
« …il y a des soirs où je serais content de pouvoir profiter de la compagnie des fantômes. » (P. 122)
Islande, pays fascinant…comment ne pas l’être malgré …ou sans doute du fait de son climat, de ses étés courts, de sa langue?
Dans ce village sans église ni cimetière, les personnes y vivent vieux, mais la population refuse, par superstition, de signer une pétition demandant un cimetière. Là 400 âmes y vivent.
À côté des vieux, il y a ceux, en âge de travailler. Ils ont le choix entre les abattoirs, la laiterie, la Coopérative et l’Atelier de tricot, tous autrefois très actifs.
Mais depuis, l’Atelier du Tricot a dû fermer et licencier son personnel.
« L’astronome », c’est ainsi que tous ont surnommé le directeur de l’Atelier, s’est soudain passionné pour le latin et l’astronomie…d’où son surnom. Il a même vendu ses voitures afin d’acquérir, en édition originale, « le Messager des étoiles « de Galileo Galilei.
Les distractions sont rares. L’ennui arrive vite.
Quelques chapitres pour nous conter ces histoires, ces hommes et femmes, ces jeunes garçons timides, cette femme fascinante, faisant rêver les hommes avec ses seins qui pointent sous la robe, mais aussi les ténèbres, la lune et les étoiles du ciel, les lumières des maisons des voisins qui éclairent la nuit, la télé, le sexe, les bouteilles de whisky…qui permettent tous, d’égayer la vie…
Jón Kalman Stefánsson plonge dans ces âmes, dans ces caractères, dans ce quotidien, dans ces familles qu’un petit rien change et surtout dans la description de cette vie islandaise, qu’il affectionne, dans la description, qui le hante, de ce monde qui lui aussi est en train d’évoluer malgré les apparences, un monde de plus en plus fragilisé par l’évolution de notre terre, par les dangers qu’elle court, ici aussi !
« Vous savez également que si nous continuons à vivre comme nous le faisons depuis des décennies, et là, nous parlons de l’humanité tout entière qui a certes effectué un grand bond en avant ; si nous ne transformons pas notre mode de vie et notre quotidien, nous courons à notre perte. Nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. Nous sommes à la fois le juge, le peloton d’exécution et le prisonnier attaché au poteau. Pourtant, nous vivons comme s’il n’y avait rien de plus naturel. En toute absurdité. Nous nous contentons simplement de réfléchir de temps à autre aux événements irrationnels, aux informations extravagantes, à l’absurdité des circonstances, à la déraison de la vie. » (P. 223)
Un bonheur de lecture!
Éditeur : Bernard Grasset – Traduction par Eric Boury – 2020 – Parution initiale en 2005 – 315 pages
Lien vers la présentation de Jón Kalman Stefánsson
Quelques lignes
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« Nous n’allons cependant pas évoquer l’ensemble des habitants, nous ne comptons pas aller de porte en porte, vous ne le supporteriez pas, mais nous vous parlerons du désir qui unit les jours aux nuits, du bonheur d’un chauffeur routier, de la robe en velours sombre d’Elísabet et de l’homme arrivé par l’autocar, de Þuríður, de sa haute stature et ses désirs inavoués, de l’homme incapable de compter les poissons et d’une femme au souffle timide – d’un paysan solitaire et d’une momie vieille de quatre mille ans. » (P. 10)
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« Lorsqu’on est inquiet, quand la solitude nous pèse ou qu’on a peur du noir, c’est une très bonne idée d’appeler l’horloge parlante, on entend une voix qui nous convainc que le temps est malgré tout à sa place, qu’il ne se laisse pas désarçonner si facilement et qu’on n’a donc aucune raison de désespérer. » (P. 119)
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« Il vendit sa terre, il vendit chaque brin de paille, il vendit chaque touffe d’herbe, il vendit la colline derrière la maison, il vendit toutes ses cachettes, tous les lieux secrets de son enfance et la vue sur le fjord immense parsemé d’îles et d’écueils, il vendit ses bêtes, ses machines et ses bâtiments, puis la famille s’en alla. Comment s’y prend-on pour faire ses adieux à une montagne, comment se défaire des touffes d’herbe, des brins de paille et des petits cailloux devant la maison ? » (P. 175-6)
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« ….des millions, et même des dizaines de millions de gens sont persuadés que les quinquagénaires américains blancs sont une bénédiction pour les nations de ce monde – des hommes conservateurs, bornés et belliqueux, aveugles à la fibre délicate qui constitue la vie, dangereux pour l’équilibre fragile de notre planète. Or, au lieu de les combattre, nous les encensons.. » (P. 222)