« Khomeiny, Sade et moi » – Abnousse Shalmani

Je combats une série de préjugés qui emprisonnent la femme sous le voile qui n’est que la partie visible de sa prison intérieure.[……] Je ne combats ni des hommes ni des femmes mais des concepts, la tradition malsaine et le violence du préjugé » (P. 33)

Tout d’abord je voudrais adresser un grand Merci à cet ami qui se reconnaîtra et qui connaît mes goûts littéraires…c’est lui qui m’a suggéré cette lecture. Grand voyageur, il connait l’Iran pour y être allé à plusieurs reprises, sac au dos, y compris depuis l’arrivée des Barbus au pouvoir…Il m’a parlé de ce titre, j’ai immédiatement réservé ce livre, j’ai une grande confiance dans ses choix littéraires.

Le plaisir de lecture fut confirmé et surtout j’ai admiré l’intelligence, le courage et les connaissances de cette auteure.

Gros coup de coeur en effet.

Gamine, elle se fait remarquer en se mettant nue dans la cour d’école devent les « barbus et les corbeaux » et en courant en tous sens, histoire de les ennerver un peu, car « ….se mettre nue pour une enfant transformée en femme par la loi, c’était retrouver de l’innocence, l’exact contraire de la concupiscence provoquée par l’enfoulardement. » (P. 18-19)

Oui, les femmes doivent se couvrir, de la tête aux orteils, rien ne doit se voir, sinon les coups pleuvent, en ville, dans les commerces…on le sait. Les révolutions en général sont déclenchées pour obtenir un peu plus de liberté, de droits, mais celle-là fait la chasse aux cheveux qui dépassent du voile des femmes, aux orteils ou bouts de peau qui deviennet lubriques, tentateurs, pornographiques…

Abnousse Shalmani dénonce toutes ces pratiques, tous ces cerveaux détraqués qui réduisent les libertés, voire qui vous mènent en prison ou attentent à votre vie de femme, à votre désir de liberté. Elle est en révolte permanente contre ces barbus qui réécrivent à leur sauce les textes religieux…barbus aidés par des « femmes-corbeaux » qui ne sont pas en reste en matière de vice et de violence.

Avec humour elle dénonce cette hyopocrisie; la bêtise de ces hommes en gris ou noir faisant rêgner leur loi, par la violence. Ces hommes dirigés par Khomeiny qu’elle hait

Abnousse Shalmani choisira de partir, de rejoindre la France.

Les chapitres évoquent les années 1983 à 2013, mais ils ne sont pas présentés de façon chronologique, ce qui perturbe un peu la lecture…mais cette présentation n’enlève rien à la hargne, à la détermination, à la réflexion d’Abnousse Shalmani, à l’impression générale qui se dégage du roman

On voyage de Paris à Téhéran, de sa vie de famille à sa vie personnelle…chaque chapitre ou presque est un coup de tête, ou une réaction en retour à la bêtise des corbeaux iraniens. 

Et Sade -évoqué dans le titre- me direz-vous??? 

Elle fut et reste une grande lectrice de Sade, nous explique et justifie ce choix, cet appétit pour les écrits du Marquis, des écrits qui heurtent généralement nombre de lecteurs…des écrits que j’ai approché il y a bien longtemps.

Un livre difficilement classable…ce n’est pas un roman car tout est vrai, rien n’est le fruit de l’imagination de l’auteure, c’est parfois un essai, une analyse d’un pays ou de ses réactions, un récit autobiographique, un coup de gueule presque. Mais c’est surtout un livre qui nous permet au travers de ses réactions de mieux connaître une femme, son adolescence, la formation de sa personnalité de femme. Une femme dont j’ai admiré l’intelligence, la lucidité, le courage, sans toutefois adhérer toujours à ses positions, à ses écrits.

Ah! que j’aimerais la rencontrer au hasard d’une conférence ! Un texte intelligent qui ne m’a pas laissé indifférent, loin de là ! J’ai été bousculé, en accord avec elle sur certains points, interrogatif sur d’autres…En tout cas, elle ne peut nullement laisser le lecteur indifférent.

« Je n’abandonnerai pas car il n’est pas encore né le barbu qui me fera baisser la tête pour que je me taise. Se taire, c’est capituler. » (P. 330)

Éditeur : Grasset – Parution en 2014 – 330 pages


Présentation d’Abnousse Shalmani


Quelques lignes

  • « Je désirerais qu’on fût libre de se rire ou de se moquer de tous; que des hommes, réunis dans un temple quelconque pour évoquer l »Eternel à leur guise, fussent vus comme des comédiens sur un théâtre, au jeu desquels il est permis à chacun d’aller rire. Si vous ne voyez pas les religions sous ce rapport, elle reprendront le sérieux qui les rend importantes (….) Je ne saurais donc trop le répéter : plus de dieux, Français, plus de dieux, si vous ne voulez pas que leur funeste empire vous replonge bientôt dans toutes les horreurs du despotisme; mais ce n’est qu’en vous moquant que vous les détruirez; tous les dangers qu’ils traînent à leur suite renaîtront aussitôt en foule si vous y mettez de l’humeur ou de l’mportance. Ne renversez point leurs idoles en colère : pulvérisez-les en jouant, et l’opinion tombera d’elle-même » (Donatien Alphonse François de SADE, « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » in La Philosophie dans le boudoir)
  • « Je suis née plusieures fois. Une fois un jour d’avril, une autre fois en retirant mon voile et en imposant ma nudité, une troisième fois en foulant le sol français, une autre fois en ouvrant un livre de Zola et en découvrant la littérature libertine du XVIIIe siècke français. Et chaque naissance pourrait être l’histoire d’un nouvel amour.. L’exilé a le coeur large. » (P. 27)
  • « Ces femmes-corbeaux-là m’ont appris qu’il ne fallait jamais donner crédit à la morale et que souvent ce n’était qu’une excuse pour laisser tuer des femmes. » (P. 40)
  • « Un  père qui brise la tradition pour donner autant de chances à sa fille qu’à ses fils, c’est l’assurance pour une femme de ne jamais se croire inférieure à un homme. Si le premier dialogue s’est déroulé à égalité avec le premier homme de votre vie, vous avez toutes les chances d’être fière de votre sexe et de ne jamais croire les hommes seuls coupables. Dialoguer à égalité avec son père, c’est ne jamais être une victime. » (P. 74-5)
  • « Est-il vraiment nécessaire de rappeler les viols, en Iran ou ailleurs, où c’est la femme violée qui est jugée et condamnée pour incitation au viol. [….] Toutes le religions ont tenté de réglementer le corps de la femme. » (P. 135)
  • « Toutes le religions ont tenté de réglementer le corps de la femme. » (P. 135)
  • « Mais voilà, je pleure sur toutes les putes du monde. Celles qui refusent le mariage imposé comme celles qui veulent aller à l’école, celles qui veulent exercer un métier, celles qui ne veulent pas porter le foulard, celles qui ne croient pas en Dieu. Je pleure sur toutes les femmes et les petites filles qui ne baissent pas les yeux devant les hommes, sur toutes les femmes et les petites filles qui ne suivent pas la norme, sur toutes celles qui sont mises au ban de la société, sur toutes celles qui sont mises sur le trottoir contre leur volonté, sur toutes celles qui souffrent parce qu’elles sont femmes. » (P. 178)
  • « Je n »échangerais pas ma robe noire tellement vieillotte contre le jean unisexe, je n’échangerais pas ma certitude de valoir autant qu’un homme contre une bouche pâle, je n’échangerais pas ma féminité qui est le signe extérieur le plus radical de lutte contre les barbus pour faire plaisir à trois connards qui n’ont jamais lu que le Capital pour les nuls. Non. Je suis fière d’être une femme et je ne veux pas avoir honte de le montrer, de le décliner, de l’affirmer. » (P. 269)
  • « C’est l’ignorance qui fait monter la température des acariâtres, c’est l’ignorance qui est la matière première des barbus. L’ignorance qui est perte de repères, qui est danger, qui est assassin.  L’ignorance qui n’est jamais qu’une excuse pour taper plus fort, pour tourner le dos à l’autre, pour rester enfermé dans des certitudes faciles. » (P. 316)

Une réflexion sur “« Khomeiny, Sade et moi » – Abnousse Shalmani

  1. Ravie de voir que tu as aimé lire ce documentaire biographique je dirai.
    Un cri d’enfant qui veut devenir enfant, être qui pense, et qui souhaite devenir femme respectée.
    J’ai beaucoup aimé ce parallèle qu’elle fait avec la vie imposée aux femmes en IRAN avec les femmes voilées en EUROPE.. Elle crie et dénonce l’hypocrisie des politiques qui draguent juste l’électorat et ne pensent nullement aux conséquences délétères de cet enfermement de la femme et de l’enfant. Loin de leurs pensées, les conséquences sur notre identité européenne.
    J’ai un autre livre d’une Iranienne acheté dernièrement à VISA POUR L’IMAGE, à mon avis, un cran au-dessus dans l’horreur. Nous te le passerons. BIZZ à vous deux. SYLVIA

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