« Job : Roman d’un homme simple » – Joseph Roth

job-roman-dun-homme-simpleMendel Singer est un instituteur juif de la fin du 19ème siècle qui enseigne la bible à douze élèves du shtetl de Zuchnow, ville de la province de Volhynie, dans l’ancienne Russie, actuellement en Pologne. « Il était pieux, craignait Dieu et n’avait rien d’exceptionnel, c’était un juif tout à fait ordinaire » . Il vit pauvrement avec sa femme et ses trois enfants, quand naît un enfant handicapé mental et physique Menuchim. 
Cette famille très croyante y voit une nouvelle épreuve de Dieu, épreuve comparable à celles qu’eut à affronter Job, personnage biblique. Le rabbin que la famille consultera déclara : « Menuchim, fils de Mendel guérira. Il n’aura guère son pareil dans le peuple d’Israël. La souffrance le rendra sage, la laideur le rendra bon, l’amertume le rendra doux et la maladie le rendra fort. Des yeux seront vastes et profonds, ses oreilles fines et pleines d’écho. Sa bouche restera muette, mais quand il ouvrira les lèvres, elles seront annonciatrices de bonnes choses. N’aie pas de crainte et rentre chez toi ! »

Menuchim restera un enfant ne s’exprimant pas, rampant sur le sol.
Outre sa pauvreté et Menuchim, Mendel doit affronter d’autres épreuves : ses deux fils tirent le mauvais numéro et doivent effectuer leur service militaire de 5 ans dans les armées du tsar, la fille quant à elle court après les cosaques…En puisant dans les économies cachées sous le plancher, ils arrivent à faire passer la frontière à Schemarjah, afin de lui éviter le service militaire, fils qui émigrera aux Etats-Unis, Jonas, l’autre fils trouve son bonheur auprès des chevaux de l’armée impériale….
Toute la famille émigrera elle aussi, en abandonnant le gamin handicapé, abandon qui les hantera toute leur vie. La première guerre mondiale arriva, elle se déroulait bien loin de leur taudis new-yorkais, mais les États-Unis sont entraînés dans la Première Guerre mondiale mais elle apporta, elle aussi, de nouvelles épreuves toujours plus difficiles à supporter pour Mendel Singer….jusqu’au jour où il se rebellera contre son Dieu, et devenant blasphémateur l’accusera de méchanceté 
Je ne vous en dis pas plus.
Je ne connaissais pas Josph Roth, je l’ai découvert à la lecture de « Ostende 1936 – Un été avec Stefan Zweig » de Volker Weidermann. Il était l’un des auteurs juifs, personnages de ce livre, censurés dès l’arrivée des nazis au pouvoir; Les livres de Roth, dont celui-ci écrit en 1930, furent brûlés en place publique par les nazis et il émigra en Europe à partir de 1933. Je ne pouvais ignorer cet auteur, décrit par Volker Weidermann,  comme alcoolique et toujours fauché .
« Job : Roman d’un homme simple » est le roman de cette famille modeste et de cet homme pieux qui abandonnèrent cette vie misérable pour émigrer aux Etats-Unis, dans lesquels Joseph Roth n’est toutefois jamais allé. C’est le roman décrivant un univers assez méconnu, en ce qui me concerne, celui de la culture et des traditions juives, de l’émigration de ces pauvres voyageant dans les soutes des paquebots, vivant chichement aux Etats-Unis. C’est aussi le roman d’un homme religieux traditionaliste, qui voit ses enfants s’éloigner de cette tradition religieuse, l’un devenant militaire, l’autre prenant l’argent pour nouveau dieu et enfin la fille vivant dans le péché et se damnant pour l’éternité…..la souffrance d’un homme simple croyant en certaines valeurs.C’est peut-être aussi un roman s’appuyant sur des expériences personnelles de Joseph Roth, né lui aussi dans une famille juive modeste en Galicie, province faisant partie aujourd’hui de l’Ukraine. Il connu comme Mendel le désamour pour sa femme, qui devenant folle dut être internée.
N’y a t-il pas également dans sa vie, comme dans celle de son personnage, Mendel Singer, une certaine nostalgie pour ce monde qui disparaît, pour ces traditions qui se perdent, un doute et une interrogation face à la religion ?
Trois ans après la première parution de ce texte, il quittait l’Allemagne devenue nazie. Neuf ans après cette parution il mourut pauvre et alcoolique à Paris. Il avait 45 ans
Belles découvertes d’un auteur de talent et d’un texte d’une belle simplicité, servi par une traduction agréable.
Malgré une fin surprenante, un peu tirée par les cheveux…


Qui est Joseph Roth


Quelques extraits

  • « Il y a de nombreuses années vivait à Zuchnow un homme qui avait pour nom Mendel Singer. Il était pieux, craignait Dieu et n’avait rien d’exceptionnel, c’était un juif tout à fait ordinaire. Il exerçait le modeste métier de maître d’école. Dans sa maison qui se composait uniquement d’une vaste cuisine, il transmettait à des enfants la connaissance  de la Bible. Il enseignait avec une faveur certaine. Il enseignait avec une ferveur certaine et sans obtenir de résultats spectaculaires. Avant lui des centaines de milliers d’hommes avaient vécu et enseigné de la même manière que lui. » (Première phrase du livre)
  • « La curiosité, sœur de la jeunesse, annonciatrice du désir, se tenait tapie en Mirjam, tout juste derrière ses sens aux aguets. Animée d’une crainte douce et brûlante, la jeune fille fuyait devant ces hommes qui la poursuivait de leurs ardeurs. Seulement, pour savourer pleinement la jouissance excitante et douloureuse de la crainte, elle fuyait par plusieurs ruelles, pendant de longues minutes encore. Elle s’enfuyait en faisant des détours. » (P. 46)
  • « D’une femme avec qui on s’unit uniquement dans l’obscurité, elle était devenue en quelque sorte une maladie avec laquelle on est lié le jour et la nuit, qui vous appartient complètement, que vous n’avez plus besoin de partager avec le monde et dont la fidèle hostilité finit par vous détruire, » (P. 60)
  • « Il voyait au dessus de lui le ciel et les étoiles, et il pensait qu’ils dissimulaient la présence de Dieu. Tout cela le Seigneur l’a créé en sept jours. Et quand un juif veut aller en Amérique, il faut des années ! » (P. 105)
  • « Et celui qui connaît le malheur ne croit pas non plus aux miracles. » (P. 109)
  • « S’il n’était pas juif, qui sait, il serait peut-être déjà officier. » (P. 116)
  • « Mais ils parlaient longuement de la signification du mot «disparu» et comme s’il excluait complètement la possibilité de la mort, ils concluaient à chaque fois d’un commun accord que «disparu» ne pouvait signifier que «fait prisonnier», «déserteur» ou «blessé en captivité». » (P. 156)
  • « Dieu est cruel, et plus on lui obéit, plus il se montre sévère à notre égard. Il est plus puissant que les puissants, de l’ongle de son petit doigt il peut donner le coup de grâce, mais il ne le fait pas. Il n’y a que les faibles qu’il aime à anéantir. La faiblesse d’un être humain stimule sa force, et l’obéissance éveille sa colère. »(P. 174)
  • « C’était comme si sa malédiction voulait non seulement qu’il souffrit un malheur sans pareil, mais aussi qu’il portât le signe de la douleur comme une bannière. » (P. 180)

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