« Le mage du Kremlin » – Giuliano Da Empoli

« ….la beauté de ce pays c’est que même si tu ne joues pas, tu cours les mêmes risques. Mettons que tu restes tranquille dans ton coin et gères tes affaires : tôt ou tard arrive un type qui va essayer de t’enlever ce que tu as. » (P. 82)

Vadim Baranov, après avoir exercé d’autres métiers, est devenu le nouveau Raspoutine, le conseiller du nouveau Tsar de la grande Russie, le conseiller dans l’ombre de l’homme qui ne rit jamais…Poutine…..l’énigmatique Poutine. 

Dans son ombre il a tout connu, tiré tant de ficelles, tant manoeuvré au profit de son mentor….

Le personnage de Baranov serait librement inspiré d’un autre personnage Vladislav Yuryevich Surkov, écarté du pouvoir depuis. En fait rien, ou presque rien n’est inventé, tout le roman semble s’appuyer sur des personnages réels sur des faits incontestables. Une fois entré dans le livre, difficile d’en sortir, impossible de le lâcher. 

Machiavélique !

Tout est vrai, et mis en lumière , depuis l’ascension de cet ancien officier du KGB soviétique Poutine qui prit la direction du FSB, puis de la Russie , en passant par les attentats terroristes de Moscou en passant par la guerre en Tchétchénie, sans oublier les sous-mariniers du Koursk en 2000, que le pouvoir laissa s’asphyxier; en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, l’annexion de la Crimée en 2014…et la sinistre actualité de guerre en Ukraine.

Bref, cet homme qui ne rit jamais, nous donne des sueurs froides. Mais il n’est pas le seul, loin de là…et quand certains chefs d’Etats se félicitent des relations qu’ils ont eu avec Poutine, nous sommes en droit de nous demander, s’ils n’ont pas été naïfs. Le personnage qui ne sourit jamais est un grand manipulateur qui donne des sueurs froides au lecteur. 

Ce n’est pas du billard à trois bandes…c’est pire. 

Giuliano Da Empoli est certes un romancier qu’on lit avec plaisir, mais il fut également ancien conseiller de Matteo Renzi, quand ce dernier dirigeait l’Italie. Il a certainement cotoyé certains des personnages qu’il met en scène, certains de ces noms plus ou moins connus et parfois évoquées dans notre actualité ou dans le roman, Boris Berezovsky, Mikhaïl Khodorkovski, ou le groupe paramilitaire Wagner fondé par Evgeni Prigojine, sans oublier Limonov qui fit l’un des titres d’Emmanuel Carrère…

Sans oublier l’Ukraine et la Crimée.

« …La Russie s’est toujours faite comme cela, à coups de hache. » (P. 134)

Bref, un titre troublant qui se lit comme un polar, qui informe et qui surtout inquiète le lecteur…..Qui m’a inquiété, car je me demande toujours comment l’Occident peut dompter un pays qui s’étend sur tant de méridiens, qui dispose dans son sous-sol de tant de richesses restant à découvrir…..et d’un dirigeant énigmatique…et si troublant, Et si manipulateur.

Bref un très beau moment de lecture…..inquiétant! 

Éditeur : Gallimard – 2022 – 280 pages


Lien vers la présentation de Giuliano Da Empoli


Quelques lignes

  • « On le voyait rire, chose très rare en Russie où un simple sourire est considéré comme un signe d’idiotie. » (P.14) 
  • « En Russie,[  ]tout se passe en général très bien. A Paris, la pire chose qui puisse vous arriver c’est un restaurant surestimé, le regard méprisant d’une jolie fille, une amende. A Moscou, la gamme des expériences déplaisantes est considérablement plus vaste. » (P. 26)
  • « Le chemin semblait tracé une fois pour toutes, mais soudain une bande de débiles décident que le tsar, ça ne va plus, que notre sainte mère Russie doit devenir une république. Et la manoeuvre réussit, ils prennent le pouvoir ! Puis débarquent les bolcheviques et il massacrent tout le monde, tsaristes et républicains » (P. 42)
     
  • « Depuis des siècles, celui qui franchit le seuil du gigantesque fossile qu’Ivan le Terrible a voulu au centre de Moscou, sent sur lui la main d’un pouvoir sans limites, habitué à broyer les destins des hommes avec la même facilité qu’on caresse la tête d’un nouveau né. » (P. 104)
  • « Notre chef-d’oeuvre a été la construction d’une nouvelle élite qui concentre le maximum de pouvoir et le maximum de richesses. » (P. 166)
  • « Les faibles ne peuvent pas se permettre  le luxe de la sincérité. Ni celui de la fidélité. Le Tsar sait que que la loyauté est un trait de ceux qui peuvent la cultiver; les forts, ceux qui sont suffisamment sûrs d’eux-mêmes pour l’alimenter. » (P. 167)
  • « Que veux-tu que la Russie fasse avec deux régions de plus? On a repris la Crimée parce qu’elle était à nous, mais ici le but est différent. Ici notre objectif n’est pas la conquête, c’est le chaos. Toutle monde doit voir que la révolution orange a précipité l’Ukraine dans l’anarchie. Quand on commet l’erreur de se confier aux Occidentaux, cela finit ainsi : ceux qui te laisseront tomber à la première difficulté et tu restes tout seul face à un pays détruit. […..] L’importance de vos actions sur le champ de bataille ne se mesure pas aux villes que vous prenez, elle se mesure aux cerveaux que vous conquérez. » (P. 247)
  • « La vérité, c’est que la technologie militaire qui nous entoure a créé les conditions pour l’émergence d’une mobilisation totale. Désormais, où que nous nous trouvions, nous pouvons être identifiés, rappelés à l’ordre, neutralisés si nécessaire. L’individu solitaire, le libre arbitre, la démocratie sont devenus obsolètes : la multiplication des données a fait de l’humanité un seul sytème nerveux, un mécanisme fait de configurations standard prévisibles comme une nuée d’oiseaux ou un banc de poissons. » (P. 271)
  • « Non, ce n’est pas Dieu qui crée, c’est Dieu qui est créé. » (P. 274)

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