
« Ils essaieront de vendre jusqu’à une moitié de griffe de pingouin, un œil, s’ils savent comment le conserver . Le marché est immense, les musées veulent des dépouilles pour enrichir leurs collections, les marchands veulent vendre des dépouilles aux musées, les collectionneurs trouveront de jolies et chères boites à tabac fabriquées dans les becs, si c’est à la mode. » (P. 34)
Hasard d’une découverte dans les rayons de la médiathèque, hasard offert au lecteur qui va confronter un texte littéraire, à l’une de ses angoisses personnelles : la disparition d’espèces animales.
Trois jours avant j’avais, hasard de la vie, visité Ecozonia, Eco Parc Animalier, proche de Perpignan, accueillant des prédateurs, ours, tigres, etc. en danger d’extinction sur notre planète.
Oui j’ai eu le cœur gros, ce jour là, des hauts le cœur, en observant ces photos exposées sur une partie du parcours, sur ces tableaux statistiques démontrant, si besoin était, les saloperies, je n’ai pas d’autre mots, commises par l’homme sur ces animaux pour acquérir une partie de la force des tigres en se soignant avec leurs os broyés ou avec de bile d’ours emprisonnés, ours dans des cages carcans, dans l’impossibilité de se mouvoir…je vous passe les exterminations d’une espèce de phoques, disparus de notre terre parce que leurs moustaches faisaient merveille pour déboucher les tuyaux de pipes!!! Et bien d’autres encore. Quelle honte, pour nous autres hommes d’une espèce animale supérieure !
Revenons au livre !
Nous sommes en 1835, Gus, est un jeune zoologiste envoyé par le musée d’histoire naturelle de Lille pour étudier la faune du nord de l’Europe. Sur une île, il assiste impuissant au massacre, par des marins, d’une colonie de grands pingouins. Il parvient à capturer l’un d’eux, dont l’aile est cassée et le sauve d’une mort certaine. Il est incapable de nager correctement. Cette trentaine de pingouins revenaient chaque année sur cette île pour se reproduire, mais les femelles ne pondaient qu’un œuf unique. La population ne pouvait donc pas dans ces conditions se maintenir et encore moins ne renouveler. Ces marins tuaient des pingouins sur cette île uniquement pour voler leurs œufs et les manger ..car très riches. Et ceci, depuis des générations de marins!
Alors, chez lui, aux Orcades Gus accueillera le pingouin, comme on accueillerait un chien errant, et le nommera Prosp. Gus ne le sait pas, ne s’en doute peut-être pas, mais il vient de récupérer le dernier spécimen vivant dans le monde. Un animal qui dans tous les cas n’aurait pu se débrouiller seul dans la nature, du fait de son aile cassée, et n’aurait pu non plus se reproduire
Prosp fera dorénavant partie de la famille. Il est le dernier « Grand Pingouin » vivant sur terre, un pingouin qui n’aura jamais de descendant…L’espèce mourra avec lui…Prosp devenu un animal de salon, presque le toutou de la famille ! Il aura son panier ! Ce qui devient dérangeant….
L’espèce du Grand Pingouin a disparu des côtes américaines, et de notre monde
Bof ! ce n’était qu’un pingouin, Bof, ce n’était ….!
« Comment comprendre que ce qui a été, ce qui a été nombreux, proliférant , s’efface. » (P. 161)
Éditions Anne Carrière – 2022 – 181 pages
En savoir plus sur cette espèce : https://www.mnhn.fr/fr/grand-pingouin
Lien vers la présentation de Sibylle Grimbert
Quelques lignes
- « Au début du siècle, elles étaient encore assez nombreuses autour de Terre-Neuve, avant de migrer ici, et désormais elles semblent s’amenuiser ici aussi. Il existe tout un commerce de fétiches autour des restes d’animaux. Le monde entier veut quelque chose du grand pingouin. Sa rareté fait augmenter les prix, c’est normal. » (P. 28-9)
- « Et cette fois il admira le pingouin, et parce qu’il admirait le pingouin il pensa que si l’animal devait un jour disparaître, quelque chose de triste se passerait, à l’instar de la perte d’un savoir, de la disparition d’une façon de se mouvoir dans un élément hostile, quelque chose de différent des oiseaux marins qui volaient, des phoques qui nageaient, des poissons qu’il ne voyait pas sous l’eau. » (P. 39)
- « Mais non, le dodo a été une exception, un accident; les animaux ne disparaissent pas, pensa-t-il aussitôt. Le terre n’est que profusion. Certes jadis, le mammouths, les mégalonyx -cet énorme paresseux, de la taille du matodonte-s’étaient éteints. Certes, les bêtes se transforment sans doute, la catastrophes les tuent ou, parfois, parce que les conditions autour d’elles changent, une espèce devient plus adroite et prolifère quand une autre s’amenuise. Mais la nature, si bien huilée, si équilibrée, empêche la fin de ce qui n’est pas nuisible à l’homme. » (P. 94)
- « Ce qui est rare disparaît forcément, c’est du Malthus, c’est exponentiel : les hommes prospèrent en se multipliant infiniment, comme une pyramide inversée. Ce qui s’amenuise se réduit de la même manière, à toute vitesse, c’est logique. personne n’a vu de grands pingouins au Cap, si je puis me permettre. » (P. 121)
- « Prosp qui ne se connaissait pas de congénères, et qui s’apercevait qu’aucune créature ne lui ressemblait, était l’être le plus seul qui ait jamais existé. Il n’était pas un homme puisqu’il n’avait pas de mains, pas un torda non plus puisqu’il n’avait pas d’ailes. » (P. 169)