« L’Evangile selon Jésus-Christ  » – José Saramago

« Quand la promesse du Seigneur s’accomplira en moi, vous serez obligés de croire à ce qu’on dira alors de moi » (P. 321) …..

…Alors on nous a enseigné – parce que nous faisions ce que nos parents nous commandaient- ce catéchisme, cette histoire de Jésus, de ses apôtres…

Une partie de notre enfance s’est passée sur les bancs des curés, à écouter ce catéchisme, à aller à la messe…c’était écrit, il fallait le croire…je ne suis sans doute pas le seul à avoir subi cette contrainte imposée depuis bien des générations à tous les gamins. 

Oui, il fallait croire ces Évangiles sans s’interroger et sans discuter, subir ces rituels se répétant année après années, les Rameaux, le Vendredi-saint, Pâques, Pentecôte, Noël…la communion, la confession…

Puis comme d’autres sans doute je me suis affranchi de ces obligations, affranchi de ce catéchisme…sans pour autant m’affranchir de cette morale. Alors peut-être l’Enfer et ses flammes m’attendent pour l’éternité…je ne pourrai pas vous le raconter.

Au moins pour l’éternité, je pourrai y croiser certainement José Saramago, créature du diable, puisque communiste convaincu, écrivain qui s’est permis, oh sacrilège ! de réécrire l’histoire de Jésus…une histoire gravée dans le marbre de la Foi.

Saramago comme tant d’autres auteurs, grâce à leurs écrits nous permettent de nous interroger sans être aveuglés.

En décrivant ce quotidien de Jésus depuis sa naissance et ses interrogations humaines d’adulte, il donne également la parole à Joseph, presque oublié des Saintes Écritures, et nous le dépeint comme un homme hanté par sa culpabilité, une culpabilité jamais évoquée dans les Écritures…

Et pourtant, Joseph averti par l’Ange de la volonté d’Hérode de tuer les nouveaux nés, a fuit lâchement pour sauver son fils de l’égorgement et a laissé massacrer les autres gamins du même âge, sans jamais prévenir leurs mamans…un silence qui en rappelle d’autres bien plus graves de l’Église au cours des siècles.

Jésus, fils de Dieu descendu sur terre fait homme …c’est dit dans les Évangiles, c’est écrit par Saramago, qui nous explique cette conception, ce partage des semences humaine et divine, et qui donne à Jésus un coté encore plus humain…..Jésus qui vit, qui doute, Jésus amoureux de Marie Magdala, Jésus à la tête d’une fratrie de 9 gamins, Jésus et ses potes devenus ses apôtres…

Jésus assez différent de celui qu’on nous a imposé.

Cette histoire est, elle aussi, plausible…..c’est l’histoire de cette famille juive pauvre, vivant sous le joug des romains qui occupent cette terre, et fait régner l’ordre et le terreur en crucifiant pour un oui pour un non… 

Oui, pourquoi pas?

Gamin, je n’avais pas lu, et je ne suis pas le seul l’intégralité du Nouveau Testament et encore moins l’Ancien Testament…Non ! des curés ou des bonnes sœurs nous faisant le catéchisme, épreuve imposée par mes parents, nous le racontaient et enjolivaient cette histoire, faisant peur à nos cerveaux de gamins en nous parlant de l’Enfer où nous cuirions pour l’éternité si….

Si nous ne croyions pas, si nous ne respections pas ces Évangiles, si …si…

Oui, Saramago iconoclaste a dépoussiéré cette histoire, nous en donne une lecture bien plus humaine, bien moins surnaturelle, bien plus intelligente. 

En la réécrivant, il nous force à nous interroger quant à cette histoire fondatrice d’une religion, et quant à sa morale retranscrites toutes deux dans nos lois et nos vies. Cette histoire, comme toutes les histoires non écrites, s’est indubitablement déformée dans le temps. 

Notre perception en sera différente, selon notre vécu personnel, selon nos parcours de vie, nos origines, et le catéchisme religieux ou non dans lequel nous aurons été élevés.

« Je savais que tu avais l’art d’embobiner les âmes et de les égarer, mais je ne t’avais jamais entendu débiter un discours pareil….. » (P. 418)

Merci Monsieur Saramago, j’ai pris un grand plaisir à cette lecture…plus je vous lis, moins je suis perturbé par votre forme d’écriture. 

À bientôt…

Éditions du Seuil – Traduction par Geneviève Leibrich – 2000 – Parution initiale en 1991 – 473 pages


Lien vers la présentation de José Saramago


Quelques lignes

  • « Dieu, qui est partout, était là, mais étant ce qu’il est, un pur esprit, il ne pouvait pas voir la peau de l’un toucher la peau de l’autre, la chair de l’homme pénétrer la chair de la femme, toutes deux créées à cette fin, et probablement n’était-il déjà plus là quand la semence sacrée de Joseph se répandit dans l’intérieur sacré de Marie, sacrés tous deux car ils étaient la source et la coupe de la vie, en vérité il est des choses que Dieu lui-même ne comprend pas, bien qu’il les ait créées. » (P. 27)
  • « Le jour de la naissance et le jour de la mort de chaque homme sont scellés et sous la garde des anges depuis le commencement du monde, et c’est le Seigneur, lorsqu’il lui plaît, qui brise d’abord un sceau puis l’autre, souvent les deux en même temps, de sa main droite et de sa main gauche, et parfois il tarde tellement à briser le sceau de la mort que l’on a l’impression qu’il a oublié tel ou tel vivant. » (P. 60-1)
  • « Pourtant l’homme, qu’il soit juif ou non, s’habitue à la guerre bien plus facilement qu’il n’est capable de s’habituer à la paix, surtout s’il a trouvé un chef et s’il croit, non pas tellement en ce chef, mais en ce que croit ce chef. » (P. 148)
  • « La langue des hommes est double elle aussi, elle sert aussi bien à la vérité qu’au mensonge. » (P. 238)
  • « Jésus étant le héros évident de cet évangile qui n’a jamais eu le but irrévérencieux de contredire celui que d’autres ont écrit et qui donc ne se hasardera pas à dire que ce qui est arrivé n’est pas arrivé, mettant un Non à la place d’un Oui, Jésus étant ce héros et ses exploits étant connus, il nous serait très facile de nous approcher de lui et de lui annoncer l’avenir, les belles et merveilleuses choses dont sa vie sera faite, des miracles qui donneront à manger,…… » (P. 254)
  • « …l’homme est du bois dont on fait toutes les cuillers, depuis sa naissance jusqu’à sa mort il est toujours disposé à obéir, on l’envoie quelque part et il y va, on lui dit d’arrêter et il arrête, on lui ordonne de rebrousser chemin et il revient sur ses pas, l’homme, tant dans la paix que dans la guerre, pour parler en termes généraux, est la meilleure chose qui pouvait arriver aux dieux,…… » (P. 396)

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