« Le cri de la laine – Jean-Michel Cormary

« Quatre mois de grève sordide pour obtenir de patrons, richissimes comme toi, une misérable augmentation. Quatre mois d’insultes et de mépris. Quatre mois de violences. Quatre mois de haines, d’humiliations, de morts…« 

Mazamet dans le Tarn était la ville du délainage des peaux de moutons…..quand le mouton ou l’agneau partent à l’abattoir, leur propriétaire, ne gaspille pas son argent en lui faisant un coupe d’été…non!

Les abattoirs du monde entier stockaient les peaux et les usines de délainage de Mazamet les recevaient, elles préparaient les peaux pour le compte des tanneurs qui en feront ces cuirs si souples et doux, qui seront transformés en beaux gants, en sac à main souples.

On ne s’imagine pas combien est sale et puante cette première transformation des peaux, une opération de décomposition de la peau. Un été de stage étudiant dans une tannerie de ma ville natale me l’a confirmé, en partie seulement!

Les usines de Mazamet quant à elles, disposaient de l’eau pure venant de la Montagne Noire. Elles faisaient macérer ces peaux crottées dans des solutions chimiques, afin que les poils et tout ce qui était attaché à ces poils, à cette laine puissent être enlevés…sang, crottin…

Les ouvriers lavaient ces peaux et les raclaient à la main, ils pouvaient aussi contracter l’Antrax avec des peaux mal nettoyées.

Aujourd’hui Mazamet poursuit sa reconversion industrielle.

Le samedi 9 janvier 1909, les ouvriers de l’usine d’Albine dirent « Stop »! et se mirent en grève, suivi par les ouvriers des autres usines.

Toute la vallée était en grève!

Cette grève s’accompagnait d’une « intimidation musclée sur les ouvriers » , d’un « chantage sur les meneurs« ..

Michel Cormary a imaginé un roman ayant pour cadre ces usines de délainage, ces riches propriétaires, en mettant en scène une jeune femme, journaliste de l’Humanité également militante socialiste , mais aussi Jaurès, patron de l’Huma et son ennemi, Clémenceau…qui envoya l’armée…

Un roman qui décrit ces difficiles conditions de travail, les mentalités des hommes et femmes, de ces ouvriers, qui certes avaient arrêté leur travail, mais qui prirent le soin de sortir les peaux des bains acides dans lesquelles elles macéraient, de les sécher afin qu’elles ne pourrissent pas, ces ouvriers sans ressources, ces patrons aux belles maisons cossues sur les boulevards, sans oublier ces briseurs de grève payés par les patrons, rois des coups tordus.

C’était l’un des premiers mouvements sociaux. Un long mouvement du 9 janvier 1909 au 5 mai 1909, qui met en scène ouvriers et patrons, député et aussi un néozélandais…un des premiers All-Black …

Il importait le football-rugby à Mazamet et dans toute la vallée et faisait chavirer les cœurs…

Clémenceau, quant à lui avait positionné 2000 soldats dans la vallée!

Roman diront certains….alors je les invite à consulter ce blog, ces mots de Ernest Vidal, ces photos anciennes qui donnent une petite idée des conditions de travail de ces hommes et femmes…

http://ernestvidal.blogspot.com/2013/12/4-lusine-de-gauthard-de-lagarrigue-et-d.html

Dommage, on ne peut percevoir ni cette humidité froide des ateliers, ni cette odeur qui imprégnait la peau et les vêtements

Merci à Babelio et à Masse Critique pour cette lecture.

Éditeur : Un autre regard – 2021 – 220 pages


Lien vers la présentation de Jean-Michel Cormary


Quelques lignes

  • « Quatre mois de grève sordide pour obtenir de patrons, richissimes comme toi, une misérable augmentation. Quatre mois d’insultes et de mépris. Quatre mois de violences. Quatre mois de haines, d’humiliations, de morts… »(P. 12-13)
  • « Ici y’a les anticléricaux et les bons Chrétiens, c’est tout.? Y’a ceux de la Ville et ceux de la Montagne. C’est comme ça depuis toujours. » (P. 59)
  • « Les patrons ne cherchent pas à obtenir une responsabilité d’un syndicat qui n’a pas respecté ses promesses de préavis, mais bien la responsabilité de l’ouvrier qui, sûrement, regrette profondément les actes malheureux auxquels l’a entraîné ce même syndicat. » (P. 89)
  • « Les deux cultes tentaient de conjurer la catastrophe annoncée, Mazamet était devenue le berceau du diable, celui qui sépare, opposé au symbolon, celui réunit. » (P. 110)
  • « Il y avais dans les vallées plus de 2000 militaires, gendarmes, dragons et hussards, chacun armé d’armes à feu : il y aurait bien une bavure, qui amènerait nécessairement une répression. » (P. 185)

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