Philippe Lançon

  • «  La critique me permet-elle de lutter contre l’oubli ? Bien sûr que non. J’ai vu bien des spectacles et lu bien des livres dont je ne me souviens pas, même après leur avoir consacré un article, sans doute parce qu’ils n’éveillaient aucune image, aucune émotion véritable. Pire : il m’arrive souvent d’oublier que j’ai écrit dessus. Quand par hasard l’un de ces articles fantômes remonte à la surface, je suis toujours un peu effrayé, comme s’il avait été écrit par un autre qui porterait mon nom, un usurpateur. Je me demande alors si je n’ai pas écrit pour oublier le plus vite possible ce que j’avais vu ou lu, comme ces gens qui tiennent leur journal pour débarrasser quotidiennement leur mémoire de ce qu’ils ont vécu. Je me le demandais, du moins, jusqu’au 7 janvier 2015. » (Le LambeauP. 12)
  • « C’était la littérature, non la fiction, qui m’aidait. Je n’avais plus guère la force d’en lire, mais je restais occupé par son lent souvenir, moi qui ne parvenais plus à sentir les souvenirs de la vie. Ses pays éloignés m’obligeaient à ne rien subir, ni image ni son ni corps. Ils m’aidaient à refaire, parallèlement à mon visage et à mon corps, les personnages qui l’habitaient, et qui avaient à peine besoin de leur berceau textuel pour vivre ici, dans ma chambre, comme des anges gardiens. » (Le Lambeau – P. 386)

« Le lambeau » – Philippe Lançon

Le lambeau« ….ce matin-là comme les autres, l’humour, l’apostrophe et une forme théâtrale d’indignation étaient les juges et les éclaireurs, les bons et les mauvais génies, dans une tradition bien française qui valait ce qu’elle valait, mais dont la suite allait montrer que l’essentiel du monde lui était étranger.. » (P. 51)
Ce matin du 7 janvier 2015, la conférence de rédaction de Charlie était bien avancée, tout le monde rigolait..des bruits de pétards pas assourdissants, et Philippe Lançon reprend conscience, couché par terre. Silence….Il voit des bouts de salle, « le crâne éclaté de Bernard Maris » à ses côtés, une secrétaire arrive affolée.
Dans la bouche de Philippe des dents se promènent.. Il ne peut parler et est incapable de bouger, et n’a pas encore de douleurs. Ses seules préoccupations : Que sont devenus les autres, ou est son téléphone, son vélo ?

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