
Sitam, jeune homme fou de jazz et de littérature, jeune homme sans le sou, part avec la môme Capu dont il est amoureux. Dès la première page le narrateur écrit : « Je pense à la musique , à la littérature, je n’ai plus que ça dans l’estomac, J’agite une pensée de fortune. Ce sera de plus en plus difficile pour ceux qui voudront se mettre à écrire […] Même pas terminé le premier que je voudrais en entamer d’autres ». Cette première page m’a laissé à penser que l’auteur se présentait…
Nous allons les suivre, dans leur vieille 309 Peugeot, dans leur voyage vers Amsterdam. Ils fuient Paris, son insécurité, les attentats islamistes…Lesquels ? On ne le saura pas. Ils rencontreront Benji et la mère Flouchat, qui utilise Benji quand elle a envie, ce qui donnera lieu à des pages jubilatoires.
On apprendra plus tard que Sitam est atteint d’une maladie inflammatoire chronique fortement handicapante. L’alter-ego de Mathis.
Comme Sitam, Hector Mathis se noie dans le langage, fait danser les mots qui sont tantôt du jazz, tantôt du slam…Le livre ne vous fera rien découvrir, ne vous transportera pas vers des époques ou des pays méconnus…Rares sont les descriptions de faits ou de lieux . Non seules les émotions des personnages sont essentiellement mise en avant. Ce qui donne un texte inhabituel, rythmé et souvent musical, donnant l’impression d’avoir été écrit d’un trait, chaotique parfois, nouveau et séduisant. En partie, sans aucun doute, une présentation de l’auteur sous une forme romanesque, d’une vie dans la banlieue, aux côtés de ses potes. Une invitation à mieux le connaître, à apprécier l’amour des mots et de la littérature, qu’il partage avec Sitam. Un auteur, qui écrivit d’abord des textes de chansons…Un auteur dont on réentendra certainement parler. Je l’espère.
Belle découverte de cette rentrée littéraire. Un titre en lice pour le Prix du Style 2018.
Un grand merci à Babelio et à Masse Critique, qui m’ont offert cette découverte.
Editions Buchet-Chastel 2018 – 200 pages
Qui est Hector Mathis
Quelques lignes
- « Les sirènes se sont mises à s’égosiller. Le silence crevé, éventré comme une toile. Y avait des hurlements, perçants, déchirés dans les cordes. Avant même de sortir. Avant même d’être au monde. Des cris éclataient contre la pierre et le béton. Coups de feu, bagnoles à toute berzingue. On s’est d’abord demandé si ce n’était pas des gamins, puis on a du se rendre à la fenêtre. On n’y voyait rien, mais les coups de feu, ça, je les reconnais toujours, suffit d’en entendre un pour avoir l’oreille familière à tout jamais. Les rues sont étroites dans ces quartiers-là, intimidées par les façades qui n’en finissent pas. L’écho rebondit, résonne, avertit, se joue des distances, trompe l’instinct. Encore des coups de feu. Et des cris. La guerre. La saloperie de guerre en terrasse, en dégradés de rouge et en lambeaux de civils…Déchirures en accordéon. La grand fête foraine des horreurs en plein Paname. Partout la couleur des cauchemars. Pour remplacer la nuit.Odeur de mort….La guerre nouvelle génération. Pas quatorze du tout, ni trente-neuf, ni rien. Une nouvelle, qui ne ressemble pas, qui inaugure plutôt. » (P. 29)
- « Tous les malheurs commencent par des mots. » (P. 84)
- « Je raconte ce que je connais. Les aventures de square, les odyssées de cours d’école, puis la dégueulasse époque à laquelle il faut bien se rendre. Voilà le rapport à la littérature. » (P. 163)
« La littérature c’est un cimetière accueillant, qui abrite tous les amis que je n’ai pas eus et ceux qui m’ont quitté. » (P. 196)