
On tire les tables pour étaler les matelas le soir…une famille au sein de laquelle vit Jacob. Une famille dominée par les hommes dans laquelle les femmes doivent travailler dur …et s’effacer.
Jacob est le deuxième Jacob de la famille….un autre Jacob était né avant lui mais était mort à 3 ans.
Une famille juive confrontée à la violence de l’histoire ….Jacob ne peut entrer au lycée à la suite du décret Crémieux qui classe les juifs algériens comme des indigènes…Une histoire qui lui impose toutefois de redevenir français et de faire son service militaire, pour aller défendre la France en guerre contre l’occupant nazi….et d’y laisser la vie.
Une famille contrainte de fuir l’Algérie qui revendique son indépendance vers la France.
160 pages merveilleuses de déchirements, de cette famille modeste et simple.
Valérie Zenati sait nous émouvoir, nous faire partager ce drame, ces joies simples, cette vie en Algérie, ces douleurs…Elle sait par des phrases longues qui nous entraînent, nous faire partager cette tristesse, et ces joies rares et simples, la vie de ses deux personnages principaux ballottés, Jacob et sa mère Rachel
Extrait
- « Dans le cercueil, ce matin de novembre il n’y avait pas non plus les yeux de Jacob pour esquisser un clin d’œil, ni ses mains douces et appliquées qui avaient gercé avant que la chair fonde, les restes de votre regrette, disparu, c’était ce qu’on leur avait transmis, mais Rachel avait embrassé le cercueil comme si c’était son fils, posant ses lèvres sur le bois comme si c’était sa chair, et les femmes autour d’elle pleuraient, criaient, griffaient leur visage, parce que c’était ce qu’il fallait faire, exhiber la douleur, même si elles pensaient à autre chose, à leur toilette pour le mariage de leur fils, au rideau qu’elles voulaient coudre afin d’établir une séparation dans la chambre entre les filles et les garçons, d’éviter que les frères et sœurs se voient, se touchent, aient des envies interdites, elles avaient autre chose à faire, les voisines, les cousines, Jacob était déjà mort une fois, maintenant que le corps était là, il fallait se forcer pour le pleurer encore » (P. 146)
Une petite remarque au sujet du décret pris par Adolphe Crémieux, ministre du gouvernement de la Défense nationale exilé à Bordeaux de 1870 à 1871,…Les juifs indigènes du nord de l’Algérie y furent déclarés citoyens français. Ils perdirent momentanément cette citoyenneté pour être rétrogradés au statut d’indigènes sujets français par le gouvernement de Vichy et redevinrent français à la libération, sous le gouvernement provisoire du général De Gaulle.