Amos Oz

« Des livres, en revanche, on en avait à profusion, les murs en étaient tapissés, dans le couloir, la cuisine, l’entrée, sur les rebords des fenêtres, que sais-je encore ? Il y en avait des milliers, dans tous les coins de la maison. On aurait dit que les gens allaient et venaient, naissaient et mouraient, mais que les livres étaient éternels. Enfant, j’espérais devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, un livre : les hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une étagère, au fond d’un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à Reykjavik, Valladolid ou Vancouver ». (P. 42 – « Une histoire d’amour et de ténèbres »)

« Le plus beau jour de ma vie-je devais avoir six ans-fut celui où papa me fit un peu de place sur l’une des étagères pour y ranger mes livres. (…) C’était un rite de passage, une cérémonie initiatique: celui dont les livres tiennent debout n’est plus un enfant, c’est déjà un homme. J’étais comme mon père. Mes livres tenaient droit. » (P.44 – « Une histoire d’amour et de ténèbres »)
 
« …l’essentiel de la force et de la grandeur d’un écrivain réside dans son pathos, dans son combat acharné contre l’habituel et le convenu ! Un beau récit et un poème délicat sont de plaisantes choses qui élargissent l’esprit, mais qui n’ont pas la dimension d’une grande œuvre. Le peuple attend d’une grande œuvre qu’elle transmette un message, une prophétie, une vision du monde nouvelle et rafraîchissante, et surtout qu’elle comporte une vision morale. » (P. 109 – « Une histoire d’amour et de ténèbres »)
 
« Maman m’avait affirmé qu’avec le temps les livres pouvaient changer au moins autant que les humains, avec cette différence que les hommes te plaquent tôt ou tard, dès qu’ils ne trouvent plus en toi de profit, de plaisir, d’intérêt ou de sentiment, tandis que les livres ne te laissent jamais tomber. Toi, tu les dédaigneras parfois, tu en délaisseras certains pendant de longues années où pour toujours. Mais même si tu les trahis, ils ne te feront jamais faux bond, eux   : ils t’attendront en silence, humblement, sur l’étagère. Des dizaines d’années s’il le faut. Sans une plainte. Et puis une nuit, quand tu en éprouveras soudain le besoin, peut-être à trois heures du matin, et même s’il s’agit d’un livre que tu auras négligé, voire pratiquement rayé de ta mémoire pendant des années, il ne te décevra pas mais descendra de son perchoir pour te tenir compagnie quand tu en auras besoin. Sans réserve, sans chercher de mauvais prétextes, sans se poser la question de savoir si cela en vaut la peine ou si tu le mérites, il répondra immédiatement à ton appel. Il ne t’abandonnera jamais. » (P. 459 – « Une histoire d’amour et de ténèbres »)

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