« La jungle » -Upton Sinclair

« Leur découragement ne fit que croître lorsqu’ils comprirent que le coût de la vie en Amérique était infiniment plus élevé qu’en Lituanie. Le monde entier les avait floués. Les deux derniers jours, ils s’étaient presque totalement privés de manger, tant ils étaient révoltés par le prix de la nourriture vendue dans le train. » (P. 44)

Et pourtant : « L’Amérique c’était la terre promise dont rêvaient les jeunes gens et les amoureux. Si l’on parvenait à rassembler l’argent de la traversée, adieu les soucis. » (P. 38)

Jurgis Rudkus a quitté avec son épouse sa Lituanie natale, en rassemblant toutes les économies de la famille….il était l’un de ces immigrants venus d’Europe Centrale, prêts à accepter tous les travaux possibles, même mes plus dégradants, pour vivre au sein de cet Eldorado, de ce miroir aux alouettes qui les faisait rêver.. Alors ils arrivèrent à Chicago, ce gigantesque centre d’abattage des animaux américains. Les chiffres donnent le tournis. Là-haut, au bord de ces Grands-Lacs, on compte par millions les boeufs, moutons et porcs qui sont saignés chaque année!

Une véritable chaine, dans laquelle chacun fait, depuis des ans, toujours le même geste, Effrayant. L’animal avance, poussé par les coups, vers celui qui le saignera, il ressortira découpé. Aucune attention ne lui a été portée. Accidents ou pas, accidents des animaux ou des hommes….qu’importe : La chaîne avance inexorablement,.

Certains ouvriers malchanceux, glissant dans le sang ou la merde et tombant dans une térmie de hachoir….Ils finirons eux aussi en bouillie-saucisse ! Tant pis pour eux ! Tant pis pour celui qui sera estropié à vie. Dehors,! Place à un autre!

Aucune chaussure de sécurité…aucun vêtement de travail ne leur est fourni. Alors ils pataugent dans leurs grolles déformées qui les ramèneront le soir dans leur bicoque mal chauffée.  

Et quand l’argent vient à manquer, plus un cent pour nourrir les enfants, les femmes pour bien peu d’argent donnent de leur personne pour quelques cents…

Jurgis est parvenu à se faire recruter, et gagnera les quelques dollars qui permettront de vivre un rêve : posséder sa propre maison. Oh! ce n’est pas le luxe, 

Alors la famille va s’endetter…et se faire arnaquer par ces requins qui rodent.

Dans cette usine terrifiante tout, dans l’animal est utilisé, tous les sous-produits sont valorisés, cornes, poils, sabots. peaux…. L’hygiène est un mot inconnu, les normes sanitaires actuelles également. Même les carcasses des animaux malades sont transformées en saucisses à grands renforts de mélanges, de mixtures qui les transformeront en saucisses pas chères, en plats cuisinés, achetées par les plus démunis……dont ces ouvriers.

Ne parlons pas de la considération accordée aux ouvriers…ni non plus des normes sanitaires, des concepts inconnus

Tout bénéficie à ces sphères de capitalistes, chiffrant tout en millions de $…alors il ne faut pas se priver de pratiquer des retenues sur salaires de quelques dollars. C’est autant de plus dans leurs poches ….;pour en gagner des millions!

Immense malaise face à ce témoignage mais surtout le bonheur d’un lecteur qui découvrit un « auteur […] promoteur du socialisme aux États-Unis. » comme présenté sur Internet

Malgré ses textes, malgré cette honte qu’il décrit, il ne réussira pas à bousculer cet état d’esprit.  Cette antinomie – socialisme VS États-Unis ne peut que troubler, mais ce titre m’a permis de découvrir un homme, un auteur engagé, une époque, des faits de société méconnus; en ce qui me concerne. 

Alors comment par hasard ai-je découvert cet auteur que ne connaissent que de rares bibliothèques? ….il fait partie du passé!

Toutes les infos de notre actualité n’avaient qu’un seul mot à la bouche ….qu’un seul sujet de trouille à nous proposer : « Le PETROLE ». Alors, j’ai cherché, quels étaient les titres de livres ayant déjà évoqué cette angoisse, mais d’autre titres que la série « Dallas, ton univers impitoyable »et ses textes pitoyables…et j’ai découvert cet auteur…deux de ses titres étaient disponibles sur le site d’ouvrages d’occasion.. « Pétrole » et « La Jungle »..J’ai été attiré et intrigué par les mots : « promoteur du socialisme aux États-Unis »

« Chouette un auteur méconnu  ! »

Et malgré quelques longueurs, le plaisir fut au rendez-vous…..j’ai souvent pensé à  Zola et je reparlerai de lui Sinclair et de « Pétrôle » qui est sur ma table de lecture

« …..dans une société régie par la compétition, l’argent est nécessairement une marque de supériorité, le luxe l’unique critère de la puissance. C’est pourquoi aujourd’hui nous vivons dans un monde où trente pour cent de la population sont occupés à produire des biens superflux tandis qu’un pour cent s’emploie à les détruire. […] Pensez aux fabricants qui conçoivent des attrapes-nigauds par diziaine de milliers pour nous soutirer de l’argent, aux marchands qui les exposent dans leur étalage, aux journaux et aux magazines qui en font la réclame à longueur de page! » (P. 514)

Actualité? Non un texte et des mots datant de 1905 !

Date 1ère parution : 1905 – Livre de poche – 520 pages


Lien vers la présentation d’Upton Sinclair


Quelques lignes

  • « L’Amérique c’était la terre promise dont rêvaient les jeunes gens et les amoureux. Si l’on parvenait à rassembler l’argent de la traversée, adieu les soucis. » (P. 38)
  • « Les abattoirs disposaient de deux cent cinquante miles de rails […] Chaque jour on y convoyait environ dix mille bovins, autant de cochons et cinq mille moutons, c’est à dire que tous les ans huit à dix millions d’animaux vivants étaient transformés ici en denrées comestibles. » (P. 53)
  • « Après avoir été retirée de la cuve par un appareil de levage, la carcasse transitait à travers une étonnante machine équipée de nombreux grattoirs qui s’adaptaient à la taille et à la forme de la bête. Quand celle-ci ressortait, à l’étage inférieur, elle était débarrassée de presque toutes ses soies. Là, elle était de nouveau suspendue mécaniquement à un rail et passait cette fois entre deux rangées d’ouvriers, assis sur une plate-forme. Chacun accomplissait une seule et unique opération, à mseure que les animaux défilaient devant lui. L’un raclait l’extérieur d’une cuisse, l’autre l’intérieur. Un troisième tranchait d’un seul coup la gorge de l’animal, un quatrième en deux gestes précis, séparait la tête qui roulait par terre et disparaissait par un trou. Un cunquième incisait le corps tout du long, un sixième élargissait l’entaille, un septième sciait le sternum, un huitième décollait les viscères, un neuvième les extirpait et les faisait aussi glisser par un orifice ménagé dans le sol. Il y avait des ouvriers qui grattaient les flancs, d’autres le dos, d’autres encore qui nettoyaient l’intérieur de la carcasse, la paraient, la lavaient. Les cochons pendillaient ainsi en un lent cortège d’une centaine de yards de long. Tous les deux pas, il y avait un homme qui s’affairait, comme aiguillonné par un démon. À la fin de cette procession, il ne restait pas un centimètre de l’animal qui n’eût été traité plusieurs fois. Enfin la carcasse était acheminée vers une chambre froide où elle était conservée pendant vingt-quatre heures. Un étranger aurait pu se perdre dans cette forêt de porcs gelés. » (P. 58-9) »Sortaient aussi de cher Durham des «terrines de gibier »,  des «terrines de faisan», «des terrines de jambon» et du  «pâté de jambon» qui était préparé à base de rognures de viande de bœuf fumé trop petites pour être tranchées mécaniquement, de tripes colorées chimiquement pour leur ôter leur blancheur, de rognures de jambon et de corned beef, de pommes de terres non épluchées et enfin de boeufs d’œsophages durs et cartilagineux que l’on récupérait une fois qu’on avait coupé les langues de bœuf. On broyait tous ces ingrédients et on assaisonnait cet étonnant mélange de diverses épices pour lui donner du goût » (P. 147)
  • « On demandait à un homme de travailler comme un esclave pour équiper le pays d’engins agricoles et voilà qu’on le renvoyait, quitte à le laisser mourir de faim, pour avoir trop bien accompli son devoir! » (P. 307)
  • « Son métier ne demandait guère de compétences, il était à la portée de n’importe qui, si bien que le travail était de moins en moins rémunéré. C’était le principe de la concurrence des salaires. Si Jurgis voulait comprendre le socialisme, il avit intérêt à commencer par cet aspect-là des choses. Les ouvriers avaient besoin d’un emploi pour vivre. Ils étaient donc en compétition les uns avec les autres et faisaient baisser les enchères. Personne ne pouvait espérer gagner plus que ce dont se contentait le travailleur au plus bas de l’échelle. Voilà pourquoi la masse des ouvriers était engagée dans un combat quotidien contre la pauvreté ét la famine. Ainsi allait «la concurrence» entre salariés, entre ceux qui n’avaient que leurs bras à vendre. Pour les exploiteurs, ceux qui chapeautaient le système, les choses étaient évidemment très différentes. Formant un clan restreint, ils pouvaient s’associer pour tout contrôler et affermir encore leur immense pouvoir. C’est ainsi que partout dans le monde, deux classes s’étaient constituées, séparées par un abîme infranchissable :  celle des capitalistes d’un côté qui jouissaient de fortunes colossales et celle des prolétaires de l’autre, que des chaînes invisibles maintenaient en esclavage. Ces derniers étaient mille fois plus nombreux que les premiers, mais ils étaient ignorants et sans ressources. Ils étaient condamnés à rester à la merci des profiteurs tant qu’ils ne se seraient pas organisés, qu’ils n’auraient pas acquis une «conscience de classe». Ce serait un processus lent est fastidieux, mais tout aussi inexorable que la progression d’un glacier.  » (P. 474)

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