
« La haine du Juif serait ainsi une colère de l’outsider qui prend pour cible un peuple perçu comme le champion de l’appartenance. »
…. haine du Juif, haine des juifs, haines qui ont tué des millions de personnes au cours de l’Histoire, parce que ces personnes étaient des Juifs. Ce fut une haine sans frontière bien définie, une haine constatée sous toutes les latitudes…puisque les Juifs sont partout, comme l’avait écrit Brasillach, qui fut fusillé pour ses mots, pour ses actes.
L’auteure analyse les textes anciens sacrés ou non, les mots de la Bible, mais aussi la tradition et les légendes juives, et ceci afin de comprendre l’origine de ce mot presque repoussoir, pourquoi et comment progressivement, les Hébreux sont devenus des « Juifs », pourquoi des fantasmes sont nés dans l’esprit des non-Juifs, fantasmes idiots et sans fondement. …Pourquoi, un temps on a pensé que les Juifs, comme les femmes saignaient tous les mois, pourquoi et comment ils ont été perçus comme une menace pour les autres, pourquoi ils refuseraient de s’intégrer à la communauté ?
Haine d’un peuple caricaturé sous toutes les latitudes
« On lui reproche de détenir et d’accaparer le pouvoir, l’argent, les privilèges ou les honneurs qu’on nous refuse. »
Oui c’est une forme de racisme différent.
C’est un racisme fondé sur une jalousie envers des personnes qui sont définies comme ayant plus, ce n’est pas un problème de couleur de peau…Non !
Le racisme que je qualifierais d’ordinaire, est un rejet, un mépris de personnes considérées comme différentes, considérées comme inférieures en droit, c’est souvent un mépris de personnes originaires de pays qui furent colonisés….et dont on fut chassé à coups de pieds au c…
Le Juif quant à lui n’a pas de pays d’origine. Cette haine de ce peuple juif est différente de la haine d’autres peuples qu’on refuse d’accueillir…..
Au contraire d’autres peuples le peuple Juif apparaît comme un peuple manipulateur agissant sur le pouvoir, donc directement sur nos vies, ainsi le peuple juif « confisque quelque chose au reste de l’humanité » …. Quelque chose mais quoi ? Ce racisme remonterait-il au Christ?
Ainsi, cet antisémitisme est donc un racisme différent des autres racismes tous fondés sur une notion de supériorité par rapport à ceux qu’on rejette. Alors que le raciste méprise certaines populations, parce qu’elles sont différentes de lui, …c’est un racisme et un mépris fondé sur le « moins ». Le raciste méprise ceux qui sont considérées comme inférieures alors que l’antisémite méprise une population qui, dans son esprit a plus que lui, notamment de l’argent, du pouvoir, de l’influence politique…
« C’est une histoire de jalousie, d’envie et de refoulement, la volonté frustrée d’appartenir à une famille qui n’a pas vocation à s’élargir, ni à imposer au monde sa vérité. » (P. 39)
Cet essai sociologique et érudit n’est pas simple, loin de là et mérite presque une deuxième lecture. Il ouvre tant de portes, aborde, pose et répond à tant de questions…..J’attendais une analyse plus historique, plus géographique mais ce racisme n’a pas de frontière…ni de temporalité.
« L’antisémite est un homme qui a peur. Non des Juifs certes : de lui-même, de sa conscience, de sa liberté, de ses instincts, de ses responsabilités, de la solitude, du changement, de la société et du monde ; de tout, sauf des Juifs (…) c’est l’homme qui veut être roc impitoyable, torrent furieux, foudre dévastatrice : tout sauf un homme. » (Jean-Paul Sartre – P. 128)
Elle est bien loin, à mes yeux, de la caricature du rabbin machiste……elle détruit par sa personnalité, son ouverture d’esprit, son discours et son engagement, les poncifs traditionnels qui leur sont attachés.
Comment ne pas être attentif aux propos de Delphine Horvilleur… Merci !
Editeur Grasset – 2019 – 153 pages
Lien vers la présentation de Delphine Horvilleur
Quelques lignes
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« Le Juif au contraire est souvent haï, non pour ce qu’il N’A PAS mais pour ce qu’il A. (P. 14)
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« La Genèse raconte l’histoire du petit-fils d’Abraham, nommé Jacob, qui en chemin passe la nuit au bord d’une rivière qu’il doit traverser. Dans l’obscurité, l’homme va se battre avec une envoyé mystérieux, ange ou humain, qui le blesse à la hanche mais lui offre au petit matin une étrange bénédiction : « Ton nom ne sera plus dorénavant Jacob, mais Israël». Ce nom, gagné dans un combat et transmis aux descendants de Jacob, n’est donc pas un nom d’origine, amis une identité gagnée dans une lutte et au prix d’une hanche déboitée, c’est à dire de la promesse d’une claudication éternelle. […] Dorénavant, il sera un instant ici, puis un autre là, dans une oscillation entre deux états, avec ce balancement pour seul garant de son équilibre.(P. 25)
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« La haine du Juif serait ainsi une colère de l’outsider qui prend pour cible un peuple perçu comme le champion de l’appartenance. » (P. 39)
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« ….l’antisémite finit par croire que le Juif est, pour toujours, «plus» que lui. » (P. 49)
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« Le juif est perçu dans l’Histoire comme une figure d’obstacle à la croissance et à la maîtrise du monde, comme l’ennemi d’une «saine et belle alliance des nations », ou celui d’un programme d’expansion impérialiste. » (P. 73)
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« Par son esprit et par son corps, le Juif est comme la femme. C’est ce qu’affirment ces «recherches » scientifiques, qui énumèrent la longue liste des caractéristiques communes à l’un et à l’autre ; l’hystérie, l’infiabilité, la manipulation ou même l’intérêt pour l’argent. » (P. 89)
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« L’historien relativise avec humour la puissance juive en se moquant de l’obsession des antisémites «J’aimerais leur dire : calmez-vous ! Les Juifs sont des gens intéressants mais quand on regarde l’Histoire de façon globale, il faut bien admettre qu’ils ont eu un impact très limité sur le monde, contrairement à toutes ces religions qui ont influencé des milliards de personnes. Un peu de modestie s’impose.» » (Yuval Harari – P. 131)