
« Voilà ce qu’est devenu mon pays ! Un lieu où l’on endoctrine des enfants, où l’on fait disparaître des instituteurs,, où l’on exécute des syndicalistes, où l’on déporte sans jugement, où l’on parle de votre mort devant vous. Un pays où l’on torture et où l’on tue impunément. Un immense camp de concentration. Une barbarie quotidienne imposée aux adultes comme aux enfants.» (P. 300)
Annette Szasz, est l’une de ces témoins appelés pour témoigner, à l’occasion d’un procès public, des conditions de vie, des exactions commises par le régime d’Aztracie, un régime totalitaire.
D’autres qu’elle ont déjà témoigné, et d’autres encore le feront au cours de ces journées pénibles qui remuent le lecteur.
Dans ce pays imaginaire béni du diable, dirigé par une droite forte, la prostitution est interdite, la famille passe avant tout..Le Régime s’est octroyé le droit d’enregistrer ses citoyens et impose aux gamins le port du « cache visage ». Les conversations entre portables sont enregistrées, de même que les messageries entre ordinateurs, sans oublier les écoutes téléphoniques.
Bien sûr la prostitution est interdite.
Des centres de rééducation ont été mis en place afin de recevoir et de rééduquer les enfants dont les parents ne sont pas favorables à la doctrine
« Le Manuscrit du Juste » est le livre de chevet qui a conceptualisé la doctrine du pouvoir mêlant politique, philosophie et religion. Il s’impose à tous ! .
Tout le monde doit connaître et appliquer cette doctrine. Ceux qui la refusent partiront faire un tour, droit vers Fresnes…Oui ! Fresnes, soit dans les mines de platine, du plus jeune au plus vieux, sans distinction de sexe.
Oscar Rimah est l’un de ceux qui voulait fuir le pays, mais il a été rattrapé par les garde-côtes…Il sera donc jugé.
Un régime certainement « séduisant », puisque d’autres communautés aztrides se développent dans le monde.
Et surtout un magnifique texte sur la défense, la justice…ou plutôt l’art de la procédure au sein d’un tribunal. Edifiant et bigrement retors. Le métier d’avocat ne s’improvise pas…loin de là. Chapeau !
Une description glaçante……je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’actualité de ce jour, celle de la plus grande démocratie du monde. Hasard du jour!
Editions Grasset – 2018 – P. 385
Lien vers la présentation de Richard Malka
Quelques lignes
- « Nous étions terrifiés , certains d’être exécutés sur-le-champ ou, au mieux condamnés à la «reprogrammation durable », belle expression aztride pour désigner l’esclavage, souvent suivi de la mort, dans les chantiers d’extraction de platine. […] Sous la menace des armes, nous avons été délestés de tous les biens dont nous disposions encore …argent, bijoux, montres. » (P. 53)
- « Après le départ de centaines de milliers de citoyens, l’émigration fut considérée comme un crime de haute trahison, passible de la peine de mort. » (P. 48)
- « Les dictateurs aspirant à la postérité ne laissent pas de témoins de leurs crimes derrière eux…. » (P. 48)
- « Dès que les hommes bâtissent une société tolérante, ils se piquent de vouloir en éradiquer le mal sans s’apercevoir qu’ils s’amputent eux-mêmes. Ils veulent atteindre la pureté divine plutôt que d’accepter leur condition humaine. Toujours ce besoin de croire à plus grand que soi…Le mal revient alors, bien pire que lorsqu’il été toléré et régulé. La dictature prend la place de la démocratie et la guerre civile celle de la paix. Pour qu’une tyrannie s’installe, il faut le consentement du peuple. Ensuite,il pleure. Bien sûr, pour qu’une communauté humaine accepte de voir restreindre ses libertés, il faut avancer masqué sous de grands principes mais au fond, personne n’est dupe. Il n’y a qu’une chose que les hommes préfèrent à la liberté, c’est l’esclavage» (P. 70-1)
- « La terre s’asphyxie, des espèces animales disparaissent chaque jour, les massacres s’enchaînent, la menace nucléaire renaît, les terroristes, les kamikazes et les pirates se multiplient, des barbares sont devenus une force d’attraction et les guerres de religion réapparaissent avec cette fois, des armes terrifiantes. » (P. 72)
- « …il y avait une jarre d’éphémères coquelicots. Isidor y avait planté huit cent quatre-vingt six graines. Une pour chaque exécution capitale ordonnée par la justice aztride depuis son élection. » (P. 74)
- « un contrôle de moralité.[…] Cette procédure inquisitoriale était prévue par le nouveau code de procédure pénale pour toute personne occupant une fonction sociale importante. » (P. 80)
- «Comment excuser que certains se soient tant enrichis quand d’autres crevaient de faim. » (P. 136)
- « les passions humaines les plus violentes ne constituent en aucun cas une cause d’altération ou d’abolition du discernement. Sinon cette cour n’aurait plus grand nombre à juger. Le discernement n’est pas une question d’émotion. » (P. 161-2)
- « Un homme peut être considéré comme psychiquement malade tout en conservant un discernement intact. C’est d’ailleurs le cas de la majorité des pathologies psychiques, dont celle de l’accusé. » (P. 167)
- « Une personne dissociée de ses affects reste responsable de ses actes. » (P. 169)
- « la complexité psychiatrique » (P 170)
- « Est-il également vrai que, depuis l’origine de la psychiatrie, la mélancolie est considérée comme une forme de démence. » (P. 172)
- «.Il n’avait jamais vu un avocat se livrer à une contestation aussi frontale, non pas d’une expertise en particulier mais de la psychiatrie en général. » (P. 173)
- « Il avait pilonné la crédibilité de la psychiatrie et, par voie de conséquence, des experts. Il avait réinvesti les jurés du pouvoir d’apprécier le discernement de l’accusé, ce qui les flatterait et pourrait leur offrir une échappatoire. » (P. 175)
- « Les juges se défaussent sur les experts » (P. 175)
- « Le concept de responsabilité relevait autant de la philosophie que du droit. La psychiatrie ne pouvait décider de tout. » (P. 175)
- « Elle décrivit la naissance d’une dictature qui achetait l’adhésion de ses classes populaires en améliorant leur condition par des mesures qui finiraient par les affamer. »(P. 178)
- « La seule égalité réelle que nous avons gagnée, c’est celle de la perte de liberté pour tous. » (P. 179)
- « Ce régime lave le cerveau en répétant du matin au soir que le peuple est humilié, que d’autres sont responsables de nos échecs : les étrangers, les femmes, les enfants tentateurs, les boucs émissaires habituels. Lorsque la conscience collective d’un peuple est victimaire, elle se livre à des fous et ne produit que de la violence» (P. 179)
- « Aimer la nature mais pas les hommes, je ne trouve pas que ce soit une bonne chose. C’est toujours la même dialectique…on nous dit que quelque chose ne va pas mais pour nous vendre pire. » (P. 180)
- « D’autres livres ont créé de l’espoir et ont fini en génocide » (P. 181)
- «Douze fidèles avaient permis à Jésus de Nazareth de devenir le Dieu ressuscité d’une nouvelle religion. Un million de messagers enflammés par les paroles d’Isidor devaient bien suffire pour conquérir le monde. Cela dépendait des mots. Ceux qui s’approprient les consciences et déclenchent les émotions recherchées. Les mots magiques qui abolissent le libre arbitre et imposent une servitude volontaire. Les mots des contes et légendes de son enfance. » (P. 217)
- « Le texte avait été écrit par les communicants du régime. Ces derniers ne croyaient en rien mais parvenaient à se convaincre que chacun de leurs méfaits était juste. » (P. 255)
- « ..la technologie transforma une diction pâteuse en message inspiré. » (P. 255)
- l’aztrisme : aboutissement du marketing totalitaire
- « Le monde était désemparé face à ce despote imprévisible et la perspective de son nouveau livre-bible paniqua les gouvernements étrangers qui devaient déjà composer avec des centaines de milliers de disciples dont les règles de vie, de la dissimulation des visages à la répression sauvage de la sexualité, violaient les lois en vigueur. » (P. 256)
- « …l’article 226-1 du code pénal imposant le port du masque. » (P. 260)
- « Tous portaient le même masque, en résine blanche. Il transformait de petits êtres humains en fantômes. Les filles étaient contraintes de se couper les cheveux court pour que rien ne les distingue et l’on ne voyait plus qu’une armée de clones effrayants. » (P. 261)
- « D’un clic, un ingénieur californien boutonneux pouvait changer le profil de l’humanité. Plus sombre, plus généreuse ou plus corrompue, au choix. » (P. 262)
- « On ne pose jamais la question de la réciprocité après avoir dit « Je t’aime». Ça ne sert à rien et c’est vulgaire » (P. 265)
- « Le cache visage éait un incubateur de névrosés..Il atrophiait les enfants en les amputant de leur image. » (p .279)
- « Les avocats subissaient toutes formes de pression et il fut décidé qu’ils étaient des éléments corrupteurs. Robespierre l’avait bien dit, les innocents n’ont pas besoin d’être défendus » (P. 281)
- « …un pays transformé en univers concentrationnaire mais au sein duquel certains restaient privilégiés. Les scientifiques en particulier.» (P. 282)
- « être un bon tortionnaire justifiait les faveurs du pouvoir. » (P. 300)
- « Voilà ce qu’est devenu mon pays ! Un lieu où l’on endoctrine des enfants, où l’on fait disparaître des instituteurs,, où l’on exécute des syndicalistes, où l’on déporte sans jugement, où l’on parle de votre mort devant vous. Un pays où l’on torture et où l’on tue impunément. Un immense camp de concentration. Une barbarie quotidienne imposée aux adultes comme aux enfants. » (P. 300)
- « Il en allait des médailles comme des bombes : elles ne tombaient jamais sur les bonnes personnes. » (P. 312)
- « dans les pays anglo-saxons, on était stupéfait qu’un avocat puisse s’aventurer sur le terrain des idées, mais sensible aux aspects stratégiques de la plaidoirie, en particulier la renonciation risquée à tout recours pour accentuer la pression sur les jurés. » (P. 356-7)



Un linguiste, Budaï se rendant à un congrès à Helsinki, s’endort dans l’avion. A son réveil il se retrouve dans une ville inconnue. Que s’est-il passé…comment a-t-il pu se tromper? Un car le transporte sans ses bagages dans un hôtel…Malgré toutes ses connaissances linguistiques, il ne comprend pas ni la langue, ni l’écriture de ce pays inconnu, et n’est compris de personne. Aucun des employés d’accueil de l’hôtel ne comprend les langues traditionnelles, anglais, allemand, russe, français….ni même le grec ancien qu’il parle. On lui donne malgré tout une chambre, et en échange de son passeport et d’un chèque de voyage il reçoit des billets de banque et des pièces de monnaie du pays, dont il ne comprend pas la valeur …Même en mimant une locomotive ou un avion, même en les dessinant, il n’arrive pas à se faire comprendre…et il ne reçoit en réponse que des « Chérédérébéré todidi hodové gurubulu…tébépé«