- « Dans l’ordre des souvenirs, l’amour de la littérature a une grande supériorité sur l’amour tout court, l’amour humain. C’est que si l’on ne se rappelle pas forcément où et quand on a rencontré « l’autre », si on ne sait pas forcément quel effet « il » vous fit ce jour-là – et si on a même plutôt tendance souvent à s’extasier de ce que, ce soir-là, on ne comprit pas tout de suite que l’autre, c’était justement « lui » –, la littérature en revanche offre à notre mémoire des coups de foudre autrement fracassants, précis et définitifs. Je sais très bien où j’ai lu, où j’ai découvert les grands livres de ma vie ; et les paysages extérieurs de ma vie alors sont là, inextricablement liés à mes paysages internes qui sont généralement ceux de l’adolescence. » (Avec mon meilleur souvenir – P. 139)
- « Quelqu’un avait écrit cela, quelqu’un avait eu le génie, le bonheur d’écrire cela, cela qui était la beauté sur la terre, qui était la preuve par neuf, la démonstration finale de ce que je soupçonnais depuis mon premier livre non illustré, à savoir que la littérature était tout. Qu’elle était tout en soi, et que même si quelque aveugle, égaré dans les affaires ou les autres beaux-arts, l’ignorait encore, moi du moins, à présent, je le savais. Elle était tout : la plus, la pire, la fatale, et il n’y avait rien d’autre à faire, une fois qu’on le savait, rien d’autre que de se colleter avec elle et avec les mots, ses esclaves et nos maîtres. Il fallait courir avec elle, se hisser vers elle et cela à n’importe quelle hauteur : et cela, même après avoir lu ce que je venais de lire, que je ne pourrais jamais écrire mais qui m’obligeait, de par sa beauté même, à courir dans le même sens. » (Avec mon meilleur souvenir – P. 145)