans répit. Il voulait l’action, et j’étais condamné à une totale passivité. » (P. 68)
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« Je n’ignorais pas que c’était moi, Darrell Standing, qui cheminais ainsi au milieu des étoiles, une baguette de cristal en main. Et je me rendais compte aussi que je vivais en plein irréel, que le rêve où je m’égarais n’était qu’un risible débordement de mon imagination, semblable aux extravagances que procurent certaines drogues, le délire ou même parfois le sommeil. » (P. 120)
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« Mon corps gisait mort sur les dalles de ma cellule, et je n’en occupais plus que le crâne. » (P. 122)
Voilà que tu me remets en mémoire l’excellente prose de Jack London . Que d’heures de lecture passées à voyager…Merci à toi .