Dès le début on se demande un peu où l’auteur veut nous emmener…
Un homme se réveille lentement, halluciné, il l’impression d’avoir été enterré dans une tombe. « Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux . Il fait nuit et je dors. Mais pourtant je pense, comment se fait-il? » . Est il blessé, sort-il du coma, que lui est il arrivé?
Il est né en 1958, il a 21 ans, nous sommes en Afghanistan en 1979, Mohammad Taraki (président du Conseil révolutionnaire) vient d’être assassiné par Hafizullah Amin…..Guerre des clans et terreur!
Puis petit à petit, au fil des pages, l’histoire se met en place par petites touches. L’homme se souvient de soldats qui l’ont forcé à s’agenouiller et tabassé. Dans son réveil il entend des voix qui l’appellent tantôt « Père », tantôt « Frère ». Il confond la femme qui l’héberge et sa mère. Ses souvenirs se mettent progressivement en place. Rêves, délires ou réalité?
Le livre est construit avec des petits paragraphes des chapitres courts, et désordonnés, quand le narrateur retrouve sa mémoire par bribes…
Contre tous les usages musulmans il est recueilli par une femme veuve, qui n’est ni sa mère ni son épouse, un « homme fantôme gémissant » est avec elle….Le jeune homme qui se réveille est fasciné par cette femme quand elle remet sa mèche de cheveux derrière l’oreille…Une femme qui va prendre tous les risques pour lui….
Un livre parfois un peu déroutant, un labyrinthe pas toujours facile à suivre, mais pour ma part, je me suis pris au jeu de l’auteur et à son écriture…et je ne le regrette pas
Décidément, Atiq Rahimi me surprend dans chacun de ses livres
Connaitre Atiq Rahimi
Extraits
- Si pendant une journée, du matin au soir, tu répètes deux mille deux cent soixante fois ce nom de Dieu ( Al Djabbar) tu seras protégé contre les esprits néfastes et les malédictions de tes ennemis. (P. 36) »
- « On accorde le titre de Ghazi à celui qui a combattu avec succès contre les infidèles et celui de Shahid à celui qui a trouvé la mort en combattant pour la foi » (P. 49)
- « N’est-ce pas justement propres aux rêves que tout paraisse plus vrai que le vrai….il faut croire que l’homme accorde plus de crédit à ses rêves qu’à la réalité. Sinon, comment toutes çes révolutions, çes guerres, çes idéologies auraient-elle pu exister » (P. 55)
- « Quand un homme a perdu la maîtrise de son âme, il faut qu’il répète Al Mumît (celui qui donne la mort) en croisant les mains sur la poitrine » (P. 60)
- « Les actes de l’infidèle se métamorphosent en loups affamés, aveugles et sourds qùi viennent le tourmenter dans la tombe jusqu’au jour du Jugement Dernier » (P. 80)
- « Il faut craindre deux choses chez la femme, ses cheveux et ses larmes….la chevelure d’une femme est une chaîne et ses larmes un torrent furieux…c’est pourquoi il est dit qu’il faut absolument couvrir le visage et les cheveux d’une femme » (P. 96)
- « Et ce jour où pour ma mère le sexe n’avait pas été synonyme d’effroi était probablement le premier où elle avait joui, le premier et le dernier aussi » (P. 98)
- « Dans la tradition islamique une femme ne doit pas dévoiler son visage en présence de ceux qui lui sont ´interdits’, à savoir tous les hommes avec lesquels le mariage est possible selon la loi islamique » (P. 118)
- « Nous qui sommes inaptes à la parole, puissions nous seulement être capables d’écouter! Tout dire est essentiel, ainsi que tout écouter. mais sur les oreilles je vois des sceaux, sur les cœurs, sur les bouches, je vois des sceaux » (P. 120)
- « C’est la Terreur qui nous fait douter de notre propre existence, c’est la Terreur qui nous pousse à nous réfugier dans des mondes imaginaires, à croire aux djinns, à la femme éthérée, à la vie après la mort…..la vie après la mort une croyance imaginée par l’homme pour conjurer sa peur du néant » (P. 121)