« L’Humanité en Péril » – Fred Vargas

Sans aucun doute le polar le plus stressant de Fred Vargas et l’un de ses meilleurs livres !

Oui vous avez en main le polar à plusieurs milliards de morts , oh, pas tout de suite, mais bientôt certainement…Si, si, si….Des Si qui s’ajoutent les uns aux autres

Le pire polar également, parce que dès les premières pages elle nous dévoile les noms des victimes, « Nous les gens ! », nos enfants, nos petits enfants, nous aussi peut-être, et l’identité des assassins, des meurtriers, « Eux »….

Un polar inquiétant, mais un polar dont nous détenons l’issue..un polar qui pourrait devenir une belle histoire si « Nous les gens » agissons, si nous nous mobilisons contre « Eux », contre « le Crime le plus gigantesque qu’on ait pu concevoir »

« Eux » ce sont des assassins qui marchent la main dans la main, nos gouvernants d’abord, et les multinationales, le monde de l’Argent. L’Argent Dieu!

Coup d’essai de Fred Vargas ? Non, un de ses textes a été lus par Charlotte Gainsbourq en ouverture de la COP 24 en décembre 2018… Sans suite malheureusement. « Un échec catastrophique » aux yeux de Fred Vargas. 

Nos dirigeants se sont sans doute donnés bonne conscience en l’écoutant, on les imagine les yeux rivés sur leurs smartphones…et en ne changeant rien, en n’informant pas les populations. 

Elle n’est pas tendre avec eux « N’oublions pas que les gouvernants marchent main dans la main et doigts entremêlés avec les multinationales – paralysés par elles ? – et les plus puissants lobbies du monde, lobbies de l’agroalimentaire, lobbies des transports, lobbies de l’agrochimie, lobbies du textile et j’en passe, vous ne les connaissez que trop. Qui s’arc-boutent contre toute atteinte à leur immense pouvoir, c’est-à-dire, et c’est le mot-clef de la catastrophe, contre toute atteinte à l’Argent, au toujours plus d’Argent. Le leur, pas le nôtre. Et pour que l’argent continue à entrer à flots, à accroître encore et encore leurs milliards de milliards quasi exemptés d’impôts ou bien nichés à l’abri dans les planques fiscales, il faut de la Croissance, et c’est le deuxième terme clef. Pour que cette croissance persiste et augmente, il faut donc que les gens achètent, consomment, tout et n’importe comment, mais toujours plus. »

« Délires d’une auteure de polars, seulement apte à écrire des polars mettant en scène son commissaire Adamsberg, délires d’une femme incompétente »…diront certains.

Je suis presque sûr que nos dirigeants cravatés n’en ont rien à faire, et doivent juger de haut ce petit bout de bonne femme… mais son travail alarmant s’appuie sur plus de 500 pages de documentation et sur plus de 400 références, disponibles sur internet, de travaux ou parutions scientifiques, des références que chacun de nous peut consulter, à sa guise, mentionnées en annexe au livre.

Nous sommes donc bien loin des élucubrations d’une auteure. Fred Vargas passe en revue, chiffres à l’appui toutes les menaces que nous faisons peser sur nos petits enfants, sur notre environnement, sur notre bonne vieille Terre..et nous rappelle, si besoin était, que nos ressources sont limitées, que nos ressources connues dans toutes les matières premières seront épuisées dans quelques dizaines d’années…y compris notre ressources dans cet uranium roi. Nous ne le verrons pas, nos petits enfants, quant à eux eux, devront affronter ces pénuries de toute nature.  

Les menaces sont nombreuses, depuis la consommation de viandes, en passant par la pollution de nos océans, les 600 pesticides, les plastiques mais aussi les vêtements synthétiques qui libèrent des fibres microscopiques lors du lavage (microparticules), l’acidification et la montée des températures et du niveau des océans, la fonte du pergélisol ou permafrost..Et j’en passe!

Un réchauffement climatique qui « fait froid dans le dos » comme le dit avec humour Fred Vargas ! 

Alors, oui, il faut engager immédiatement cette Troisième révolution…celle qui permettra de sauver la terre et de nous sauver !

Fred Vargas incompétente diront d’autres ! Ce serait oublier qu’elle  a été chercheuse pendant 15 ans au CNRS et qu’elle est docteur en archéozoologie. Ce n’est pas rien ! Ces compétences lui permettent de vulgariser, à notre intention, les nombreux termes techniques qu’elle cite.

Ouvrage inquiétant, sans aucun doute, heureusement qu’elle manie souvent l’ironie pour nous laisser respirer, mais elle a indubitablement travaillé avec l’idée de mettre simplement et pédagogiquement toutes les informations disponibles à portée de ses lecteurs. 

Quelle en soit remerciée !

Je n’ai pu m’empêcher de faire le lien avec le livre lu récemment « Effondrement » de Jared Diamond….Un livre dont elle fait mention : « Il faut signaler pour la France que le Premier ministre Édouard Philippe a souvent parlé en public en 2017 (devant l’Assemblée nationale), et plusieurs fois en 2018 (le 28 juin à Châlons-en-Champagne, le 4 juillet au Muséum national d’Histoire naturelle), d’un de ses livres de prédilection, et qui n’est pas des moindres, Effondrement, de Jared Diamond, posant la question de la transformation du monde. »

« Ah bon !  mais avec quelle effet sur sa politique ? » dirais-je

Un effondrement de notre monde, de notre société mondiale de consommation que certains prévoient pour 2030-2050… c’est la collapsologie, un courant de pensée de plus en plus partagé, annonçant un effondrement planétaire et systémique imminent.

Délires? je n’en suis plus du tout certain après cette lecture.

Le choix est simple :  « Virons de bord, toute ! » …comme nous y invite le sous titre de l’ouvrage ou laissons nos têtes pensantes argumenter « Argent-Croissance! » en nous laissant appliquer, en ce qui nous concerne, le mode de conduite « Jusque là tout va bien, continuons, ne changeons rien ! »

« Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité »

Merci, un grand merci, et un grand Bravo Madame Vargas! Puisse cet « insignifiant petit livre », comme vous le qualifiez, être lu par le plus grand nombre !

Éditions Flammarion – 2019 – 223 pages


Présentation de Fred Vargas


Quelques lignes

  • « J’ai également tapé « ministère / urgence / transition écologique / dangers environnement / etc. Résultat nul. Nous voilà fixés. Je n’avais pas tort en vous parlant de « désinformation », dont je ne sais, je l’ai dit, si elle est voulue ou assujettie à un mode de fonctionnement qu’on ne sait comment freiner. Je dois dire que je suis sortie assez atterrée de ces sites officiels, et stupéfaite par l’usage de la concision et du flou qui y est déployé. » (P. 19)
  • « Ne croyez pas que j’en savais plus que vous. J’ai cherché, bossé, et au bout du compte est arrivé ce qui devait arriver : j’ai su. Et ce que j’ai su, il me faut vous le dire, car c’est ensemble que nous pourrons affaiblir le choc – déjà bien en route – qui s’apprête à frapper notre Terre et son monde vivant. » (P. 21)
  • « Voilà ce que nous sommes arrivés à faire, nous, les hommes. À nous précipiter dans l’abîme, tout seuls comme des grands. Nous, les yeux fermés, l’esprit abruti et désinformé, Eux, les yeux ouverts, mais pathologiquement impuissants, otages de l’Argent et de la Croissance et advienne que pourra. » (P. 37)
  • « Ajoutons aux méfaits que nous avons déjà commis sur la Terre, entraînant la pollution de l’air et le réchauffement, la désertification, le manque d’eau, la fonte des glaces de l’Arctique, de l’Antarctique et des glaciers, la fonte du permafrost, l’élévation du niveau des mers, les monstrueux impacts de l’élevage et de la culture des sols destinée à nourrir les bêtes (cela m’a sidérée et vous serez à votre tour sidérés), la déforestation (et singulièrement celle des indispensables grandes forêts primaires de l’Amazonie, de l’Indonésie et de la République démocratique du Congo), la perte des puits naturels de carbone, les pluies acides, la salinisation des sols, leur appauvrissement, la pollution des eaux – de source, de nappes et de mer –, la pollution des sols, les pesticides, herbicides et antifongiques, la toxicité des fruits, légumes et céréales due à ces pesticides, la toxicité des poissons chargés de métaux lourds (plomb, mercure, arsenic, strontium), l’envahissement des mers par les résidus de plastique, occasionnant la mort des poissons et des oiseaux mais infiltrant aussi nos organismes, l’épuisement du phosphore vital et de quantité d’autres matières, et j’en passe sûrement. » (P. 48)
  • « Industrie sans conscience n’est que ruine de l’âme. » (P. 107)
  • « La production d’un seul morceau de sucre blanc requiert dix litres d’eau. » (P. 123)
  • « ….cet insignifiant petit livre sera bien incapable d’entraîner des centaines et des centaines de millions de personnes issues des pays les plus dévoreurs de viande à réduire leur consommation ! Or c’est pourtant bien ce qu’il faudrait pour atteindre nos objectifs, vitaux. Seule la circulation des informations sur les réseaux du Net peut nous donner l’espoir d’y parvenir. J’avoue, je l’ai déjà dit, que je compte sur vous pour m’y aider. Mais vous voyez que Nous avons vraiment entre les mains, si nous sommes assez nombreux, un levier magistral capable de faire plier l’actuelle industrie agroalimentaire. » (P. 216)
  • « …relevons nos manches et travaillons, agissons, restons vigilants et votons, et votons bien pour des responsables conscients, actifs, sincères. Et soyons des centaines de millions à le faire, vite, très vite, qui entraîneront d’autres centaines à la suite. C’est cela, la Troisième Révolution. Nous la réussirons. » (P. 223)

2 réflexions sur “« L’Humanité en Péril » – Fred Vargas

  1. Merci pour cette présentation et merci à cette auteure pour son engagement ! Je sais comment je peux agir mais j’avoue que devant l’aveuglement des puissants qui ne voient que l’intérêt à court terme je me préserve , car je ne pourrais rien faire de cette colère qui sommeille en moi et qui se réveille même à la lecture de ce post …alors devant la dérive du monde qui va à sa perte si rien n’est fait…je n’en parle même pas de la rage qui me dévore !😿

    • Je suis dans le même état d’âme, une rage folle accrue par cette lecture, une rage qui je l’espère pourra grandir associée à d’autres contre le jem’enfoutisme politique, l’hypocrisie…Heureusement j’ai mon jardin de 200 m² qui arrive à nous nourrir avec des produits bio…Mais j’ain* peur que ce soit trop tard

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