« Poste restante – Alger » – Boualem Sansal

poste restanteOn ne présente plus Sansal, cet auteur engagé, qui, à plusieurs reprises a été menacé et insulté par certains de ses compatriotes. 
Le pouvoir politique algérien ne l’aime pas, du fait sans doute de ses succès littéraires, de sa liberté de parole que ces derniers lui permettent.  D’autres auraient choisi de se taire ou d’émigrer. Lui au contraire parle. 
Et dans chacun de ses livres, il a le don de frapper là où ça fait mal, le don de nous faire réfléchir, de nos émouvoir. « Mes précédents livres m’ont disqualifié aux yeux de certains. » dit-il. 
Le titre « Poste restante », véritable lettre ouverte à ses compatriotes, est resté censuré dans son pays. Ce pamphlet, attaque frontalement le FLN, parti qui dirige l’Algérie depuis l’Indépendance, parti incapable de placer l’Algérie sur la voie du développement, malgré les immenses ressources pétrolières dont elle dispose. 

Sansal montre les incohérences de ce régime. Il évoque « l’identité, la langue, la religion, la révolution, l’Histoire, l’infaillibilité du raïs »…mais aussi les mensonges du pouvoir, les islamistes, l’armée, l’amnistie de 2005… 
Il aime ses compatriotes qui peuvent difficilement s’exprimer. Sa position, lui permet de parler. En donnant ce coup de pied dans cette fourmilière, en provoquant ce débat, il aimerait faire changer les choses. 
Personne ne peut lui reprocher un manque d’amour pour l’Algérie, pour ses hommes et femmes. Bien au contraire. Il vit en Algérie, alors que ses succès littéraires lui permettraient de s’expatrier. Cet ouvrage ne vise que « …nos grands dirigeants, perchés au-dessus de nos têtes, cet insupportable mépris au coin des lèvres qui est leur marque de fabrique, souriant à la ronde à la manière de ces vieux crocodiles qui tournent inlassablement autour du marigot, la gueule ouverte, l’œil inhumain, la queue prête à fouetter. ». 
Bref, des hommes et un parti qui ont été incapables d’apporter depuis plus de soixante ans le bonheur et le développement à ce grand pays et à ses habitants. 
« …je vous appelle au débat libérateur…nous avons à œuvrer, il n’y a rien de plus urgent pour le moment. » 
Ce cri de colère a plus de dix ans. Il était dans la pile des livres trouvés dans les boites à livres, achetés dans des vide-greniers, à lire…Cette pile qui croit et ne diminue pas. 
Les événements récents l’ont propulsé au sommet de cette pile. Rien n’avait véritablement changé depuis sa parution.
L’actualité nous permet d’espérer que les choses vont peut-être changer…
Il faut y croire.
Éditions Folio – 2016 – Parution initiale 2008 – 87 pages

Présentation de Boualem Sansal


Quelques lignes
  • « Ils me refusent comme Algérien et comme musulman, ce que je tiens de mes parents et non d’eux, ils clament que la nostalgie du joug colonial m’habite et que j’œuvre à la destruction des valeurs nationales. Je l’ai constaté, ils ont un discours très élaboré, discursif, lyrique, emphatique, vibrant, ironique, imagé, tonnant, menaçant, insultant, mais aussi conciliant, amical, fraternel, tendre même avec des accès bizarres de mélancolie et un sectarisme teinté d’amertume comme si un incompréhensible maléfice les avait dépouillés d’un immense et terrible pouvoir sur les êtres et les choses. Il a fallu des décennies et des trésors d’ingéniosité pour formater des esprits pareils. Si j’ai compris, leur idée est qu’un véritable Algérien ne dit jamais ce qu’il pense de son pays devant des étrangers, qui plus est des Français. Il faut donner le change, à ceux-là, qu’ils n’aillent pas imaginer que nous sommes plus malheureux que nous l’étions sous leur botte. » (P. 32)
  • « Affirmer aussi solennellement, et de manière si bruyante, que le peuple algérien est musulman revient à dire : Qui n’est pas musulman n’est pas des nôtres. Or, on ne peut oublier cette fatalité : tout croyant trouvera sur sa route plus croyant que lui. » (P. 50)
  • « La toute première priorité du premier régime démocratique qui s’installera un jour en Algérie sera de débarrasser l’État de ses complexes de colonisé colonisateur et de mettre notre patrimoine linguistique à la portée de tous. » (P. 61)

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