
Mark O’Dugain, est intimement persuadé que la mort de son père maquillée en suicide, et celui de sa mère étaient intimement liés au double assassinat, sous les balles de tireurs isolés (ou pas…), des deux frères John et Robert Kennedy… Mark mène son enquête sur ce suicide, fait exhumer le cercueil de ce père qui aurait, selon la thèse officielle, assassiné sa mère.
Son père, sous l’autorité de la CIA, travaillait sur les manipulations mentales, sous hypnose ou sous prise de LSD ou autres drogues.
Marc Dugain nous entraine dans un texte haletant, mêlant roman et histoire, vérités et hypothèses. Un roman complexe parfois que certains lâcheront sans doute, mais qui m’a enchanté. Le texte démonte les théories des deux tueurs isolés des deux frères Kennedy, des tueurs désignés, manipulés et peut-être drogués. S’ils ne l’ont pas été, les témoins l’étaient peut-être.
« Ils vont tuer Robert Kennedy » mêle et enchevêtre trois niveaux de lecture.
C’est d’abord le roman de la famille de Mark O’Dugain … Participation de son père à la Résistance, conditions du départ de la France et de l’arrivée aux États Unis, travaux de recherche du psychiatre, ses relations avec la CIA, mort de la mère, « suicide » paternel…
Puis d’autre part, c’est l’histoire de l’arrivée au pouvoir de J.F. Kennedy, le rôle de son père milliardaire sans aucun scrupule, mêlé à la pègre et à la Mafia, un père finançant avec cet argent sale, la campagne électorale de son fils. C’est donc une partie de la grande et de la petite histoire des États Unis. La personnalité de chacun est décortiquée, addiction au sexe de John, fragilité maniacodépressive de Robert qui se serait présenté à l’élection présidentielle en sachant qu’il allait mourir… John et Robert soudés comme les doigts de la main, s’appuyant l’un l’autre.
Et enfin c’est la présentation officielle du meurtre des deux frères, le contexte de ces deux assassinats et surtout l’analyse par Mark O’Dugain, sans doute un peu le clone de Marc Dugain, des contradictions et incohérences des rapports de police.
Les deux Dugain inséparables l’un de l’autre démontent les thèses officielles et tentent de démontrer que ces deux crimes ont été liés et que le sort de Robert était écrit, et connu de ce dernier, depuis la mort de son frère John à Dallas. Derrière ces meurtres, Marc Dugain, fasciné par le clan Kennedy, retrouve, après « La malédiction d’Edgar« , sa tête de turc, Edgar Hoover, patron de la CIA…La CIA commanditaire de toutes ces morts, manipulant les hommes afin d’écrire son histoire : l’Histoire officielle.
Il flingue à tout-va, Bush père et fils, Johnson, commanditaire de l’attentat, et ils ne sont pas les seuls à se retrouver dans sa ligne de mire.
Les plus jeunes lecteurs liront ce livre sans doute comme un roman…les plus anciens, qui ont connu ces hommes, qui ont connu cette actualité et vu ces images, peut-être pas à la télévision, car elle était encore assez rare, retrouveront avec plaisir ces souvenirs, avec plaisir et frissons…devant sans doute une part de vérité non négligeable dans la thèse soutenue par Marc Dugain…
Un avertissement, sans frais, dans les toutes dernières pages :
- « Je me demande si je ne préférais pas la guerre froide à cette alliance de mafieux blancs. Mais Trump devrait se méfier. Le complexe militaro-industriel l’a laissé déverser sa démagogie comme un tombereau de purin sur un champ de betteraves, mais s’il ne rentre pas dans le rang, ils sauront trouver un cinglé facilement manipulable pour lui reprocher d’avoir renié ses promesses, puis l’armer et lui faciliter l’accès au président le plus consternant de l’histoire américaine. » (P. 397)
Éditeur : Gallimard – 2017 – 399 pages
Qui est Marc Dugain
Quelques lignes
- « Une bonne cinquantaine de témoins oculaires ou autres, liés à l’assassinat de JFK, ont été retrouvés morts d’un arrêt cardiaque ou suicidés ou victimes de mystérieux accidents quelques jours avant leur interrogatoire par une autorité liée à une enquête. » (P. 242)
- « La lettre révélait clairement que mon père avait été sollicité pour cette partie du programme qui concernait l’hypnose. Hypnose collective, hypnose individuelle, pour la CIA, obsédée par le contrôle des individus et des masses, le sujet était effectivement d’importance. Mais je ne pouvais toutefois pas imaginer que mon père ait été tué pour avoir refusé de collaborer à ces recherches. » (P. 271)
- « La France a payé et paye encore cher de s’être longtemps privée d’un examen scrupuleux et honnête de son comportement sous l’Occupation, et de la même façon j’ai toujours pensé que les États-Unis ne retrouveraient leur lustre que le jour où la vérité sur l’exécution des Kennedy serait livrée au grand jour. Si tant est qu’on puisse encore le faire. La disparition progressive des protagonistes, la dissimulation d’archives décisives ne permettront au plus qu’une approximation de cette vérité, et le contexte politique dans lequel elle sera délivrée comptera beaucoup pour son authenticité. » (P. 315)
- « Accepter l’existence d’une conspiration pour tuer Robert Kennedy revient à s’interroger de nouveau sur le meurtre de son frère. Cinq ans après, il est désormais admis dans les milieux policiers que le rapport Warren est un tissu de mensonges et de manipulations. Les efforts pour maintenir le couvercle sur la cocotte en ébullition n’ont pas été minces, et ils le furent au prix de nombreuses vies, d’ailleurs les policiers le reconnaissent en privé. » (P. 352)