« Canada » – Richard Ford

CanadaLa vie presque banale d’un gamin de 15 ans, une vie bouleversée par le hold-up minable commis par ses parents. Un père ancien aviateur, mis à la porte de l’armée pour des magouilles, incapable de s’adapter à cette nouvelle vie, n’arrivant pas à trouver un travail, à joindre les deux bouts, obligé de se lancer dans des boulots pour lesquels il n’est pas fait, qu’il abandonne pour de nouvelles magouilles, en mentant  à sa famille, mensonges qui lui font croire à ses projets. Une mère juive, mariée trop tôt, parce qu’enceinte du jeune Dell, le narrateur et de sa sœur jumelle. Un couple qui ne se comprend pas, ne se parle pas, un père un peu fantasque, une mère « hostile au monde », souffrant d’un complexe de supériorité.

A la suite du hold-up les vies de ces ados, dont les parents sont emprisonnés, seront perturbées. Livrés à eux-mêmes, ils vont quitter le Montana, et leur ville de Great Falls  baignée par le Mississipi et partir chacun de leur côté, alors qu’ils étaient complémentaires et fusionnels : « Nous fonctionnions comme les deux moitiés d’un tout, parce que nous étions jumeaux. Ce tout n’était ni mâle ni femelle, mais un être intermédiaire qui incluait les deux ».
Le jeune Dell, le narrateur sera placé par une amie de sa mère au Canada dans l’Etat du Saskatchewan, voisin du Montana.
Vie banale d’une famille modeste aux USA, découverte et  vie d’un gamin dans le Canada sans relief des grandes plaines céréalières. Ce n’est pas le Canada des grands espaces vierges et des animaux sauvages, que je m’attendais inconsciemment à trouver, mais celui des espaces céréaliers, monotones, sans fin, celui de petites villes abandonnées, de la chasse aux oies une fois l’an.
Un Canada fait de personnages inquiétants pour un jeune ado : un peu truand,  « fourbe, chaotique, sans scrupules ni vergogne » pour l’un, peut être pédophile ou homosexuel pour l’autre.
Pas très « folichon » comme milieu. Ce gamin qui aurait pu mal tourner, va vivre ces quelques mois dans cet environnement avant d’aller à Vancouver pour reprendre sa scolarité, et de devenir professeur.
Richard Ford a le talent de nous intéresser à cette vie, dès le premier paragraphe du livre, il nous dit, en une dizaine de lignes, ce que nous allons trouver dans ce livre, et régulièrement nous donne des indices quant à la suite. Chaque situation, chaque paysage, les états d’âme, les pensées du narrateur sont décrites avec minutie, parfois on se demande si ce n’est pas trop précis.
Mais réflexion faite, cette précision dans les descriptions des paysages aussi bien des Etats Unis que du Canada, des situations et des caractères ne nuit pas. Bien que ce soit un pavé, bien que l’action soit réduite, on ne s’ennuie pas, sauf quelques longueurs.
Cette précision est nécessaire, car elle nous aide finalement à comprendre comment un ado, volontaire, confronté à un environnement souvent peu moral, arrivera malgré tout à devenir un canadien moyen, un Homme. 
Il ne se laisse pas porter par la facilité mais au contraire s’interroge et nous interroge face à chaque situation, à chaque rencontre :
« Mais enfin, pourquoi nous laissons-nous séduire par des gens que nous sommes bien les seuls à croire honorables et intègres quand autrui les voit comme dangereux et imprévisibles? »
« Dans ce monde, il y a deux sortes de gens….. ceux qui comprennent qu’on ne sait jamais,  et puis ceux qui pensent qu’on sait toujours »
Première rencontre avec Richard Ford….il y en aura d’autres 
Editions de l`Olivier – 2013

Présentation de Richard Ford


Quelques lignes

  • « Dans ce monde, il y a deux sortes de gens….. ceux qui comprennent qu’on ne sait jamais,  et puis ceux qui pensent qu’on sait toujours » (P. 246)
  • « La solitude, c’est comme se trouver dans une longue file d’attente, dans le but de parvenir à la première place, celle où l’on vous a dit qu’il vous arriverait quelque chose de bien. sauf que cette file n’avance pas et que de nouveaux venus ne cessent de vous passer devant, de sorte que la première place s’éloigne de plus en plus, au point qu’on cesse de croire qu’elle ait quelque chose à offrir » (P. 274)
  • « Je visitais un musée de la défaite, d’une civilisation balayée de la carte pour prospérer ailleurs ou peut être nulle part . Il n’y avait que huit rues en ruine dans le sens nord-ouest et six dans le sens est-ouest. et en tout est pour tout, dix huit maisons vides et sinistrées, leurs carreaux cassés, leurs portes arrachées, leurs rideaux battant au vent, chacune avec son numéro, les rues avec leurs panneaux, même si peu de noms demeuraient lisibles  » (P. 287)
  • « Le désespoir pousse les gens à faire des folies quand leurs certitudes s’estompent » (P. 358)
  • « Il avait besoin que je sois son « fils privilégié », ne serait-ce qu’un moment, puisqu’il savait quels ennuis le guettaient. Il avait besoin que je fasse pour lui ce que les fils font pour leur père : leur porter témoignage qu’ils ont de la substance, qu’ils ne sont pas seulement une absence qui sonne creux, qu’ils comptent pour quelque chose quand bien peu de choses comptent » (P. 363)
  • « Mais enfin, pourquoi nous laissons-nous séduire par des gens que nous sommes bien les seuls à croire honorables et intègres quand autrui les voit comme dangereux et imprévisibles? J’ai eu tout le temps d’y réfléchir depuis  » (P. 364)
  •  » Le lendemain, vendredi 14 octobre, demeurera à jamais le jour le plus extraordinaire de ma vie à mes yeux, à cause de son dénouement » (P. 410)
  •  » C’est toujours les plus courageux qui prennent des balles dans la tête » (P. 410)

Une réflexion sur “« Canada » – Richard Ford

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