
« La lecture est l’aliment de l’esprit. » (Sénèque)
…et il est des livres indispensables, des livres qui nous apprennent notre monde, des livres conçus pour nous enrichir…..Des livres qui ont la capacité de remettre en question certaines idées toutes faites. Assurément « Guns, Germs, and Steel » (titre original) est l’un de ces ouvrages dont on sort sonné par tant d’érudition, plus riche d’informations, et surtout tout penaud de n’avoir jamais envisagé nombre de questions auxquelles l’auteur répond…
….pourquoi nombre de découvertes sont issues de l’Eurasie, pourquoi les Européens ont été les premiers à mettre le pied sur le continent américain alors que la Chine aurait pu le faire en débarquant sur la côte Ouest…comment notre monde s’est-il peuplé, comment et pourquoi les agriculteurs ont succédé aux chasseurs cueilleurs….d’où sont originaires les populations de certaines îles..? En quoi l’agriculture, l’acclimatation de semences sauvages furent-elle « LE » facteur de développement? …
Et j’en passe.
Au début nos plus anciens ancêtres passaient à pied sec d’une terre à l’autre …les océans était plus bas de 100 mètres…Ils chassaient, cueillaient des plantes, et se battaient pour des femmes…Puis les bandes sont devenues tribus puis chefferies puis bien plus tard des états, l’eau des océans est remontée…
Toutes les sociétés ne se sont pas, par la suite développées à la même vitesse, certaines découvertes, certaines semences ont mis de siècles, voire des millénaires pour s’acclimater partout, pour franchir des océans ou des déserts. Pourquoi certains de ces écarts ne sont pas encore comblés entre certains peuples et certaines sociétés?…Mais pourront-ils se combler ?
Jared Diamond expose ses hypothèses avec pédagogie, en s’appuyant sur des faits historiques, sur des découvertes archéologiques, sur l’histoire des inventions, celle de l’acier, celle des fusils, celle de la roue , qui est restée un jouet dans certains populations, alors qu’elle servait, dans les mêmes temps, à la construction de véhicules pour les autres… il évoque, en désordre, les langues, les alphabets, le rôle déterminant des virus, la domestication des animaux, les extinctions de masse des animaux originels des continents, les climats…..ce ne sont que quelques un des thèmes évoqués.
Certains points peuvent faire l’objet de débats…mais n’est-ce pas le but d’un tel ouvrage…nous amener à nous poser des questions, à considérer notre monde avec une plus grande ouverture d’esprit, avec une intelligence accrue.
Si vous envisagez de lire ce livre dans le bruit de transports en commun, bousculé par vos voisins, c’est inutile de l’entamer. De même si vous vous vous dites « Je le lirai en août prochain à Palavas sur la plage en surveillant les gosses ».
Non c’est un livre qu’on lit en faisant des aller-retours parfois, dans le calme, un livre impossible (à mon avis) à lire sans prendre des notes…Un essai documenté s’appuyant sur de nombreux tableaux….de nombreuses sources citées en annexe.
Un livre dense, à déguster d’une traite ou lentement, en alternance avec une autre lecture.
Un livre qui, pour la compréhension de notre monde, complète utilement « Effondrement », même si on retrouve certains points abordés dans celui-ci..Et comme ce dernier, ce livre nous alerte sur les dangers que nous faisons courir à notre monde du fait de notre mépris pour notre environnement…le Croissant fertile que vous connaîtrez mieux après cette lecture, est aujourd’hui un quasi désert du fait de sa déforestation ancienne.
Dans quelques semaines je vais poursuivre la découverte de cet auteur, poursuivre la connaissance de notre monde actuel en attaquant un autre de ses titres « Le troisième Chimpanzé »
« J’ai donc bon espoir que l’étude historique des sociétés humaines puisse se poursuivre aussi scientifiquement que l’étude des dinosaures – et pour le plus grand profit de notre société, en nous apprenant ce qui a façonné le monde moderne et ce qui pourrait donner forme à notre avenir. » (Dernière phrase du livre)
Éditions NRF-Essais – Traduction : Pierre-Emmanuel Dauzat – 2013 – Parution initiale en 2000 – 441 pages
Présentation de Jared Diamond
Quelques lignes
- « Plus il y a de calories disponibles, plus les hommes sont nombreux. » (P. 86)
- « ….la production alimentaire est apparue comme un sous-produit de décisions prises sans que les conséquences en soient connues. Dès lors, la question est de savoir pourquoi la production alimentaire est apparue, pourquoi elle s’est développée en certains endroits et pas en d’autres, pourquoi à des époques différentes suivant les endroits et non plus tôt ou plus tard. » (P. 106)
- « Les animaux domesticables se ressemblent tous ; les animaux non domesticables sont non domesticables chacun à leur façon. » (P. 163)
- « Au total, sur les 148 grands mammifères terrestres sauvages et herbivores candidats à la domestication, quatorze seulement ont réussi le test. Pourquoi l’échec des 134 autres ? À quelles conditions Francis Galton faisait-il allusion quand il affirmait que ces autres espèces semblaient « destinées à jamais à l’état sauvage » ? » (P. 175)
- « …les vainqueurs des guerres passées n’ont pas toujours été les armées pourvues des généraux et des armements les meilleurs, mais souvent, simplement, celles qui portaient les germes les plus vicieux. » (P. 205)
- « Il faut se rappeler ici que l’immense majorité des sociétés disposant de l’écriture l’ont acquise par emprunt auprès de populations voisines, ou du moins s’en sont inspirées, plutôt que de l’inventer indépendamment par leurs propres moyens. Les sociétés sans écriture que je viens d’indiquer sont celles qui ont adopté la production alimentaire plus tardivement que Sumer, le Mexique et la Chine. » (P. 242)
- « la croissance démographique mène à la complexité de la société, par des mécanismes que nous aborderons, tandis que la complexité sociétale conduit à son tour à une intensification de la production alimentaire et, ce faisant, à la croissance démographique.. » (P. 292)
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« …il existe aussi une méthode indépendante pour dater l’arrivée des plantes et des animaux domestiques : en comparant les mots qui les désignent dans les langues modernes. » (P. 406).