« La Commode aux tiroirs de couleurs » – Olivia Ruiz

« Savoir d’où l’on vient, pour savoir où l’on va »

…..une petite phrase mentionnée par Olivia Ruiz dans l’un de ses cahiers de textes de gamine…

Elle ne s’en cache pas, et tire même à juste raison une certaine fierté de ses origines. 

Pendant toute son enfance elle a été fascinée par une commode aux tiroirs de couleurs, une commode interdite, dont elle ne put découvrir les secrets qu’au décès de Rita Monpean Carreras…. »l’Abuela » la grand-mère. 

Celle-ci lui laisse en héritage cette commode. Alors Olivia passera une nuit à ouvrir et fouiller ces dix tiroirs de couleur, ces « renferme-mémoire » de la grand-mère, une nuit pour découvrir ces petits objets du quotidien, ces médailles, ces lettres enfermées, une nuit pour découvrir le passé de ses grands parents arrivés d’Espagne, chassés par les franquistes, et venus se réfugier dans la quartier gitan de Narbonne….après être passés un temps par la camp d’Argelès.

Là on les regardait comme « des bêtes curieuses ».

Un passé dont on ne parlait pas ou peu en famille. Chaque «chapitre-tiroir» lui livre un souvenir, une anecdote, un personnage, une part de l’histoire des siens, de son passé, et lui permet de savoir tiroir après tiroir d’où elle vient, qui sont ceux qui l’ont construite.

C’est l’histoire de cette famille, l’histoire de ces réfugiés espagnols, s’installant en France à quelques kilomètres de la frontière qui nous est livrée, leur lente intégration dans les écoles françaises dont ils ne parlaient pas la langue, puis dans la communauté française. Ce ne fut pas facile tous les jours.Pendant longtemps ils ne furent que des «Espagnols de merde» dont ont disait «Ils sont sales, ils puent.» Ils furent parqués, rejetés. 

Depuis la France, Rafael est l’un de ces réfugiés poursuivant le combat contre le régime franquiste en fournissant des armes aux troupes républicaines. La jeune femme star des émissions musicales souvent légères, est fière de sa famille, de ses origines. Elle a écrit un livre profond et passionnant, par son écriture et sa composition d’une part, et d’autre part, car il permet d’en savoir un peu plus sur la vie de ces réfugiés, dans ce midi et cette ville de Narbonne où je vis.

Histoire d’une intégration réussie !

Roman autobiographique ? pas certain…

À l’occasion d’une interview au Parisien, elle aurait déclaré en souriant. « Tout est faux. Tout est vrai aussi, même si j’ai tout inventé. Rita, c’est à la fois toutes les femmes de ma vie, ma mère, mes grands-mères, mes tantes et forcément moi et toutes les femmes que j’aurais rêvé de connaître »

Un livre qui, malgré tout, ne peut que nous interroger sur d’autres intégrations de réfugiés beaucoup plus difficiles.

« La Commode aux tiroirs de couleurs », livre chargé d’émotions et de fierté familiale, nous oblige à estimer Olivia Ruiz, en oubliant les a priori négatifs que certains pourraient porter sur une chanteuse du top 50.

Elle ne les mérite nullement


Lien vers la présentation d’Olivia Ruiz


Quelques lignes

  • « L’énorme commode en chêne massif abrite dix tiroirs. Trois rangées de trois, pas parfaitement alignés, et un petit rose en dessous, seul. Ma fascination pour l’interdit n’a pas diminué avec les années, j’ai l’impression que je vais mettre ma main dans le feu. Je guette le dixième tiroir, le plus petit, celui qui n’a rien à faire là. Le plus mystérieux. » (P. 15)
  • « Je devrais parler de troupeau tant les autorités, françaises comme espagnoles, nous traitaient comme du bétail. » (P. 26)
  • « Pour sortir du camp, il fallait qu’un résident français confirme qu’il pouvait accueillir le ou les réfugiés concernés. Il s’y est engagé et nous avons pris un train pour Narbonne. » (P. 31)
  • « La plupart des enfants français avaient reçu comme ordre de leurs parents de ne pas nous approcher – les odeurs, les poux, la crasse, tout le toutim. Pourtant, je t’assure que nous avions une hygiène irréprochable et que nous n’avons jamais eu de poux. Les cheveux noirs comme de l’ébène et épais comme de la corde, les poux n’ont jamais aimé ça, c’est connu, ils ne s’y retrouvent pas. » (P. 38)
  • « Pour moi comme pour beaucoup d’immigrés, qui ne sont ni d’ici ni de là-bas, le voyage est une autre résidence, comme la langue est une maison. Le mouvement, chez moi, est un ancrage. Entendre et parler espagnol en revanche, c’est fredonner l’air de ma première berceuse. C’est redevenir l’enfant que j’ai été, c’est être au plus près de ce que je suis. Avant que la vie ne m’esquinte. » (P. 141)
     
     

Une réflexion sur “« La Commode aux tiroirs de couleurs » – Olivia Ruiz

  1. Un roman que j’ai trouvé aussi bien écrit et très agréable. Du coup, je vais regarder de plus près ses textes parce que même chanteuse à la mode, cette femme là a bien du talent en littérature 😉

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