
« Je ne suis qu’un musicien mais j’ai commis le pire : écrire un hymne à la gloire des révolutionnaires. »
Don Domenico Cimarosa est un « artiste pestiféré« , un de ces artistes que l’on retrouve dans toute révolution, emprisonné on ne sait trop pourquoi, emprisonné pour des mots, pour des idées, comme de nombreux artistes le sont, ou l’ont été, dans chaque mouvement populaire de révolte.
Nous sommes le 21 janvier 1799 : dans la rue, on trinque à la Révolution parthénopéenne, la Révolution napolitaine.
21 janvier, jour de sinistre mémoire : ailleurs, en France, ce n’est pas dit dans le texte, les royalistes français pleurent depuis 6 ans la mort du roi, guillotiné ! Lui aussi s’attend à partir d’un jour à l’autre pour son exécution.
Il est devenu un être dangereux, dangereux pour des mots prononcés.
Belle occasion pour Elisabeth Motsch de nous transporter dans cette cellule, de nous faire partager la vie de cet artiste, la vie de ces napolitains vivant cette révolution et les angoisses de ceux qui redoutent le peloton d’exécution.
Les armées françaises sous l’autorité du général Championnet , ne sont pas étrangères à cette révolution. Mais à Paris, le Directoire a décrété que le général Championnet était un ennemi de la Révolution !
Une révolution chasse l’autre !
Les Anglais dirigés par Nelson sont également à Naples. Quand les Français sont quelque part, les Anglais ne sont jamais bien loin!
Don Domenico Cimarosa est un « prisonnier politique », « un privilégié » qui n’a pas « été exécuté tout de suite » mais il doit l’être : « Je ne suis qu’un musicien mais j’ai commis le pire : écrire un hymne à la gloire des révolutionnaires. »
Le directeur de la prison lui apporte une lettre lui disant que sa situation doit être revue car « les prisons sont trop pleines, un procès décidera de mon sort »
Alors Cimarosa revit sa vie, ses rencontres, ses voyages en Russie, nous fait partager cette révolution, dont je n’avais jamais entendu parler…et s’interroge quant à la politique des armées françaises qui occupent son pays.
Angoisses d’un homme qui sait qu’il va être exécuté! Et, pour passer le temps et oublier sa solitude, il écrit et compose. Il entend tous les jours, des crépitations d’armes dans les cours…Sinistres exécutions….
Dans sa cellule, il reçoit de temps à autre des visites, aujourd’hui c’est « Lady Emma Hamilton, la maîtresse de cet infâme Nelson ».
La situation est aussi trouble dehors qu’entre les quatre murs de sa cellule. Elisabeth Motsch lance le lecteur sur la piste d’un autre ouvrage, écrit par Alexandre Dumas comparant les deux révolutions, la Révolution française et cette révolution Napolitaine…ouvrage semble-t-il disparu.
J’ai découvert Elisabeth Motsch il y a trois ans avec un tout autre livre, « Le désarroi de l’enfant de cœur », gamin victime d’un prêtre pédophile.
Elle dirige également les éditions Le chant des Voyelles et évoquait avec « Le Voile de la Mariée« écrit par Kabira Beniz un autre désarroi, celui d’une jeune femme musulmane fuyant un mari violent et découvrant la France.
Désarrois et inquiétudes différents les uns des autres, qu’elle sait partager avec le lecteur….
Merci pour cette découverte.
Éditions Le Chant des Voyelles – 2021 – 160 pages
Lien vers la présentation d’Elisabeth Motsch
Quelques lignes
-
« Mais quand je pense à tout ce que j’ai composé, des dizaines d’opéras, de sonates, de symphonies, d’airs, de cantates, de compositions sacrées et c’est cette musiquette qu’ils ont retenue pour me condamner ! Je l’ai écrite avec joie, il est vrai. » ( P. 15)
-
« Les réformateurs et les révolutionnaires ne parlent pas la même langue que le peuple, répétait-elle, c’est une des raisons pour laquelle ils ne peuvent être d’accord. » (P. 24)
-
« Et quand on enseigne au peuple la morale révolutionnaire, il faut offrir en même temps quelques miches de pain. Cela passe mieux ! » (P. 50)
-
« Le général Championnet ne sera plus aux commandes de la République parthénopéenne parce qu’à Paris, le Directoire a décrété qu’il était un ennemi de la Révolution ! » (P. 85)
-
« La foule abjecte. Ivre de haine. Prête à suivre n’importe quel tribun qui gueule, n’importe quel religieux illuminé, n’importe quel fanatique. Oh, comme je la détestais cette foule imbécile ! » (P. 119-20)
-
« Je n’ai plus de temps à perdre avec des admiratrices enchantées, c’est d’un bon avocat, un royaliste roublard et bien vu à la Cour dont j’ai besoin. Voilà, je suis prêt à m’abaisser à nouveau devant les puissants. Mais je tiens à ma vie ! » (P. 133)
-
« La politique c’est comme la musique, ni trop vite ni trop lent ! Il s’agit de trouver toujours le bon tempo. Celui qui se contente d’attendre que les événements passent et ne sent pas ce tempo, celui-là est mort. » (P. 140)