« L’autre comme moi » – José Saramago

« N’oubliez pas que ce que nous appelons aujourd’hui réalité fut imagination hier, pensez à Jules Verne,….. »

Tertuliano Máximo Afonso vit seul et s’ennuie. Ce professeur d’histoire divorcé décide de chasser son ennui en louant, sur les recommandation d’un collègue, une cassette vidéo d’un film banal ayant eu une diffusion très, très confidentielle.

Des plans de  quelques secondes aperçus à cinq reprises l’intriguent…. une femme jeune et jolie s’adresse au réceptionniste d’un hôtel….celui-ci lui ressemble et porte une moustache : le film a 5 ans et  5 ans auparavant Tertuliano portait une moustache, une moustache identique à celle de l’acteur, ., Tous deux ont la même voix!

Mais pourquoi donc, son collègue lui a-t-il conseillé de voir ce film, cette , cette « merde », comme il dira ?

Il mène sa petite enquête auprès du loueur de vidéos puis auprès de la société de production et parvient à identifier son double , qui apparaît dans d’autres films, réalisé à d’autres dates…ses petits rôles changeaient au fil des dates, son physique également…. une évolution physique identique à celle de Tertuliano Máximo au fil des ans !

Son double !

On ne peut qu’être troublé. Aussi, il décide d’adresser un courrier à Daniel Santa-Clara, ce double qu’il est parvenu à identifier, sous le prétexte d’étudier  l’importance des acteurs secondaires  dans les films…et parvient à le rencontrer.

Ils vont même se rencontrer à plusieurs reprises, je ne vous en dis pas plus.

José Saramago joue avec le lecteur, le manipule, le désoriente, le perturbe.

Nous-même ne le serions nous pas, si nous croisions un jour, par hasard notre double, un vrai double, pas une simple ressemblance….non un double ayant la même voix, évoluant au fil du temps comme nous et pire encore né à la même date, seule l’heure change….mais alors qui est le clone de l’autre?

Lui ou moi?

On peut s’habituer à l’écriture de Saramago, à ces pages sans paragraphe, à ces conversations sans guillemet…mais on doit s’attendre à tout du fait de l’imagination de cet auteur…il surprend toujours et innove, pousse la logique jusqu’à l’absurde, joue avec les mots dans chaque livre, mais nous perd parfois avec des digressions, avec des longueurs.

N’est pas Prix Nobel qui veut..!

Son imagination va même se nicher dans les propositions de ce prof d’histoire au proviseur du lycée dans lequel il travaille, le perturber ainsi que le lecteur.

« Mon Dieu, mais c’est bien sûr! »…se dit-on. Oui, pourquoi n’arrive t-on jamais à finir les programmes scolaires d’histoire et à mieux comprendre notre monde contemporain?

« ….imaginez ce que serait la vie dans un lycée si tout le monde se parlait, on ne ferait plus rien d’autre et les études en pâtiraient. »

Éditions du Seuil  – Traduction par Geneviève Leibrich – 2005 – Parution initiale en 2002 – 282 pages


Lien vers la présentation de José Saramago


Quelques lignes

  • « Tertuliano Máximo Afonso se leva de sa chaise, s’agenouilla devant le téléviseur, le visage aussi près de l’écran que possible, C’est moi, s’écria-t-il, et de nouveau il sentit les poils de son corps se hérisser, ce qui se passait n’était pas vrai, ne pouvait pas être vrai, n’importe quelle personne équilibrée qui se fût trouvée là l’aurait rassuré, Mais quelle idée, mon cher Tertuliano, je vous en prie, regardez donc, il porte la moustache, alors que vous, vous avez le visage glabre. » (P. 23)
  • « À mon avis, sens commun et curiosité sont incompatibles, Grave erreur, soupira le sens commun, Prouve-le-moi, Qui a inventé la roue, à ton avis, On n’en sait rien, Bien sûr qu’on le sait, la roue a été inventée par le sens commun, seule une énorme quantité de sens commun aurait été capable de l’inventer. » (P. 54)
  • « Cela se comprend, monsieur le directeur, parler du passé est très facile, tout est écrit, il n’y a plus qu’à répéter, qu’à dégoiser, qu’à comparer ce que les élèves écrivent sur leurs copies ou débitent dans les épreuves orales avec ce qui est consigné dans les livres, tandis que parler d’un présent qui nous explose à la figure à chaque instant, en parler tous les jours de l’année tout en naviguant sur le fleuve de l’Histoire en le remontant jusqu’à son origine ou presque, nous efforcer de comprendre de mieux en mieux l’enchaînement des événements qui nous ont menés là où nous sommes aujourd’hui, ça c’est une autre paire de manches, ça donne énormément de travail, ça exige de la constance et de l’application, ……. » (P. 73)
  • « La sagesse populaire dit qu’on ne peut jamais tout avoir et elle ne se trompe pas, le bilan des vies humaines repose en permanence sur les gains et les pertes, le problème réside dans l’impossibilité, elle aussi humaine, de nous mettre d’accord sur les mérites relatifs de ce qu’il faut perdre et de ce qu’il faut gagner,…. » (P. 96)
  • « ……un esprit dominé par des sentiments vils peut obliger sa propre conscience à pactiser avec eux, la contraignant insidieusement à associer les pires actions aux meilleures raisons et à les justifier les unes par les autres en une manière de jeu croisé où gagnants et perdants seront toujours les mêmes. » (P. 226) 

2 réflexions sur “« L’autre comme moi » – José Saramago

  1. José Saramago est à mes yeux un écrivain ennuyeux, pas génial pour un sou.
    D’ailleurs, chez les lusophones, il est plutôt considéré comme un auteur mineur, en dépit de son prix Nobel.

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