L’auteure, née en 1962 n’a pas connu ces camps, mais elle sait nous distiller au cours de ce roman les différentes interdictions pesant sur ces citoyens de second ordre. Une réelle mise à l’écart de ces familles qui se soldat par une aide de 25 $ accordée à la sortie du camp, la même somme que celle qui est accordée aux prisonniers libérés. Cette mise à l’écart se poursuivit au retour de ces familles dépossédées de tout.
Extraits« Sa mère disait qu’il vous vieillissait. Le soleil. Oui, elle affirmait qu’il accélérait le vieillissement. Chaque soir, avant d’aller se coucher, elle s’enduisait la figure de crème. Elle la rationnait comme si c’était du beurre. Ou encore du sucre. C’était de la Pond’s, dont elle avait acheté un gros pot à la pharmacie la veille de leur départ de Berkeley.
– Il faut la faire durer, disait-elle – mais elle l’avait déjà presque terminée. J’aurais dû prévoir et en prendre deux.
– Ou peut-être trois, renchérit son fils.
Elle se tenait devant le miroir et suivait du doigt les rides qui lui sillonnaient le front et le cou.
– Est-ce la lumière, ou est-ce que j’ai des poches sous les yeux ? demanda-t-elle.
Elle indiqua un petit pli sur le côté de sa bouche.
– Tu vois ça ?
Il fit oui de la tête.
– Eh bien c’est nouveau. Ton père ne me reconnaîtra pas.
– Je lui dirai qui tu es.
– Explique-lui que…
Puis sa voix s’éteignit et elle se retrouva quelque part, loin d’ici, tandis qu’au-dehors, un vent chaud et sec qui soufflait du sud s’en venait balayer les hautes plaines désertiques. »


