« Que la terre nous soit légère » – Joan Bastide

« S’il suffisait de traverser un bras de mer pour atteindre le paradis, personne n’aurait pris la peine d’écrire la Bible ou le Coran. » (P. 146)

Je ne suis pas le seul, semble-t-il, à avoir été attiré par cette proposition de lecture, proposition faite par un éditeur dont je n’avais jamais entendu parler…Proposition que j’ai presque refusée…avant de l’accepter, attiré par le résumé proposé.

Qui peut refuser un voyage en Afrique, de l’autre coté de la Méditerranée, en sens inverse, de ceux qui tentent d’atteindre le nirvana européen qui leur fait prendre tant de risques?

Antoine, jeune européen effectue sa première mission humanitaire en Afrique, dans un pays jamais nommé…il est emballé par ce projet agricole, les résultats vont au delà de ses espoirs, tout lui réussit…La commission européenne veut réaliser un reportage sur le projet….L’Europe avec un grand E est emballée, séduite.

Mais patatras ! un drame  le contraint à fuir.

Je ne vais pas déflorer le sujet.

D’autres aussi veulent fuir, cette Afrique, cette pauvreté, notamment Alioun un gamin…un gamin à la voix d’or. Si certains attirés par notre eldorado occidental prennent tous les risques, d’autres, occidentaux ceux là, font tout pour accroître leur richesse, sans aucun scrupule, sans aucun état d’âme, au mépris des personnes qu’ils croisent, sur le dos des Noirs qu’ils exploitent.

Mais il y a tant d’autres personnages…que parfois je me suis perdu….perdu dans certaines longueurs, heureusement je prends pas mal de notes.

Mais c’est surtout cette atmosphère, cette connaissance indéniable de l’Afrique, que l’auteur cherche à nous transmettre que j’ai appréciée et notée, bien au delà du roman.

Et au final, j’ai fait plusieurs beaux voyages, rencontré de belles personnes et certaines moins agréables, aux côtés d’un gamin qui veut fuir cette Afrique pour nous rejoindre, attiré par notre Nirvana européen, aux côtés de cet humanitaire, d’un despote, de femmes attirantes et séduisantes…

Beau voyage certes, mais un peu longuet à mon goût, prenant parfois l’aspect ces feuilletons télé après les infos, de très bons côtés, mais quelques longueurs, des retournements de situations….plus ou moins téléguidés et attendus.

Le texte est plaisant, l’auteur l’image souvent de citations, notamment pour les titres de chapitres, sous formes de proverbes, vrais ou inventés, je ne sais pas…que j’ai eu plaisir à noter. Des proverbes pleins de bon sens.

Par son métier, il connaît l’Afrique, ses problèmes de développement, ses hommes et femmes, ses dirigeants…, et surtout cette âme africaine, toujours présente dans son texte…c’est là tout l’intérêt de ce livre….tout l’intérêt de la mise en évidence de cette différence qui attire, malgré tous les risques, tous ces gamins sous nos cieux.

« …donne une mangue à celui qui a faim, il te dira merci. Apprends-lui à monter à l’arbre et il ne t’oubliera jamais. »

Joan Bastide, qui connaît bien l’Afrique, m’a offert un beau voyage, une belle réflexion sur notre monde et ses incohérences.

Un grand merci à  Mélanzé, qui m’offrit ce roman et ce voyage : Mélanzé qui se définit comme une « Cabane d’édition » où « Littérature, poésie, essais, romans graphiques ouverts sur le  monde se rencontrent dans une ligne éditoriale éclectique pour  questionner notre monde en mutations. »

Éditions Mélanzé – 2020 – 581 pages


Lien vers la présentation de Joan Bastide


Quelques lignes

  • « Depuis la récolte, le village se transformait. On voyait dans les champs la construction de petits systèmes d’irrigation. Des machines agricoles avaient fait leur apparition. le salon des familles s’était agrémenté de discrets éléments de confort. Les femmes déambulaient dans les allées du marché vêtues de leurs plus beaux apparats. Quelques jeunes paradaient avec leur téléphone portable, même si le village n’était pas encore couvert par le réseau. » (P. 45)
  • « Il n’existe pas de groupe humain sans gâchette qu’il suffit d’activer pour que la poudre se mette à parler. » (P. 141)
  • « …pour peu que l’on soit né du bon côté de la Méditerranée, on pouvait passer en quelques heures de la fournaise dense, humide et poisseuse d’un triste tropique essoufflé mais exubérant de vie, à une terre domptée par la technique et l’esprit d’entreprise, recouverte de neige, débordante de bien-être matériel, mais en quête d’un sens qu’elle avait perdu. » (P. 226)
  • « Ils s’étaient fait déposséder de leurs biens et de leur honneur. Ils avaient été témoins et victimes de l’infinie diversité des bassesses humaines. L’instinct de survie les avait poussés dans leur retranchements. Ils s’étaient éloignés de la morale qui donnait un sens à leur existence. Et dans ces bagarres, ces vols, ces rackets qu’ils avaient commis, leur vision du monde et d’eux même s’était effondrée. » (P. 331)
  • « J’ai travaillé pendant vingt ans sur leurs chantiers et dans leurs usines. J’ai construit des écoles, des hôpitaux et même des prisons. J’ai travaillé jour et nuit, sans jamais prendre des congés. Toujours au noir, comme ils appellent ça. Au black, même, ils disent, maintenant, pour faire plus moderne. Tu connais cette expression ? Ça veut dire illégalement. Sans aucun droit. L’esclavage moderne? Au noir…À croire que l’expression a été inventée pour nous!  (P. 398)
  • « ..L’eau du fleuve ne coule que dans un sens. » (P. 401)

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