« Johnny chien méchant » – Emmanuel Dongala

Johnny Chien Méchant« Johnny chien méchant »….fait partie de ces livres écrits pour bousculer notre tranquillité de lecteur, nous déranger…l’un de ces livres qu’on n’oublie pas, tant ils sont criants de vérité, tant ils sont porteurs d’indignation diverses. 
Tout oppose d’une part Lufua Liwa, Matiti Mabé qui prendra le nom de Johnny Chien Méchant comme nom de guerre, et d’autre part Laokolé, une jeune ado de seize ans, amoureuse de la vie…Ils sont les deux personnages principaux du roman. 
Laokolé fuit avec son frère Fofo. Avant de quitter la maison, elle a enterré une malle contenant tous les objets ayant même une petite valeur ou une valeur affective. Elle fuit sans trop savoir où et transporte, dans une brouette, sa mère gravement blessée aux jambes à la suite d’un précédent pillage au cours duquel son papa a été tué.

Ils ont tous deux le même âge, 16-17 ans, le premier veut tuer, piller, violer, participer activement à la guerre qui oppose les Mayi-Dogos aux Dogo-Mayis. Il doit contrôler un quartier et obéit à Pili-Pili, un gamin de son âge torturant les femmes en leur mettant du piment dans les yeux, un gamin devenu Général Giap par la grâce de la guerre : il est général car c’est le plus intelligent : il a tout de même fait le CM1 ! Non mais…
Laokolé, quant à elle est une ado travailleuse, ouverte d’esprit, uniquement préoccupée par sa mère et son frère, ne demandant qu’à vivre.
Dans cette guerre tribale tout est permis, viols, pillages, tueries…une guerre née d’une opposition de dirigeants politiques du pays. Ces milices incontrôlables luttent contre des ennemis qu’ils nomment « les tchétchènes ». On s’entretue pour un oui ou un non, pour une arme, une voiture, un mot de trop…et ces gamins-soldats ne craignent pas la mort : ils sont protégés des balles par des gris-gris qu’ils portent au cou ou aux bras, par des miroirs collés sur les tee-shirts, des miroirs qui renverront les balles. Ces milices se battent sans même trop savoir pourquoi et pour qui ils se battent. Chien Méchant ne recule devant aucune ignominie, aucun crime, aucun pillage..et même s’il sait à peine lire pillera les bibliothèques ! En les commettant il a l’impression d’exister, d’assouvir son besoin d’être un chef, d’être craint et respecté. D’être reconnu. D’être un homme.
Fuir, fuir vite et loin devient la préoccupation de chacun. Des soldats occidentaux, des casques bleus tentent de ramener l’ordre, de sauver d’abord leurs compatriotes. Et les victimes des combats tentent quant à eux de gagner les camps tenus par les organisations caritatives occidentales qui elles aussi sont aussi partie intégrante de l’Afrique. Emmanuel Dongala ne les épargne pas. 
Par une alternance des chapitres, les regards de Laokolé et de Johnny Chien Méchant nous font vivre cette guerre, ses horreurs, les crimes gratuits, les espoirs et pleurs pour l’un, la hargne et la violence pour l’autre. Ces deux ados sont, en fait, tous deux victimes de cette guerre. Ils sont victimes de plus forts qu’eux, vivant cachés, loin des balles et des violences, d’hommes ou d’organisations qui utilisent combattants et victimes, afin d’assouvir leurs ambitions. Le propre de toute guerre….les soldats font la guerre, les généraux et hommes politiques les gagnent.
Souvent très dérangeant du fait de cette violence, et de la peinture qu’Emmanuel Dongala fait de l’action et du comportement des Occidentaux.
Johnny chien méchant nous permet de revoir les images qu’année après année nous avons reçues du Kosovo, de Sarajevo, du Proche-Orient, de l’Afrique. Et nous en recevrons demain encore.
Un message universel et intemporel


Quelques lignes
  • « Tout innocent tué était une bavure ou un dommage collatéral. » (P. 87)
  • « J’avais donc choisi le plus puissant de tous mes T-shirts, celui qui avait une image de Tupac Shakur et que j’avais traité de façon spéciale : j’y avais collé et cousu des petits morceaux de miroirs non seulement pour aveugler l’adversaire par les rayons du soleil qu’ils renverraient dans leurs yeux mais aussi parce que les miroirs dévient la trajectoire des balles. » (P. 90-1)
  • « Un intellectuel est un homme très intelligent et qui a lu beaucoup de livres. Même quand il dort, son cerveau fonctionne et trouve des solutions à des problèmes qui n’existent pas encore. » (P. 110)
  • « Le monde entier ignore la tragédie qui se déroule ici. Une guerre civile atroce qui a fait près de dix mille morts, un demi-million de déplacés ou de réfugiés, une situation humanitaire catastrophique et pas un mot dans les médias américains ni européens. Évidemment, ce n’est pas le Kosovo ni la Bosnie? L’Afrique c’est loin n’est-ce pas ? Qui s’occupe de l’Afrique ? Le coltan, d’accord, le pétrole  le diamant, le bois, les gorilles, oui. Les hommes ne comptent pas. » (P. 168)
  • « …les expatriés commencent à s’affoler […]. Ils ne peuvent pas comprendre que la situation est difficile pour tout le monde, ils pensent avoir des privilèges spéciaux parce qu’ils sont blancs et occidentaux. Quelle arrogance ! Ils croient que le monde entier doit rouler pour eux. » (P. 178)
  • « Peut-être que la politique était comme une voiture sur une route, tout dépendait de la qualité du chauffeur. » (P. 250)

Une réflexion sur “« Johnny chien méchant » – Emmanuel Dongala

  1. Certainement, un livre nécessaire, Mais je ne peux me plonger dans un tel livre tant la souffrance détaillée m’est insupportable. En tout cas, merci pour cette présentation qui nous rappelle notre humanité si mise à mal en ce moment où on decouvre que l esclavage existe encore!

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