« Extermination des cloportes » – Philippe Ségur

extermination-des-cloportesTous deux travaillent dans l’Éducation nationale, il est prof de lettres modernes, elle est contractuelle en histoire-géo et a besoin d’écrire sa thèse sous un an. Il souhaite écrire « LE » roman, celui qui lui permettra de devenir célèbre, d’être mondialement connu, reconnu de tous et bien sûr nobélisé. Rien de moins. 
Ils ont une passion commune, la série Soprano dont ils ont acheté tous les DVD…Leurs soirées sont très occupées : ils visionnent trois épisodes par jour! Chaque fois que l’idée d’écrire la thèse ou le roman, arrive, une petite voix plus impérieuse leur dit de regarder Soprano et de repousser à demain leurs travaux d’écriture.

Betty son épouse, un peu « nunuche » le porte aux nues et loue son intelligence. Lui aussi, est si fier de son intelligence, de sa vivacité d’esprit, de ses idées et réparties: un égo sur-dimensionné.!
Ils habitent dans un immeuble, et sont victimes d’un voisin qui fait voter des travaux, leur impose des aménagements : le casse-pieds qu’on a tous connu.
En fait ce sont deux naïfs, deux idiots.
Il a quelques troubles de la vision dus à une maladie, qu’il décrit comme l’arrivée d’un cloporte qui a fait des petits dans son œil.! Cloporte dont il faut se débarrasser ! 
Chacun des chapitres nous offre une nouvelle « aventure » de ce petit couple auquel on n’arrive pas à s’attacher. Elle met, jour après jour, son idiot et macho de mari sur un piédestal, et il est si fier des louanges de sa « bimbo » Betty.
Chaque situation nouvelle, travaux dans la copropriété, réparation de leur salle de bain par un plombier stripteaseur, achat d’une maison, vente de leur appartement,  tentative d’écriture de leur thèse ou roman… en « rajoute une couche » et les confronte à des personnages un peu caricaturaux de la vie : plombiers magouilleurs, agents immobiliers hâbleurs et baratineurs, voisins casse-pieds, que l’auteur brocarde. Mais s’il y a des professionnels un peu caricaturaux, c’est aussi parce qu’il y a des clients un peu naïfs, ne réfléchissant pas, impulsifs dans leurs décisions, des gogos auxquels on peut tout faire avaler.
Notre monde moderne se présente souvent ainsi.
Au début on sourit, puis j’avoue que j’ai été dérouté par la bêtise de ce couple et l’accumulation des déboires qui rendent leur situation assez peu crédible.  Ils sont dans le trou et creusent encore et encore sans jamais toucher le fond, et rament de galère en galère. 
Ce roman, cette farce proposée par les Éditions Buchet/Castel et Babelio, et je les en remercie, m’a changé de mes habitudes de lecture. Le livre se lit vite, fera sourire et rire jaune…les situations ne sont pas inventées, ne sont pas nées de l’esprit farfelu d’un auteur, mais rappellent toutes des situations de la vie. Ce couple les accumule…
Heureusement, ce jeune couple ne parle pas de concevoir un bébé ! On ne peut imaginer à quoi ressemblerait le bébé d’un père bête, vaniteux … et d’une mère nunuche, sachant que de plus, qu’ils sont tous deux paresseux, procrastineurs et indécrottables, et j’en passe.

Surtout s’ils le bercent trop près du mur !


Qui est Philippe Ségur


Quelques extraits
  • « Je me suis réveillé avec un cloporte dans l’œil. Le droit. La gêne a été immédiate, dès que je l’ai ouvert. Je me suis redressé en sursaut sur le lit. Il devait être aux alentours de sept heures. Le décor de la chambre émergeait de la nuit. Tout était à sa place. Tout, à l’exception d’une forme ovoïde de quelques millimètres de diamètre qui galopait partout où je posais le regard. » (P.27)
  • « Nom de Dieu, je parlais comme ces types à la télévision, ces intellos qui savent tout et parlent de tout sans vergogne. Mais je ne savais pas, moi. Je ne savais pas que je pouvais faire pareil. Déjà je pensais au parti que je pourrais en tirer. J’allais écrire un essai fracassant, un livre qui révolutionnerait notre vision du monde. Au rythme où je pondais les idées, dans un mois il serait achevé, dans trois mois j’étais célèbre. J’allais devenir la coqueluche des médias. On allait m’inviter partout, me poser des questions à tout  propos. Il faudrait que je prenne un pied-à-terre à Paris, je serais sans cesse en transit, dans les avions, les taxis, les radios, je n’allais plus avoir une minute à moi. » (P. 66)
  • « Quand Betty était contrariée, et que je lui demandais si elle l’était, elle répondait toujours l’inverse de ce qu’elle pensait, comme pour me signifier mon incommensurable bêtise, puisque je n’avais pas été fichu de la comprendre par ses silences. » (P. 69)
  • « Un plombier qui vous annonce «vite et pas cher» dès le lien de référencement ne peut que vous inspirer confiance. « Tu vois, j’ai dit à Betty, c’est le bon côté de la Toile. Avant on appelait le plombier du coin, c’était le roi du monde. Il vous prenait pour un imbécile, venait quand il voulait, restait s’il le voulait et fixait son prix à la tête du client. Maintenant, la concurrence est si féroce qu’ils ne peuvent plus se le permettre. » (P. 101) 21
  • « Avec moi elle n’avait pas le temps de s’ennuyer. Toutes ces surprises, ces rebondissements. En même temps, cela m’inquiétait. La vie à mes côtés allait tellement vite. Il ne faillait pas qu’elle soit déboussolée. Pas toujours facile de partager mon quotidien. Pas toujours facile de suivre le rythme. Je ferai attention à calmer le jeu à l’avenir, à lui donner un peu de stabilité. Et d’abord des repères. quelques directives concrètes. » (P. 158)
  • « Des piles de livres s’entassaient autour de Betty sur la table de la cuisine. C’était le moment de la pause, la partie la plus intéressante et la plus enrichissante de son travail sur sa thèse, celle par laquelle elle commençait : Elle consultait des boutiques en ligne à la recherche de promos. » (P. 245)

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