
« Être sans destin » que j’ai trouvé par hasard dans une boîte à livres quelques jours après l’annonce du décès d’Imre KERTÉSZ, est le Xième livre que je lis sur les camps.
Ce ne sont pas des livres mais des destins, des vies, et nous devons les accepter tels qu’ils sont.
Imre KERTÉSZ, nous redonne les informations sur ce que chacun connaît et a déjà lu : le transport en wagons, l’arrivée aux camps, la sélection, les baraques, les maladies…etc, sont présentes, mais la force de ce livre se trouve surtout dans une certaine forme de détachement, du gamin Imre face à ce qui lui arrive, sur son regard des faits mais aussi sur la personnalité des hommes qui les vivent à ses cotés ou en face de lui, comment il les ressent à l’époque
A méditer : « S’il y a un destin, la liberté n’est pas possible […..] si, au contraire la liberté existe alors il n’y a pas de destin, [….] c’est à dire qu’alors nous sommes nous-même le destin. »
Qui est Imre Kertész
Quelques extraits
« Bas les cœurs et ne perdons jamais désespoir. » (P. 32)
« Il m’a pris en aparté et l’a parlé sérieusement : il m’a rappelé, entre autres, de ne pas oublier qu’au travail je ne représentais pas seulement ma personne mais toute la communauté des juifs, et que donc, à cause d’eux je devais surveiller sur mon comportement, parce que désormais on en déduirait des jugements sur eux tous. » (P. 40)
« Il souhaitait que quiconque parmi nous avait encore par hasard de l’argent ou d’autres valeurs les lui remette. « Là où vous allez, argumentait-il, vous n’aurez plus besoin d’objets de valeur ». Ce que nous garderions, les Allemands nous le prendraient de toute façon, affirmait-il. À travers la gente de la fenêtre, il a poursuivi : « Alors, pourquoi ne pas le remettre entre des mains hongroises ? » Et après une brève interruption que j’ai ressenti comme solennelle en quelque sorte, il a ajouté d’une voix devenant d’un coup plus chaleureuse, plus familière, comme s’il avait voulu tout recouvrir du voile de l’oubli, tout pardonner : « En fin de compte , vous êtes hongrois, vous aussi. » (P. 102)
« On demandait aux professionnels de l’ajustage de se manifester, d’autres fois, ils cherchaient des jumeaux, des informés et même, à l’hilarité générale, les nains qui se trouvaient éventuellement parmi nous, puis les enfants aussi car, à ce qu’il paraissait, ces derniers avaient droit à un traitement particulier, l’école au lieu du travail, et toutes sortes d’autres avantages. Dans les rangs, quelques adultes nous encourageaient à ne pas laisser passer l’occasion. Mais j’avais encore à l’esprit les conseils des prisonniers dans le train, et puis j’avais plutôt envie de travailler que de vivre comme un enfant , naturellement. » (P. 116)
« En tout cas, dans un premier temps, partout, même dans un camp de concentration, on met de la bonne volonté à toute nouvelle activité – moi, du moins, c’est l’expérience que j’en avais : d’abord devenir un assez bon détenu, l’avenir fera le reste – voilà en gros comme je comprenais les choses, c’est la dessus que je fondais mon comportement, de la même façon, d’ailleurs, que je voyais les autres le faire. » (P. 186)
« Je ne l’aurais jamais cru, mais le fait est là : à l’évidence, un mode de vie ordonné, une certaine exemplarité, je dirais même une certaine vertu, ne sont nulle part aussi importants qu’en détention justement. » (P. 188)
« Je l’avais déjà entendu dire, et je pouvais désormais en témoigner : en vérité, les murs étroits des prisons ne peuvent pas tracer de limite aux murs étroits de notre imagination » (P. 215)
« Je leur ai dit que dans les camps de concentration les gens n’avaient pas vraiment de nom. » (P. 329)
« Moi aussi j’ai vécu un destin donné. Ce n’était pas mon destin, mais c’est moi qui l’ai vécu jusqu’au bout… maintenant je ne pouvais pas m’accommoder que ce n’était qu’une erreur, un accident, une espèce de dérapage ou que peut-être rien ne s’était passé…. On ne pouvait jamais recommencer une autre vie, on ne peut que poursuivre l’ancienne… S’il y a un destin, la liberté n’est pas possible, si la liberté existe, alors il n’y a pas de destin… c’est-à-dire que nous sommes nous-mêmes le destin… il m’est impossible de n’être ni vainqueur ni vaincu… de n’être ni la cause ni la conséquence de rien… je ne pouvais pas avaler cette fichue amertume de devoir n’être rien qu’un innocent »
« Néanmoins je leur ai fait comprendre qu’on ne pouvais jamais commencer une nouvelle vie, on ne peut que poursuivre l’ancienne. C’est moi qui avais marché pas à pas et non un autre, et j’ai déclaré que j’avais toujours été honnête dans mon destin donné. » (P. 355)
« Je vais continuer à vivre ma vie invivable » (P. 359)
belle critique, qui donne envie de découvrir cet auteur que je ne connaissais pas.
les extraits me plaisent notamment les deux derniers…