« Traces de la grande guerre » – Jenny Waldman

Traces de la grande guerreMagnifique livre ! Une quarantaine d’auteurs et de dessinateurs de toutes nationalités, ont voulu, chacun à leur manière parler de cette première guerre mondiale, partir d’une petite ou grosse trace laissée dans un paysage, partir d’un objet ayant appartenu à un poilu, d’une confidence d’un ancien, d’un paysage tourmenté, etc.. pour imaginer l’histoire, la Grande Histoire. 18 histoires, 18 planches, chacune avec son style propre, ses couleurs, ou son noir et blanc, 18 histoires inégales en longueur et en intensité, mais  sans jamais aucune mièvrerie. 
Chacun appréciera plus ou moins, telle ou telle histoire, une histoire qui lui parlera, qui l’interpellera directement, car il reconnaîtra un lieu, se souviendra d’un fait rapporté par un grand père, entendu au cours d’un repas, sur les souvenirs d’un arrière grand-père inconnu. 

Imaginer aujourd’hui les derniers instants d’un soldat-mineur de fonds ayant eu pour mission de creuser des sapes sous les lignes allemandes, quand on se trouve face à ces cratères immenses des Eparges, Imaginer ce que furent les derniers instants de ce soldat dont ne possède que le bidon et de ceux de celui qui l’a tué…L’émotion est au rendez-vous, présente à chaque page, dans chaque histoire, dans chaque planche. Une émotion toujours sobre, à la fois dans les images et le texte. 
Ces 750 km de ligne de combats, depuis la Suisse, jusqu’à la mer du Nord, ont encore beaucoup d’histoires familiales à nous conter ou à nous laisser imaginer. Quelques pierres ici, des familles éclatées là, ces familles alsaciennes dans lesquelles l’un des enfants avait choisi de se battre pour la France,et l’autre pour l’Allemagne, ces hasards de fraternisation, ces bombes qui détruisirent des villages entiers.
Entre thèses officielles évoquées par les livres d’histoire et réalité il y eut des écarts. Mon grand-père qui eut 20 ans en 1916, me racontait : « Tu sais, on rencontrait parfois des allemands à la fontaine, quand on allait chercher de l’eau. On n’avait pas de fusil. On se regardait, mais les chefs nous disaient, quand ils étaient avec nous, de ne pas leur parler ». 
18 histoires dont certaines ayant pour thème ces gares TGV situées à l’emplacement de combats meurtriers  évoquent des écrivains qui connurent cette guerre. J’ai, pour ma part, particulièrement apprécié celle évoquant la mémoire de Julien Vocance dont j’ai découvert à la fois l’existence et les haïkaï sobres qu’il écrivit. Mais oh combien terribles !
Victoria Lomasko, l’une des auteurs écrira « Que peut chacun de nous, quels que soient nos dirigeants, pour préserver la paix ? Moi, par exemple, je dessine ces planches. » (P. 104)…
La force des crayons et des stylos
Bref en cette période de fête, si vous avez dans votre famille, un papi comme moi qui a directement connu un de ces poilus qui fit son enfance, si vous avez un amateur d’histoire; n’hésitez pas à leur faire ce cadeau qui leur rappellera cet aïeul commun, cette histoire. Et quand il l’auront lu, et bien volez le leur ! 
En ce qui concerne, c’est inutile…Babelio et Masse critique m’ont offert un magnifique cadeau de Noël, le livre bien sûr, mais aussi m’ont permis de revivre ces instants passés avec mon grand-père
Merci à eux!
Éditions de la Gouttière- 2018 – 152 pages

Quelques mots sur Jenny Waldman


Quelques bulles ou textes

  • « Mais malgré mes lectures de Henri Barbusse, de Blaise Cendars, de Erich Maria Remarque, de Vocance; malgré les dessins de Gus Bofa, d’Otto Dix, et de tant d’autres, ce qu’ils ont vécu reste, pour moi, aussi impénétrable que la mort elle-même » (P. 24)
  • « Ça n’existe pas les héros, il n’y a que des amis disparus et des familles brisées. » (P. 38)
  • « La mine qui explosa le 14 mai 1916 à 16h30 fut la plus grosse charge posée à Vauquois. Estimée à 60 tonnes de Westfalit, elle fit 108 victimes, bouleversant tout le coté ouest du site…la secousse fut ressentie jusqu’à 20km à la ronde. Les oiseaux n’y chantaient plus depuis longtemps. » (P. 48)
  • « Quelques dizaines de milliers de vies pour quelques dizaines de mètres carrés. Si tous ces morts se relevaient, ils n’y tiendraient pas debout. » (P. 54) 
  • « Était-ce un accident ? Était-ce intentionnel ? Tout ce que je sais, c’est que mon grand-père a pris cette flasque. Il l’a gardé comme un trophée. Mon grand-père a-t-il été capable de tirer sur un homme de dos ?…..cet homme qui me racontait des histoires, qui a nourri mon imaginaire. les histoires de tous ces héros, leurs exploits, leurs aventures » (P. 89)

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